Futiles occupations ? ft. NB01-013

Je fixe l'espace de vie commune, le regard flou. Je ne saurais dire depuis quand je suis arrivæ dans ce lieu, combien de théories se sont échaffaudées dans mon esprit avant de s'écraser en mille morceaux devant mes yeux. Je ne sais pas quel jour on est ni l'heure approximative. Les chiffres qui clignotent sur mon bracelet et sur tous les écrans qui parsèment les murs n'ont aucune signification. Chaque cycle est le même et je répugne toujours à parler de journée, de matin, de nuit. Les choses me semblent de plus en plus factices à mesure qu'elles se répètent encore et encore. Je me réveille et la même voix me parle pour me dire des mots qui passent au travers de mes tympans sans s'enregistrer dans mon esprit. Tel un automate je vais récupérer mon repas, soigneusement sélectionné mais pas par moi, et je le mange, dirigæ par mes instincts corporels. Parfois je trouve de quoi m'occuper, parfois je dors, parfois j'essaie de trouver un livre intéressant dans la bibliothèque. Cette fois, j'observe toutes les abeilles qui s'activent sous mes yeux - le vocabulaire de la ruche m'envahit malgré moi. J'en viens même à référer à moi-même comme Treize, comme si c'était un nom acceptable, comme si cela pouvait être mon identité. De toute façon je ne sais rien de moi. Et je ne cherche pas à le découvrir. Si mon esprit continue d'établir des hypothèses, j'ai rapidement cessé de partir activement à la découverte d'indices pouvant valider ou invalider mes suppositions. Tout cela est probablement le fruit de mon cerveau malade. Ou une expérience scientifique dont nous sommes les cobayes. Ou une prison surréaliste pour évacuer les cellules trop pleines. Ou un film en 3D devenu trop réaliste, au point que les figurants développent une conscience. Je ne sais pas. Je ne sais même pas si savoir importe.
Bonjour, je m’appelle 023, j’espère que je ne te dérange pas. Je crois que je ne t’ai jamais vu par ici.
Ma tête pivote un peu trop vite vers la nouvelle arrivée et je lui lance un regard perdu. Moi non plus, je ne l'ai jamais vue. Pourtant, à part manger et dormir, regarder les autres c'est ce que je fais le plus. Je fronce les sourcils. J'ai entendu parler de disparitions d'abeilles, certaines temporaires et d'autres qui semblent pour l'instant définitives, mais je n'y ai encore jamais été confronté directement. Je suppose que 023 doit avoir disparu un certain temps pour que nous ne nous soyons jamais croisé. La Ruche n'est pas si grande que ça et j'ai une assez bonne mémoire des visages, semble-t-il.
« Bienvenue » dans la ruche. Tu es ici depuis longtemps ? Je me demandais… tu es seulement le deuxième bracelet orange que je vois, tu sais quel sens cela a ?
Ça fait beaucoup de mots et d'informations. Mon cerveau était en veille et lui faut quelques minutes, qui semblent durer une éternité, pour se remettre en marche et me permettre de répondre. Gênæ, je passe une main sur mon crane rasé et je réponds dans un petit rire qui trahit mon malaise, comme un robot, à ses questions une à une.
Treize. Moi c'est Treize.
Elle ne m'a pas demandé mon nom mais elle s'est présenté alors cela me semble logique, normal, poli.
on ne s'est jamais croisé, je m'en souviendrais. Pourtant, il y avait écrit 21 sur mon bracelet quand je suis arrivæ et maintenant c'est 34. Où étais-tu?
Elle semble penser que je suis plus novice qu'elle dans la Ruche, d'où ma question, aussi maladroite soit-elle, je m'en rends compte un peu trop tard.
je... ne me suis pas du tout posé la question.
Et je lève mon bras comme un pantin désartibulé, comme si mettre le bracelet orange sous son nez pouvait répondre à ses interrogations. Pour tout avouer, je suis étonnæ de ne pas encore m'être posé la question moi-même.

