Après-midi cocooning [NB13]

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comme depuis plusieurs semaines maintenant, je dépose mon plateau repas avec le reste des vestiges du déjeuner et je résiste à l'envie de retourner immédiatement dans ma chambre. une nouvelle routine s'installe petit à petit mais mon asociabilité a encore du mal à ne pas fuir l'aire commune. pourtant, je sais qu'il ne m'est pas bénéfique de rester seulx, allongæ dans mon lit à somnoler jusqu'à l'extinction des feux, puis à observer mes pensées passer devant mes yeux fatigués. je me dirige donc vers l'espace bibliothèque aménagé par d'autres abeilles il y a quelques temps. le déménagement m'a perturbæ dans un premier temps mais je dois avouer que la ruche est passablement plus agréable désormais. et puis j'ai rencontré 404 et j'ai découvert mon intérêt pour la botanique, une résurgence d'un passé oublié qui se refuse à refaire surface plus que par indices microscopiques.
ma tasse de thé à la main, je m'installe donc sur un des canapés, au bord du bord du bord, pour ne pas prendre trop de place et ne déranger personne. je prends une gorgée de la boisson chaude et analyse le goût, les yeux mi-clos. chaque jour c'est une découverte, parfois une retrouvaille réconfortante, parfois une aventure gustative inattendue. aujourd'hui c'est un thé fumé qui me fait d'abord plisser le nez avant que l'arôme ne se répande sous mon palais. ce thé n'est pas agréable à boire : il engage, il propose, il pousse. je pose la tasse sur l'accoudoir du canapé et tire à moi le livre que j'avais coincé sous mon bras. je l'ouvre et tente d'en lire quelques lignes avant de me rendre compte du puissant effet de mon breuvage : je ne suis pas d'humeur à me plonger dans une fiction. il faudrait que je remonte chercher le livre de physique que j'ai planqué dans ma table de chevet.
un soupir m'échappe, ainsi qu'un juron. je reprends une gorgée de thé en observant les alentours, à la recherche du moindre élan de motivation à lever mes fesses de là. c'est sur et certain, si je remonte, je ne redescendrai pas. voila qui va à l'encontre de mon programme : j'étais censæ aller vers les autres, participer à la vie collective de cet étrange lieu... et c'est alors que j'ai la réponse à tous mes questionnements. un jeune homme au visage avenant me fixe. d'abord je fronce les sourcils, incertan de la marche à suivre. est-ce que j'ai un truc sur le visage ? est-ce qu'il fixe simplement le vide et que je suis sur le chemin ? devrais-je être mal à l'aise ? flattæ ? dérangæ ? décidément, je ne comprends rien aux humans. ni aux abeilles. mais il me sourit et finit même par me faire un signe de la main alors je prends mon courage à deux mains, et ma tasse de thé de la troisième, et m'approche de lui.
je sens tout mon corps crier contre cette initiative. tous mes instincts me poussent à aller dans l'autre sens. j'inspire par le nez et j'expire par la bouche en marmonnant des encouragements entre mes lèvres à peine entrouvertes. j'arrive à son niveau bien plus vite que je ne l'aurais voulu et je reste là, bête. un silence de quelques secondes gênantes s'installe entre nous avant que je ne reprenne mes esprits. je me racle la gorge avant de me présenter : euh, bonjour, salut. euh, moi c'est treize. tu... euh... merde. j'aurais vraiment dû prévoir une entrée en matière. l'improvisation n'est clairement pas mon fort. je me sens rougir ; mon visage habituellement si pâle et inexpressif me semble brûler et prendre la couleur des flammes dans l'âtre d'une cheminée. je n'ai qu'une envie : rebrousser chemin. pourtant je reste plantæ là comme an bêta.

@Diva

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La Ruche ne manque jamais de continuer à m'étonner. Dès que le jeune homme prend la parole, un soulagement se répand en moi et mon sourire se fait plus facile, plus naturel. Il m'invite à m'assoir et je le fais sans me poser mille questions comme à mon habitude. Évidemment, je prends le moins de place possible sur le canapé où il se trouve déjà, genoux serrés, livre sagement posé dessus et ma tasse comme une cerise sur le gateau que constitue cette étrange pile de chair et de papier, retenue farouchement par mes doigts crispés sur la anse.
T'as du thé ? Ou c'est autre chose ? Parce que bon, même si c'est pas mon truc préféré, un mug de temps en temps ça fait du bien.
Mon regard quitte son visage et se baisse vers le liquide encore fumant. Un sourire étire à nouveau mes lèvres, presque tendre celui-là. Non seulement mon thé m'apporte réconfort chaque jour de mon existence bizarre dans ce lieu tout blanc, mais il me procure également un sujet de conversation quasiment systématiquement. Ça devient peu à peu un endroit où je me sens à l'aise. Je relève les yeux avant de répondre, un sourire flottant toujours sur mes lippes.
C'est un thé fumé. J'ai une tasse d'un thé différent à presque tous mes repas depuis que la machine semble avoir repris ses esprits.
Comme si une machine pouvait avoir un esprit, songé-je malgré tout, ma rationnalité ne perdant jamais une occasion de souligner à quel point la Ruche est paradoxale, étrange, illogique et énigmatique.
Tu en veux ?
Je demande ensuite, en lui tendant la tasse d'une main légèrement tremblante malgré l'assurance dans le ton de ma question.
Celui-là n'est peut-être pas le mieux à boire si tu n'es pas friand de cette boisson, cependant, ajouté-je dans un souffle. Mais je peux t'en apporter la prochaine fois que j'en aurai un fruité.
L'offre dégouline de ma bouche et me prend moi-même par surprise. D'abord, ça implique que nous ayons des rapports de manière continue et constante à l'avenir. Ensuite, j'ai fait une présupposition quant à ses goûts dont je ne doute même pas une seconde. Je fronce les sourcils, légèrement perplexe, mais comme il semble mis en confiance par Diva, mon cerveau ne me laisse pas analyser chaque élément de manière minutieuse. Il s'intéresse plutôt à la question qui suit et cherche à distinguer le titre de l'ouvrage qui se trouve sur ses genoux à lui. Cela se révèle impossible du fait de la position de ses bras mais je n'en pense pas davantage et je retourne plutôt mon propre ouvrage pour lui montrer la couverture et le titre du roman sur lequel j'ai jeté mon dévolu récemment. Sous le règne de Bone de Russel Banks, peut-on lire en haut de la première de couverture. En-dessous se trouve une image peu avenante de voitures retournées sur un fond grisâtre qui évoque le fin-fond de l'Amérique pauvre.
Contrairement à ce que la photo laisse imaginer, c'est un très bon livre. Du moins, pour les quelques pages que j'ai déjà lues. C'est en anglais, je précise, car j'ai découvert que le système qui nous permet de nous comprendre à l'oral en dépit des langues qui nous connaissons probablement à cause de notre vie antérieure ne s'applique pas à nos capacités de lecture. À mon grand désarroi, car cela limite encore davantage la bibliothèque à ma disposition. Si j'ai pris sur moi de déchiffrer certains ouvrages scientifiques peu importe la langue, c'est plus compliqué pour la fiction, vers laquelle je me tourne pour me détendre et me laisser emportae dans un voyage onirique.
Et toi, qu'est-ce que c'est ? demandé-je ensuite en indiquant du menton le livre posé près de lui.

@Patroclus Fawcett