Into the Unknown. Ft H01-566

Bon, ça commençait à devenir soûlant. En fait non, ça l'avait été depuis la première seconde. Mais plus le temps passait, pire c'était. Ça ne faisait qu'un jour qu'il était là et déjà, sa résolution de ne pas chercher de sortie vacillait. D'après lui, ils avaient été placés ici tels des souris de laboratoire dont on souhaitait étudier le comportement et dont on voulait évaluer la capacité à sortir du "labyrinthe". Et par ils, 626 voulait surtout dire lui tout seul. Parce que pour ce qu'il en savait, les autres étaient peut-être tous des figurants participant au jeu malsain de ces scientifiques. Par pur esprit de contradiction, si ces idiots attendaient une chose de lui, c'était forcément le contraire qu'il allait s'évertuer à faire. Seul soucis dans le cas présent : Ne pas chercher la sortie repoussait, de fait, le moment de sa sortie. D'un côté son aversion pour cet endroit, de l'autre côté la possibilité de faire chier ceux l'ayant placé là. Le genre de dilemme chiant, vous l'aurez compris.

Pour l'aider à tenir, c'est naturellement que le jeune homme s'était tourné vers la bibliothèque. Avait-il été un fervent lecteur avant sa perte de mémoire ou bien était-ce simplement dû au fait que les livres représentaient ici le seul moyen de s'échapper ? Va savoir. Il avait longuement hésité parmi les divers ouvrages proposés. Voyant que certains livres vierges étaient présents, il s'était discrètement permis d'en prendre pour noter à l'intérieur, d'une écriture la plus neutre possible : "J'ai les réponses à tes questions. Trouve moi et tu trouveras la vérité." Des réponses, il n'en avait aucune. En revanche, il aimait beaucoup l'idée que grâce à lui, quelqu'un se torturerait l'esprit sans aucune raison valable. Il reposa le bouquin à sa place initiale en espérant que la langue dans laquelle il écrivait serait comprise.

Le méfait accompli, il s'était finalement installé de tout son long dans un des canapés accompagné de l’Odyssée. L'histoire d'un héros voulant rentrer chez lui, mais maudit par un Dieu faisant tout pour l'en empêcher. L'histoire qu'il découvrait (ou redécouvrait ?) était intéressante et 626 ne pu s'empêcher de se demander s'il était lui-même dans une situation semblable. Lui, un héros ? Mouais. Malgré son amnésie, il en doutait fortement. Maudit des Dieux, en revanche, ça semblait déjà plus plausible. En tout cas, si son cas était semblable et qu'on lui offrait une chance de se venger, le jeune homme avait déjà une bonne idée d'où le trident évoqué dans le livre allait terminer. Saleté de divinité.

Malheureusement pour lui, 626 apprit qu'il était du genre à rapidement se lasser. Rapidement, il avait abandonné le livre pour reprendre son exploration des lieux. Personne à l'horizon, c'était parfait. Un par un, il retira les livres de la bibliothèque, espérant secrètement déclenché un mécanisme dévoilant un passage secret. En vain. Mais il n'allait pas se décourager pour si peu. Il lui restait encore à vérifier si les meubles possédaient un double fond, s'il était possible de les bouger et certainement un tas d'autres choses auxquelles il n'avait pas pensé. Sa résolution de ne pas chercher de sortie pour contrecarrer le plan des méchants en prenait un coup, mais s'il trouvait quelque chose, ça pourrait valoir le coup... En espérant qu'on ne vienne pas le déranger.

626 n'avait pas remarqué qu'il était épié car bien trop occupé à échafauder des théories du complots à faire pâlir d'envie les plus grands conspirationistes. Même lorsque l'individu s'approcha de lui jusqu'à arriver dans son dos, il ne l'entendit pas. C'est d'ailleurs pour ça que, lorsqu'on lui tapota l'épaule et que la voix grave retentit en le prenant par surprise, ce n'est que de justesse qu'il retint son coude d'atterrir dans le visage de l'intru.

Le visage du jeune homme affichait sans vergogne un amusement certain et 626 regretta instantanément que son coude ne soit pas arrivé à destination. Après tout, surprendre quelqu'un comme il l'avait fait dans la situation actuelle revenait à se porter volontaire pour se prendre des coups, non ? En tout cas, il s'en voulait à lui-même de s'être laissé surprendre si facilement. Lui qui se targuait d'être sur ses gardes... En revanche, il n'était pas peu fier de sa rapidité de réaction.