Eh bien… enchantée 13. J’étais… hem… isolée suite à un petit problème d’alimentation. Du coup, j’ai raté pas mal de choses. Tu es arrivé avant ou après l’accident des machines du réfectoire ? D'un coup d'un seul, je me sens mal. Je sens quelque chose dans mon ventre, un gout amer qui sinue de mon estomac au fond de ma gorge. Je grimace, incapable de me retenir. En quelques instants, j'identifie le sentiment : il s'agit de culpabilité. Pourquoi la réponse de 023 me fait-elle me sentir coupable ? De quoi puis-je bien être coupable ? D'ailleurs, j'ai écarté depuis longtemps l'idée que ce qu'il se passe ici à une portée morale, alors la culpabilité ne fait aucun sens. Je ne comprends décidément ni ce lieu, ni mon existence. Je secoue la tête, décidæ à ne pas me laisser distraire par mes réflexions alors qu'une personne tente de me faire la conversation. Je passe beaucoup trop de temps dans ma chambre, à regarder le plafond et à dormir. Je perds l'habitude de communiquer avec d'autres... êtres humains ? abeilles ? clones ? sujets ?
Je suis arrivæ la veille de l'incident. J'ai aidé un homme qui s'est cassé le mollet, et je suis tombæ amoureuxe d'une femme qui a essayé d'éteindre le feu.
Je n'ai pas revu cet homme, d'ailleurs, alors que je l'ai cherché les jours qui ont suivi. C'était le seul avec qui j'avais l'impression qu'une étincelle de complicité passait, quand même bien je passais mon temps à le rabrouer, lui et nez-ensanglanté, parce qu'ils faisaient des blagues absolument pas adaptées aux événements. La femme, aussi belle fut-elle, m'avait pour sa part ignoræ la majeure partie du temps et j'avais depuis longtemps abandonné l'idée de faire autre chose que de la regarder de loin de temps en temps. Cela faisait battre mon cœur un peu plus vite et m'apportait un plaisir esthétique. Il y avait plusieurs personnes dans la Ruche qui avaient cet effet, par ailleurs. Globalement, cela ne me frustrait pas de les regarder de loin. J'ai comme le pressentiment que je n'ai jamais été très heureuxe en amour, si c'est ça que j'appelle "être amoureuxe". Je ne crois pas que mon rapport à la chose soit commun.
Que veux-tu dire par rapport aux nombres sur le bracelet, je ne comprends pas très bien.  
Oh, pardon. C'est ma façon à moi d'essayer de garder la notion du temps qui passe. Les journées se ressemblent tellement ici. Alors je marque chaque jour d'un petit bâton, et il s'en est passé un certain nombre depuis mon arrivée.
Je lui souris maladroitement. Je voudrais qu'elle m'apprécie autant que je l'apprécie déjà. Je voudrais qu'elle cherche de nouveau mon contact même si j'ai l'impression d'échouer lamentablement à rendre cette interaction sociale agréable. Je voudrais qu'elle me sorte de mon apathie, parce qu'elle est la seule qui semble s'intéresser à mon spectre alors que j'erre silencieusement la Ruche sans rien rechercher. J'ai enchainé des dizaines de théories quand je suis arrivæ mais désormais, je n'arrive plus à trouver la force de m'extraire de mon lit pour fouiller les environs ou résoudre des énigmes comme j'ai vu d'autres abeilles le faire. Je ne parviens même pas à interagir avec les autres captixs, alors que nous sommes vraisemblablement touz dans le même bateau. Je m'accroche à 023 comme à une bouée de sauvetage.
Eh bien, nous allons rapidement le savoir concernant la couleur. @Aleksa, pourquoi le bracelet de 13 est vert ?
L'hologramme apparait et, comme toujours lorsque c'est le cas, j'ai un mouvement de recul. Même s'il prend l'apparence d'une femme souriante, il me terrifie toujours. Sa voix me hante depuis mon premier réveil et résonne trop souvent dans ma tête pour que je ne l'appelle, quand bien même j'aurais besoin de ses services. C'est encore ce même homme, celui au mollet brisé, celui qui m'a surnommæ "badass", qui échangeait avec elle comme s'il s'agissait d'un énième flirt, et je lui enviais son aisance quand même je me tenais à distance de ses échanges avec le programme informatique.
Ce bracelet est orange. Il est le signe que NB01-13 se considère Non Binaire.
Pour autant, les informations de l'hologramme s'avéraient bien souvent utiles. Je levais mon bras et observait mon poignet. Au-dessus du bracelet, très peu esthétique et très peu confortable en outre, se dessinaient des tatouages qui remontaient le long de mon avant-bras. Encore une fois, j'avais d'abord essayé d'en décrypter le sens avant de m'abandonner à l'apathie.
Oh. La Ruche a donc un système genré. Comme c'est agréable, même ici on n'y échappe pas.
Le sarcasme m'échappa, m'arrachant un air surpris à moi-même.
Bon, au moins, il reconnait qu'il y a plus que deux genres, soupiré-je comme pour me faire pardonner de cet accès de frustration. Bon, donc : l'identité de genre devait être un enjeu qui me tenait à cœur... avant. Je jetai un regard au bracelet de 023 et ne put m'empêcher de lâcher un petit rire.
Enfin... on reste au rose pour les filles et bleu pour les garçons, cela dit, visiblement.
Cela devait vraiment me tenir à cœur. J'étais visiblement touchæ par tout cela, bien plus que par la plupart des choses qui occupaient mon quotidien.

