Into the unknown [F01-704]

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Je… dors ? Pas vraiment. Je ne crois pas être tout à fait réveillée non plus. J'ai l'impression d’être dans du brouillard, plus dense encore que du coton. Je ne sens rien. Je ne vois rien. Je perçois seulement une respiration assourdissante, et il me faut un certain temps pour comprendre que c'est mon propre souffle qui fait ce vacarme. Il n'y a rien. Mon crâne me semble lourd comme… non, je n'ai absolument aucune référence. Aucune sensation à  laquelle comparer ça.  Mais c'est tellement douloureux ! Ma respiration s’accélère, sans que je ne comprenne réellement pourquoi. Est-ce que je peux me réveiller, s'il vous plaît ?  Me rendormir au besoin, mais serait-il possible de choisir l'un des deux au lieu de errer dans ce demi…

« Aaaargh ! »

Une douleur lancinante me force à me redresser d'un coup et je presse mes mains contre mes tempes. Le mouvement trop brusque me soulève l’estomac et dans un éclair de terreur, je me demande  ce qui va exploser en premier entre mon crâne et mes tripes. Je me bats contre mes draps, malhabile, et je suffoque. Je manque d'air. Je donnerais cher pour que ça s'arrête.  Je suis désolée pour ce que j'ai pu faire, pour ce que je n’ai pas fait, pour ce qui cause ce calvaire, quoi que ce soit.

[...]

« Souviens-toi… »

Je suis allée… non. Hier, j'ai… non plus. Une grande inspiration pour calmer la pièce qui tourbillonne. La verticalité, c'est quand même très surfait. Je me laisse de nouveau glisser, en contrôlant cette fois (à peu près) la force avec laquelle mon postérieur déjà bien mâché embrasse le plancher. Les yeux clos, je reprends mon cheminement mental. Donc j'ai cette impression de mort imminente parce qu'hier j’ai… on m'a…

« Décidemment… »

[...]

Chercher les détails. La pluie et le beau temps. Il y avait du soleil hier. Ou de la pluie ?  Est-ce qu'il neigeait ? Il faisait chaud ? Quel jour est ce qu'on était hier ? Un raz de marée  d'interrogations sans réponses me submerge et je couine un peu, faible et un poil perturbée, quand même.  Je dois chercher mon dernier souvenir et procéder dans l'ordre. Avec calme et logique. Je… ne… me souviens de rien ? Attends un peu. C'est impossible ! Je suis… amnésique ? Non ! Non c'est impossible ! Non ça ne peut pas arriver. Pas ça.  Pas à moi. Pas à…

Merde.

C’est quoi mon nom ?

Comme pour me répondre, la lumière s'allume. Je n'ai pas le temps de chercher qui vient de faire irruption qu'une voix s'élève.

« BON MATIN F01-704. IL EST 6H DU MATIN. EN DEHORS D’UN EPISODE PASSAGER DE TACHYCARDIE, VOUS ÊTES EN PARFAITE SANTÉ. UN BON SOMMEIL ET UN REVEIL DU BON PIED SONT ESSENTIELS POUR UNE BONNE JOURNÉE. N'OUBLIEZ PAS DE RESPIRER CALMEMENT ET DE VOUS DÉTENDRE. N'OUBLIEZ PAS D'ENFILER DES VÊTEMENTS PROPRES AVANT DE SORTIR. IL RESTE UNE HEURE AVANT LE DÉBUT DU PETIT-DÉJEUNER . »

Je…

[...]

J'ai besoin de comprendre, j'ai besoin de savoir si c'est un rêve,  un genre de dimension parallèle,  un kidnapping… j'ai exclu l'hypothèse du réveil à l'hôpital. Même si le petit briefing sur mon état de santé et les vêtements ternes et neutres pourrait laisser penser à une hospitalisation, ça n'a pas de sens. Je n'ai aucune blessure apparente et il n'y a pas d'appareil médical dans la chambre. Aucun bouton pour appeler les infirmiers non plus. Si je suis à l’hôpital, je suis dans le coma.

C’est irréel.

Et pourtant… non, peu importe.

Je me redresse et parcours la pièce du regard. Il y a un problème. Il y a… il n'y a pas de fenêtre.  J'ouvre la porte d'un geste brusque et débarque dans le salon. Fenêtre, fenêtre, fenêtre… ma respiration s'accélère et je sens des larmes brûlantes rouler sur mes joues. Je sors en trombe du logement et la panique prend le dessus. Je vomis.

Une chose est certaine, et je n'ai besoin d'aucun souvenir pour l'affirmer : je suis claustrophobe.