Comme les secondes s'écoulaient et que l'autre semblait toujours attendre une réponse, 626 entreprit de la lui donner. Non sans, auparavant, pousser un profond soupire. De ceux qui signifient : "Pour l’amour du ciel, est-ce qu’au moins tu te rappelles ce que tu fabriquais le jour où ils ont distribué le bon sens ? Je n’en sais rien, peut être que tu étais en retard ce jour là parce que tu n’arrivais pas à retrouver le string qui allait avec ce si ravissant jean que tu aimes tellement. Ou tu étais peut être trop occupé à rebondir du popotin sur les inepties de je ne sais quel boys band qui t’hystérise la rate et du coup tu as raté le coche mais bien sûr je n’en sais rien, je ne fais que supposer. Mais y’a un truc dont je suis sûr c’est qu’ensuite tu es allé au supermarché de la connerie universelle et que tu as rempli à ras bord 3 caddies histoire d’avoir des réserves jusqu’à la fin de ta vie". Bon OK, peut être qu'un simple soupire ne pouvait pas traduire AUTANT de choses. Mais en tout cas, le cœur y était !

- Vous ? Je ne sais pas quel âge t'as mais... D'ailleurs, je ne sais pas quel âge j'ai non plus, tiens. En tout cas, compte pas sur moi pour te vouvoyer en retour. Quant à ce que je faisais, tu vas rire. Figure toi que quelqu'un travaillant ici passait par là tout à l'heure et m'a donné le pass permettant de sortir d'ici, mais que j'ai oublié où je l'ai foutu. Tu veux pas m'aider à le chercher ?

Aaaah, comme ça fait du bien. Cela dit, se moquer de sa poire, en dehors d'être satisfaisant et d'apporter une maigre vengeance face à la peur qu'il lui avait faite, n'allait pas beaucoup faire avancer le schmilblic. S'il n'était pas de ceux qui comptaient se fondre dans la foule ou même sympathiser, il ne disait pas non à profiter de potentielles informations.

- Si t'es pas trop bête et dans l'hypothèse où t'es pas dans le coup, j'imagine que t'as cherché une sortie toi aussi. Des infos à partager ?

Je vous présente 626 au sommet de son art : la courtoisie incarnée. Ouais, ça laisse à désirer. Mais bon, peut-être que son effort serait remarqué.

Et voilà que l'inconnu voulait lui donner des leçons de savoir-vivre. Non mais, il se prenait pour qui ? Inspiration. Expiration. De toute évidence, il avait dû être du genre à démarrer au quart de tour avant son amnésie et cela avait laissé des marques. Mais ça ne servait à rien de s'énerver ici et surtout pour si peu. Après tout, il ne savait pas encore ce qu'impliquait de braver les règles et préférait laisser la première place à quelqu'un pour pouvoir juger si ça en valait le coup ou non. 

- La politesse, c'est quand on vit en société. Ici, t'auras beau dire ce que tu veux, c'est juste une cage un peu plus grande que la normale. On est des animaux savants, des cobayes. Se fondre dans la masse et appliquer les règles pratiquées dans le vrai monde alors que rien n'a de sens, très peu pour moi. 

Le sourire dédaigneux fit renaître chez 626 l'envie de cogner son interlocuteur, mais la remarque qui suivi l'en découragea. OK, l'inconnu était difficile à supporter et avait dû être une tête à claque dans sa précédente vie, mais il était obligé de reconnaître que la répartie était bien trouvée. Le genre de truc qu'il aurait lui-même pu répondre. 

- Bah du coup, non merci. J'imagine que si t'as choisi cet endroit ya bien une raison et je voudrais surtout pas te priver du plaisir que ça te procure. Ici où on connaît personne, je comprends que tu profites de ne pas être jugé pour te faire tes petits kiff.

Au final 626 passait petit à petit de l'agacement au divertissement. C'était sympa de trouver quelqu'un avec un peu de répondant, ça permettait de calmer ses nerfs soumis à rude épreuve depuis son arrivée ici.  

Quand il reporta toute son attention vers le garçon lui faisant face, le sourire n'était plus dédaigneux et paraissait presque sincère. Ce qui réveilla la méfiance de 626. Ne faire confiance à personne ici était son nindo et il comptait bien s'y tenir. Et pourtant l'inconnu semblait avoir des informations possiblement intéressantes. L'hésitation qu'il montrait pouvait être feinte seulement pour mieux l'attirer tout comme elle pouvait être réelle. Cela dit, obtenir des infos, c'était toujours bon à prendre. Soit l' individu était un vrai amnésique et cela pourrait l'aider, soit il s'agissait d'un complice de ses ravisseurs et ça lui indiquerait la direction dans laquelle ne PAS aller. 

- Pour l'instant, je te soupçonne d'être un robot ou un extra terrestre. Si je finis par te prendre pour un fou, ça sera toujours une amélioration. Puis tout est fou dans cette situation, donc tu sais... 

