Your song [H02-42]

Hey, Ginger! Table 6! - Lancé-je à une drag queen aux cheveux si oranges qu'ils en feraient presque pâlir le soleil. Le soleil c'est jaune. Oui, mais faire pâlir une carotte, c'est de suite moins impressionnant. Encore que ce serait un exploit en soit. T-shirt bleu/gris, jeans gris et chaussures confortables, je passe de la salle au bar depuis déjà une bonne heure. L'un des employés est en congé et le patron n'a pas eu le temps d'embaucher quelqu'un d'autre, alors je dois mettre les bouchées doubles. Heureusement, il n'y a pas grand monde et surtout, j'y trouve mon compte. Je suis habituellement en salle, à faire le service. Passer derrière le bar est une bonne opportunité pour me faire la main, car plus j'y pense et plus je me dis que j'y serais bien mieux qu'au milieu des tables avec un plateau en équilibre. C'est peut-être l'attrait du poste, ou l'espace plus respirable en heure de pointe, toujours est-il que courir un peu partout, c'est l'idée du soir.

Ce soir-là, en plus, Pat est sur scène. C'est toujours un petit événement pour moi de le voir là-haut avec sa guitare. Un événement pas toujours très productif, parce que j'ai tendance à oublier ce que je fais à trop regarder, mais je fais au mieux pour rester efficace. Je connais son set par cœur. Il l'a assez répété à l'appart pour que même moi je sois capable de monter sur scène et le chanter. Pourtant, lorsque les premières notes de guitare de cette chanson sonnent dans les hauts-parleurs, je fronce les sourcils tout en continuant d'essuyer ce verre par automatisme. - It's a little bit funny this feeling inside, I'm not one of those who can easily hide... - Cette chanson-là n'était pas au programme, j'en suis certain. Et puis, pourquoi ce regard soutenu dans ma direction? D'autres voix se mêlent à l'assemblée quand quelques clients l'accompagnent et son regard qui ne cessent de revenir à moi commence à me faire rougir.

You see I've forgotten, If it's left or right, that isn't all blue, Anyway, the thing is, what I really mean, Yours are the sweetest eyes I've ever seen. - Woooooouh - Me hurle Jersey, une autre drag derrière le bar avec moi. - Oh my god... - Lâché-je dans ma barbe en sentant la bouffée de chaleur monter. Inconfort. Regards qui se tournent. Plaisir? Toute cette attention. Heureusement que les gens de ce bar sont désormais comme une seconde famille pour moi, sinon je me serais roulé dans un coin en attendant que ça passe. Au lieu de ça, j'abandonne le verre et traverse l'espace entre tables et clients pour me rapprocher de la scène et lui fait signe du doigt de rejoindre le bord aussi. Impossible de chasser ce foutu sourire. Il se penche, j'attrape sa tête entre mes mains et me hisse pour l'embrasser. - You're the sweetest, baby. - Lui dis-je une fois ses lèvres libérées alors que dans mon dos, essentiellement tout le monde s'est mis à applaudir. - Also, I hate you. - Trop d'attention. Il le sait. Il sait aussi comment me faire plaisir alors pourquoi est-ce que je râle? Je ne râle pas. Je lui souris malgré tout et le laisse retourner à sa prestation pendant que je rejoins mon bar et Jersey plus surexcitée que moi. Moi, j’intériorise. C'est mieux qu'exploser en larmes de joies.

Y en a qui savent pas la chance qu'ils ont, et y a moi ! - Le concert s'est fini en beauté, comme toujours, et après les acclamations et quelques saluts enjoués, Pat a fini par quitter la scène et rejoindre le bar. Son boulot est terminé, il peut bien se détendre un peu. Moi, en revanche, j'ai pas encore fini et j’enchaîne d'ailleurs les shooters depuis vingt minutes. Et forcément, lorsque je l'entends parler à Jersey, je secoue la tête. Il s'amuse énormément, énormément, de ce genre de petit commentaires. Ou de ce genre d'attention. Et à aucun moment je ne le échangerais. À aucun moment je lui dirais d'arrêter, mais il sait d'où je viens. Il sait la pente que j'ai dû gravir pour en arriver là. Littéralement, d'ailleurs. Les footings dans les côtes de San Francisco sont une véritable plaie.

Je n'ai jamais très sûr de moi. Je n'ai jamais été très attirant et je ne me suis jamais trouvé désirable de toute façon. Lorsque je suis arrivé San Francisco, je n'étais qu'un jeune britannique enrobé en quête de liberté. D'expériences. Découvrir ce que la vie a à offrir sans chaines pour me retenir. Je dois bien admettre avoir été servi. - Nan mais franchement, si j'étais pas aussi sexy je me demanderais ce qu'il me trouverait. - C'est sûr que t'as que ça pour toi. - Lancé-je depuis l'autre côté du bar, cherchant la répartie pour répondre à sa pique indirecte. Et moi j'ai... Aucune idée. Parfois je me pose la question, et puis je me force à arrêter. Il est là, c'est tout ce qui compte.

En ayant enfin fini avec les shooters, je range les bouteilles et reviens tranquillement de leur côté du bar. J'adore être derrière ce bar. On y est occupé, mais c'est fou tout ce qu'on peut voir. La salle est un spectacle, là où en tant que serveur je n'ai jamais le temps de la voir. - Content? - Lui demandé-je au sujet de son concert. Sans rien dire, j'attrape sa pinte et en prélève une gorgée avant de reposer le grand verre devant lui. C'est pas comme si on avait pas déjà partagé notre salive. Entre autre chose. - Tu peux rentrer, si tu veux. J'en ai encore pour un moment. - Pas que je veuille le foutre à la porte, mais mon shift ne se termine que dans deux heures et je ne voudrais pas qu'il s'emmerde. D'un autre côté, son corps doit nager dans les hormones et l'adrénaline, alors rentrer maintenant doit paraître improbable. Trop d'énergie à évacuer. Dommage que je doive travailler. Je l'aurais aidé avec ça.

