H02-27 [ INSOUMIS ]

Ma première pensée… Ca a probablement été de me demander qui j’étais, et ce que je faisais là. Non. C’est une certitude. Ce sont les deux questions qui ont tournées en boucle dans ma tête pendant les longues premières secondes qui ont suivies mon réveil. Qui suis-je ? Où suis-je ? Qu’est-ce que je fais là ? La troisième est arrivée un peu plus tardivement. Et avec elle une impression… désagréable. Comme si… C’est ridicule, mais comme si la situation m’était familière, en quelque sorte. Une pièce exiguë, avec une seule porte. Ca a éveillé quelque chose au creux de ma poitrine. Une impression de déjà-vu. Comme si… Comme si c’était habituel. Oui, c’est ça. Une habitude. Une habitude inquiétante. Angoissante. Moins propre que cette pièce immaculé, que cette lumière trop pure pour être réelle, que ce néon que j’observais et qui m’a presque brûlé les yeux. Un frisson a parcouru mon échine à ce moment-là, je crois. Mais la sensation a vite été dissipée par ma quatrième pensée. “ Aie ”, quand j’ai essayé de me relever et que la douleur a traversé mes muscles, ma peau, ma tête et mes articulations...

Ca ne me fait pas vraiment peur. Le monde, les gens, les rencontres. Qu’importe, au final, que nous n’ayons aucun souvenir. Ca nous met, en un sens, sur un pied d’égalité. Je ne sais pas si j’aime ça ou non, mais en tout cas… Ca ne me dérange pas. Quant au reste… Nous sommes tous habillés pareil. Nous sommes tous ici sans souvenirs. Sans savoir qui nous étions. Nous sommes désignés par des nombres. En un sens, tout ceci est déjà une mise en scène. Mais dans quel but ? Ca, c’est la vraie question que je me pose. Et si certains parmi nous sont dangereux… Quand je pense à cette perspective, une petite voix au fond de ma tête me dit que je n’ai pas à me méfier et que… Hm… C’est étrange à dire, mais je ne me méfie pas des autres. Je me méfie de moi. Parfois j’ai même presque… peur de ce que je suis. De ce que je pourrais être derrière cet ersatz de coquille vide. Encore cette impression désagréable qui revient et me prend aux tripes avant de disparaître comme elle est venue. Qui est-ce que j’étais avant, bordel ?…

Je pense agir à ma guise, tant que je respecte les règles. Même si j’ai un mouvement de recul à chaque fois que je pense à ce mot. Les règles. Je crois que je n’aime pas ça. Mais je ne sais pas si j’apprécie le fait de ne pas aimer les règles. J’imagine que si je vois quelqu’un dans le besoin, je pourrais aller l’aider. Mais comment savoir, en vérité ? Comment savoir comme mon corps et mon esprit vont réagir face à une situation alors que je n’ai aucun souvenir. A ce moment-là, ce sont les réflexes qui prendront le pas sur la réflexion. On verra ce que mes réflexes me disent. Par contre, je pense que je suis quelqu’un de curieux et que découvrir le mystère autour de cette… Ruche est une activité à laquelle je vais m’atteler. Je n’aime pas rester dans le flou. Ce qui est problématique, puisqu’en un sens, tout ce qui se passe ici est flou et indistinct… J’aviserai.

J’ai effectivement quelques signes distinctifs, dont certains que je n’ai pas encore pu voir. Des tatouages, notamment. Deux flèches noires qui partent de mes épaules en passant sur mes deltoïdes, descendant jusqu’à mes coudes. A noter que les flèches pointent dans la direction des coudes susnommés. Et apparemment, j’ai un code barre tatoué au milieu de la nuque. Je porte également diverses cicatrices au niveau de mon torse, de mon dos et de mon abdomens, ainsi que certains au niveau de mes cuisses. je porte également une bague. Sans inscription quelconque, alors je ne sais pas trop à quoi elle correspond. Tout ce que je sais, c’est qu’en la voyant, je ressens une chaleur étrange au creux de mon ventre. Mais c’est une sensation fugace, agréable mais douloureuse à la fois...