Arf, ce robot, s'il en était bien un, était vachement doué pour la comédie. À la grimace qu'affichait son visage, on croirait vraiment qu'il se remémorait de mauvais souvenirs. Et ça ne faisait qu'augmenter l'envie de 626 de savoir ce qu'il avait à raconter. Mais peut-être que cela faisait justement partie de la stratégie de ses geôliers ? Purée que c'est chiant tout ce bordel. Bon, c'était décidé, il allait apprendre ce qu'il y avait à apprendre ici et verrai bien plus tard ce qu'il pouvait en faire. Mais ça n'allait peut être pas être si facile que ça.

- Je pense que si j'étais à ta place, je me ferai pas confiance. Si t'es bien arrivé ici de la même façon que moi et que toi aussi t'as aucun souvenir, tu dois penser comme moi qu'on peut compter que sur soi. Sauf que ça fait peut-être partie de leur plan qu'on soit chacun dans notre coin, tous méfiants. Et de coup ça voudrait dire que je joue selon leurs règles, et ça ça me ferait bien chier.

Ok, l'argumentaire était pourri. On aurait presque pu croire qu'il voulait le pousser à ne rien dire. Il fallait vite corriger ça.

- Bref, tout ça pour dire que chaque fois que j'y pense, je trouve aucune réponse mais qu'au contraire, je finis avec plus de questions qu'au début. Mais si t'y réfléchis bien, soit je suis avec eux et je sais déjà ce que tu as à me dire, vu que cet endroit est probablement truffé de caméra. Soit je suis pas avec eux et dans ce cas, partager des infos pourrait pas faire de mal.

Bon, plus qu'à croiser les doigts et attendre de voir.

Il fallait donc être poli pour pouvoir devenir alliés ? Bien évidemment, comment n'y avait-il pas pensé plus tôt ! Puis l'étape suivante était d'invoquer les fucking bisounours grâce au pouvoir de l'amitié pour pouvoir s'enfuir d'ici à dos de licorne, c'est ça ? Pff. S'il était sérieux dans ses mots et qu'il croyait vraiment ce qu'il disait, les chances que les deux tombent d'accord étaient infimes et fort de se constat, il décida de ne même pas répondre. Le silence est la meilleure réponse que l'on puisse faire à un sot, non ?

La réponse qui suivit le laissa un peu surpris. Certes, il n'avait pas totalement tort que l'endroit le plus sûr dans la ruche devait être son propre cul. Heureusement, 626 n'avait rien de valeur à cacher, d'ailleurs. Mais de là à dire qu'il n'était pas contre l'idée de se faire tâter le cul ? Était-ce une invitation ? Bon dieu, où et avec qui était-il tombé !

- Merci pour les détails mais je vais devoir passer mon tour, concernant la palpation de ton derrière. J'espère que tu sauras me pardonner !

Si 626 avait démarré la conversation très sur la défensive, il se calmait petit à petit. De toute évidence, il n'avait pas grand chose à craindre de l'inconnu et jusqu'ici il avait apprécié leur petite joute verbale. Et s'il parvenait à obtenir en plus des informations, il pourrait définitivement déclarer que sa recherche avait été productive. Quand, pour lui prouver qu'il n'était pas un robot, le jeune homme s'entailla le doigt, 626 ne sut que penser. C'était peut-être aller un peu loin pour tenter à l'amener à faire confiance. Et si ça réduisait les chances qu'il soit un robot, ça ne prouvait en revanche rien contre le fait qu'il pourrait être un alien ou un complice de ceux l'ayant placé ici. Mais il préféra ne pas évoquer les deux autres suspicions, de peur de le voir tenter d'autres choses pour lui prouver sa bonne foi.

- Sauf si t'es un cyborg. Mais bon, je vais te croire pour l'instant. Puisque je te demande à toi de me croire, ça me semble fair.

Enfin il se mit à lui raconter ce qui l'intéressait. Enfin, il ne savait pas encore bien de quoi il s'agissait, mais la manière mystérieuse dont il en avait parlé et le fait qu'il avait hésité à lui confier ses informations en faisaient quelque chose d'intéressant. Comme il murmurait, 626 se pencha légèrement vers lui pour être sûr de ne rien rater.

Une fois qu'il eut fini de lui raconter, 626 resta un moment perplexe. Il pouvait ne s'agir, comme il le disait lui-même, que d'un pressentiment. Le genre de truc basé sur absolument rien que ton cerveau s'amuse parfois à t'envoyer. Mais d'un autre côté, il était obligé de se demander : "et si ?". Et si ce qu'il percevait dans ce couloir était bien réel et pouvait les amener à en savoir plus sur ce lieu, la raison de leur présence ici ou quoi que ce soit d'autres. Puis ce n'était pas comme s'il avait beaucoup de choses à faire enfermé ici, de toute façon. Cette dernière pensée acheva de le décider.

- Ok, j'accepte. J'espère pour toi que t'es pas juste en train de te payer ma tête, parce que sinon je te le ferai payer cher. Mais t'as l'air mal rien que d'en parler, donc je suis prêt à tenter le coup, demain. On se retrouve demain à 11h devant la fontaine.