Nein, j'ai rien de mieux à faire que de te regarder, et puis... J'aimerais qu'on rentre au moins à deux. - C'est mieux, ouais. - Avais-je dit, occupé. - Deux heures à t'attendre, après tout, c'est rien. Je vais picoler un peu plus, et quand t'auras enfin terminé, je pourrais marcher à tes côtés, bourré mais pas trop, et je regarderai le ciel nocturne en cherchant à quelle constellation t'as volé deux étoiles pour les mettre dans le fond de tes yeux. - Jersey pouffe de rire. Moi, j'esquisse un sourire. - À ce rythme là, tu vas me voir en double et trop rouler pour regarder le ciel. - Et j'ai réalisé ce que j'avais dis. - Si tu dis que le double ne te dérangerait pas, tu dors sur le canapé. - Aucun risque, mais c'est pour le principe.

Deux heures. Ça passe vite quand on s'occupe, et j'ai été bien occupé. Le bar n'a pas désempli avant tard, même après le concert de Pat. Ça n'a commencé à se vider qu'un peu avant l'heure de la fermeture, mais nous avons tout de même dû guider un paquet de gens vers la sortie, le moment venu. Au final, il ne restait que les filles et nous. Nous avons donc rangé un peu pendant que Pat finissait sa bière. Aucune idée du nombre, mais ça se voit à son visage qu'il est bien éméché. Heureusement, il n'a pas l'alcool mauvais. Il a l'alcool mignon. Romantique. Parfois too much, mais pas mauvais. Tant mieux. Et une fois le rangement terminé, Jersey a verrouillé le bar pendant que Pat et moi nous mettions en marche.

Habituellement, mon bras aurait été accroché au sien. Alcoolisé comme il l'est, je suis obligé de le tenir par la taille pour qu'il marche droit. Il parle fort, je l'accompagne. Il n'y a personne dans le coin et nous n'allons pas bien loin. Quinze bonnes minutes, c'est ce qu'il faut pour rejoindre notre appartement et je m'occupe d'ouvrir avant de le laisser entrer. - Ok, Casanova. Une marche après l'autre. - L'escaliers qui mène à l'étage est assez raide. Sobre, il est déjà difficile à monter, alors je reste derrière lui au cas où. Heureusement, pas d'accident et je déverrouille également notre porte pour le laisser passer. Ses proprios, qui occupent normalement le rez-de-chausser, sont rarement en ville. Ça nous permet de ne pas trop faire attention au bruit et lui de jouer sa musique sans risquer de les gêner. Nous entrons. Je l'attrape par les épaules et le pousse dans la cuisine. - De l'eau. - Lui pour s'éviter une bonne gueule de bois. Moi parce que je suis assoiffé. Je jette ma veste sur le canapé et revient vers lui, déposant un baiser sur ses lèvres en récupérant mon verre. - Merci.

Hé... - Fait-il en saisissant ma main au vol, pour me ramener à lui. Le verre dans l'autre main manque de perdre quelques gouttes, mais je sauve son contenu. Et ce, malgré le fait qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve à moitié assit sur lui parce que cet idiot ne sent pas sa force, et que je suis fatigué. J'aurais pu dire quelque chose, mais ça me fait surtout rire. Et bien sûr, c'est ce moment-là qu'il choisit pour se déshabiller. Parce qu'il n'aurait pas pu faire ça avant. L'aider? Certainement pas. Je l'observe galérer avec sa veste, sa chemise et son t-shirt. Je l'observe tout en buvant mon eau comme si c'était la dernière goutte de la planète. - Ça y est? T'as fini? - Lui lancé-je lorsque enfin son torse m'est tout offert.

En guise de réponse, voilà qu'il se redresse pour venir cueillir mes lèvres, et je dois dire que je ne le lui refuse pas. Je le fais seulement un peu forcer en ne me penchant pas pour le rejoindre. C'est tout, et ça n'a pas l'air de le déranger. S'en rend-il seulement compte? - Je peux encore te chanter la sérénade, si tu préfères... - Son regard manque de subtilité. Pas que ça me gêne, mais cette suggestion de chanson devient vite obsolète. - Tout ce que tu veux, Cam. - Tout ce que je veux hein? - Son index glisse sur mes lèvres, descend le long de mon menton. Longe le relief de ma gorge et j'attrape sa main. - Il y a bien cette chanson que je voudrais entendre. - Bassin contre bassin, le mien se met à bouger avec une certaine souplesse, doucement. Mon autre main saisit la sienne et je les guide toutes deux sous mon t-shirt qu'il relève par la force des choses. - Je pense que tu la connais très bien, d'ailleurs.

Pat est un grand garçon. Il sait suivre une instruction et je n'ai qu'à lever les bras pour qu'il s'occupe de me libérer de ce t-shirt. Tissu imprégné des odeurs de la soirée qui méritera un bon lavage, d'ailleurs, et rejoins le sol. Avec ses fringues, déjà éparpillées par terre. Je l'accompagne, allongés sur le canapé tout en l'embrassant. Ce sofa n'est pas conçu pour s'y allonger pleinement, faut dire. J'ai une jambe repliée, l'autre encore au sol et ça m'évite de l'écraser complètement. Cela dit, ça me donne un peu plus d'aisance pour laisser mes lèvres glisser sur sa gorge. Un peu plus de pression de mon bassin qui frotte contre le sien. Un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale et je reviens l'embrasser avec une certaine passion. - À moins que tu préfères chanter autre chose, bien sûr?