Mes yeux s’ouvrent lentement. La brûlure est immédiate. Elle vient du néon accroché au plafond de la pièce. Je ne bouge pas. Mes pensées sont confuses. Je… Merde. Je ne me rappelle de rien. Comment j’ai atterri ici ? Putain… Attends… Je… Je ne me rappelle pas de… Comment je m’appelle ? Je cherche dans ma mémoire, mais il n’y a strictement rien. Aucune information. Aucune piste. Juste cette question. Qui suis-je ? Suivie d’une autre. Où est-ce que je suis ? La première réponse qui me vient, c’est que je me trouve allongé sur le sol. Je ne bouge pas, pour le moment, me contentant d’observer. Je me sens patraque, mais j’arrive quand même à distinguer que je me trouve dans une minuscule pièce entièrement blanche. Et à part le néon, il n’y a rien. Si. Une porte. Hm… Je reste perplexe. J’essaie toujours de me rappeler de quelque chose. N’importe quoi. Même une connerie, mais non, rien ne vient. Et soudain, une autre évidence me frappe.

Qu’est-ce que je fais là ? Comment je me suis retrouvé ici, allongé dans cette pièce exiguë qui me donne… Une nausée. Un mal-être. Je n’arrive pas à déterminer d’où ça vient. Une impression d’impureté. Une impression de déjà-vu. J’ai le sentiment d’avoir déjà vécu quelque chose de semblable et ma poitrine se serre. Une boule se forme dans mon ventre. Non. C’est pas agréable. Putain. Je me redresse d’un coup. Et c’est la douleur qui prend le pas sur toutes mes autres pensées, balayant tout ce qui se trouve autour.

Je sens la souffrance parcourir mon corps entier. De mon crâne jusqu’à mes orteils, je me tords de douleur sur le sol, grognant, criant presque. J’ai l’impression que quelqu’un m’enfonce des dizaines d’aiguilles à travers la peau. Mon esprit part en vrille pendant quelques secondes. Je ne sais plus où je suis. Comme si ça changeait quelque chose, de toute façon. Je ne sais même pas où je suis dans tous les cas. Mes articulations sont soumises à une torsion improbables, mes muscles me semblent atrophiés, ma tête me fait un mal de chien et bordel de merde, ça met du temps à s’estomper. Mais une nouvelle sensation me frappe. Je sais une chose à mon propos. Je suis habitué à la douleur. Fronçant les sourcils, je finis par me redresser correctement. Je suis maintenant assis au sol. Je jette un œil sur mon corps.

Me levant lentement, la première chose que je constate, c’est que je suis plutôt grand. Et que je porte des vêtements immaculés. Autant que cette pièce. Ca me met mal à l’aise. Ce sentiment d’enfermement. La sensation revient. Je connais ça. Mais impossible de me souvenir de quoique ce soit. Je m’apprête à examiner de plus près la petite pièce lorsque d’une voix robotique, féminine, retentit tout autour de moi.

“- Bonjour, H2-27. Bienvenue dans la Ruche.
- A qui le dis-tu… ”

Je fronce les sourcils. H02-27 ? C'est tout ce à quoi je corresponds ?… Au moins, je sais parler et maintenant je connais le son de ma voix. La Ruche… Encore un mystère de plus, même si ça répond à une de mes questions. Au moins, maintenant, je sais où je suis, même si ça ne m’évoque rien de plus que ça. La porte s’ouvre toute seule, révélant un long couloir. Je ne me pose pas plus de questions et m’avance. Pas à pas, parce que ma tête tourne encore à cause de la douleur et que je ne me sens pas très bien. Je ne sais pas si c’est à cause de la manière dont je suis arrivé ici, ou à cause de la sensation familière qui m’a surpris quand j’étais enfermé, mais toujours est-il que j’ai l’impression que si j’accélère, je vais tomber. Alors je me dirige lentement vers ce qui semble une sortie, lorsqu’un bras mécanique se tend. J’attrape le morceau de papier qui pend au bout, pose les yeux dessus, et je soupire longuement, avant de passer une main dans mes cheveux.

Bordel, mais où est-ce que je suis tombé, moi ?…