morning. [F01-318]

day 1
ça y est. t'as fait le tour. en même temps, ça prend pas vingt ans. t'aurais même pu t'abstenir de descendre les escaliers et tout observer du balcon. sauf que c'était l'heure de la bouffe. et même si t'as beau pas savoir qui t'es, c'que t'es, où t'es quand t'es ... il y a quand même des priorités dans la vie. alors ouais, t'es descendu, t'as mangé, rien de fantastique. t'étais presque déçue à vrai dire. trop de vert. sans doute en lien avec le manque de tu sais plus quoi souligné par la voix de tout à l’heure. bref. t’as mâchouillé tes légumes sans grande conviction, gobé trois frites. et finalement t’as tout englouti quand quelqu’un t’a gentiment fait remarquer que d’la bouffe y en a pas tout le temps, et que ce serait con que tu crève la dalle dans une heure et demi. t’as noté l’info, hoché la tête, fait vibrer pour la première fois tes cordes vocales pour lâcher un faible merci. et t’as nettoyé ton assiette. t’as rien dit d’autre, pas parlé, écouté, foudroyé du regard ceux qui s’approchaient de trop près. il ne te faut pas très longtemps pour capter que tout le monde et dans la même situation que toi. et ce n’est pas pour te rassurer. ni pour t’inquiéter d’ailleurs. étrangement. mais fort étrangement, ça te parait pas trop étrange tout ça. pas autant que ça le devrait. non ? t’en sais rien. tu sais rien. alors t’as juste reniflé en mangeant, rapporté ton plateau et t’es allé faire le tour des installations. tu t’es senti de te poser dans le salon, tu t’es senti d’allé te poser sur les tables à dessins. mais tu t’es surtout sentie de suer sur les machines. alors t’as fini ton tour ici. t’es monté sur un tapis, et t’as cavalé. aussi longtemps qu’t’as pu. pas longtemps en vrai. ça tourne alors tu descends. tu fais marches hier toute, les escaliers en bousculant deux pélots au passage et tu retourne de là où tu viens. chiottes, et tu recraches du vert foncé au fond de la cuvette. accrochée à la faïence, t’attends qu’ça passe. tu renifles. t’attends. tu finis par t’asseoir par terre, dos à la cloison. ça te semble être le lieu idéal pour faire un point sur ta vie. tu t’sentirais presque à la maison. Mais tes élucubrations n’ont guères le temps de sautiller très loin, puisqu’une ombre se détache dans l’encadrement de la porte. « salut. » tu grognes à moitié, renifles en essayant ton nez d'un revers de main. mais t’esquisses un sourire quand même. t’aimes faire de bonnes impressions.

@NB01-42 MORNING.

318 trace au crayon noir, sur une feuille de papier, plusieurs groupes de lignes horizontales (de la largeur d'une page en format portrait). Chaque groupe est constitué de cinq lignes.  Elle dessine entre ces lignes des formes différentes : une sorte de lettrine en forme d'esperluette (&) au début de chaque groupement de lignes puis une fraction de chiffre (4/4) qu'elle place à droite de l'esperluette. D'autres figures viennent se dessiner les unes après les autres, parfois juxtaposées : des cercles vides, des cercles plein, prolongés par une hampe, des cercles reliés d'une barre... Après plus d'une heure à vider son esprit sur une feuille, 318 prend finalement conscience de ce qu'elle est entrain de faire : un document incompréhensible, bizarroïde, invraisemblable. Ce n'est pour autant pas le premier qu'elle réalise. L'emplacement des formes est à chaque fois différente et ne présente aucune similarité avec ses autres réalisations. Bien décidé à garder l'original de ces étrangetés, 318 décide de retourner dans "ses appartements". Quittant l'espace commun pour rejoindre l'escalier, elle évite l’ascenseur qu'elle trouve relativement étouffant. En arrivant dans son logement, 318 se dirige directement vers sa chambre, chambre la plus éloignée de l'entrée principale. La rouquine se pose sur son lit, l’espace d'un instant, pour ajouter sa feuille de papier au petit tas qui s'accumule depuis quelques jours sur sa table de chevet. Survient alors un bruit inattendu, un reniflement en provenance des toilettes. Intriguée, 318 quitte son lit pour se diriger au pas de course vers l'encadrement de la porte des wc. Arrivée depuis trois jours, c'est la première fois qu'un autre matricule pénètre dans son habitat, positionné qui plus est d'une manière plus ou moins grotesque, la tête et le corps cambrés près de la cuvette des toilettes. "Ils servent de drôles de substances en bas j'ai l’impression. Tu n'as pas l'air d'aller bien. Je peux t'aider si tu veux, pour te relever déjà ?" lui dit-elle en lui tendant une main, esquissant un demi-sourire, un peu dégoutté par l'odeur. "Je pense que boire dans le lavabo te ferait du bien. Puis tu pourras peut-être m'expliquer, ce que tu fais là ?" cette fois, son sourire fut bien moins constipé, se voulant effectivement plus doux, plus chaleureux.  

tu dévisage sans plus de cérémonie la femme qui te fait face. tu la reluque de la tête au pieds. en tout bien tout honneur cependant. enfin disons que de un, t'es pas du genre à draguer quand t'es encore à moitié la tête dans les chiottes. (enfin tu crois pas.) et de deux, tu reluque tout le monde ici de toute façon, et tout le monde reluque tout le monde. y a de quoi. bref. tu la détailles un instant et tu t'dis presque que t'aimerais bien avoir ses cheveux. presque parce que de un le roux, ça t'vas sans doute pas. et de deux c'est chiants les cheveux putain. même si t'as plus beaucoup d'expériences concrètes en tête, ne serait-ce que courir tout à l'heure et gerber maintenant aurait demandé de la logistique en plus si t'avais une telle tignasse. bref. faut que t'arrête d'énumérer des trucs, et que tu sortes de là. tu souris de travers, juste un poil gênée par la situation. « bah ils servent des légumes. j'vois pas c'qu'il vous faut d'plus pour trouver tout ça suspect... » t'sais pas pourquoi tu la vouvoies mais ça sort comme ça. osef. tu souris un peu mieux que ça et acceptes son aide pour te relever. « merci » tu lâche brièvement en même temps que sa main. et tu t'empresses de tirer la chasse parce que bon voilà. sauf que y a rien pour tirer la chasse. et "bip" et un autre bruit de siphon qui nettoie le tout. tu hausses les sourcils, regarde tour à tour les toilettes et la rouquine, et puis tu hausses les épaules. en même temps, ç'aurait été bizarre que ça, ce ne soit pas aussi un truc automatique. genre tout, sauf le nettoie caca. ce serait le comble du foutage de gueule de toute cette histoire...

« à vrai dire, j'me suis réveillée ici, donc je suis revenue ici, j'ai pas cherché plus loin. » tu fais quelque pas pour sortir des chiottes, et tu regardes autour de toi. « en fait j'me suis réveillée, j'suis sortie, mangé, fait un tour, couru et j'suis r'venue ici quand j'me suis sentie mal. » résumé pourri d'une journée en somme toute aussi pourrie. « j'sais pas, revenir là c'est c'qu'il m'a semblé devoir faire... j'ai eu tort ? » pas que t'en ai franchement quelque chose à faire, mais semblerait qu'on puisse pas faire c'qu'on veut quand on l'veut ici, alors mieux vaut s'mettre au courant. tu rejoins la salle de bain sur cette interrogation et tu jettes un œil à la femme que tu as laissé te suivre.