@F01-023
désolæ pour le temps de réponse et j'espère que tu auras d equoi faire

Hum… Bienvenue du coup, et… heu… chouette pour la femme ? C’est bien de pouvoir tomber amoureuxe dans de telles circonstances.
un petit rire m'échappe. zéro-vingt-trois a l'air aussi convaincue que moi par ce qu'elle dit, c'est-à-dire quelque part entre pas vraiment et pas du tout. je lui souris malgré tout, parce que c'est gentil, ce qu'elle dit. même si je ne comprends pas pourquoi elle me souhaite la bienvenue : d'une part, je suis ici depuis un moment maintenant, d'autre part, il n'y a rien de bien à être venu ici. ce doit être une façon d'être polie. pour une raison que j'ignore, j'apprécie cet effort bien que je ne le comprenne pas. de toute façon, je ne comprends pas grand chose alors, un détail de plus ou de moins... autant que cela vienne d'an autre prisonniær, surtout si al est aussi bienveillantx que zéro-vingt-trois.

je marche un léger temps d'arrêt avant de répondre, les yeux écarquillés.
voilà une perspective terrifiante, ma foi.
foi que je n'ai pas, j'en suis à peu près certan désormais, après m'être posé la question sous tous les angles au cours de mes premiers jours au sein de la ruche.
depuis le début, je trouve l'alternance jour/nuit d'une artificialité sans nom, et je déteste que les règles en soient si dépendantes. je voudrais dormir le jour et vivre la nuit. ou tout simplement ne pas m'infliger ce rythme arbitraire.
cela me questionne sur mon mode de vie hors de la ruche. depuis cent-onze, j'ai compris que les gens ici avaient souvent la certitude qu'il existait une autre vie, une vie probablement antérieure dont la mémoire nous aurait été enlevée. si l'idée n'a rien de naturelle pour moi, elle parait logique et elle remporte un franc consensus parmi les abeilles, aussi y songé-je régulièrement. je ne sais ni qui je suis ni qui j'étais, mais ce que je découvre de mon caractère ne me donne pas forcément envie de renouer avec cette vie que tant d'autres abeilles ont hâte de retrouver.
cette histoire de temps nous amène à considérer nos bracelets, et zéro-vingt-trois soulève la question de la couleur du mien. c'est vrai qu'elle est moins répandu que les deux autres, pourtant je ne me suis jamais posé de questions à ce sujet. je ne suis pas bien vix, semble-t-il ; et la pensée me laisse un goût amer au fond de la gorge. après le passage d'aleksa, cette sensation est chassée par un agacement qui me surprend moi-même et je m'énerve un peu contre la binarité de genre.
Oui, c’est pas mal qu’il y ait plus de deux genres reconnus, ça montre qu’Aleksa ou son créateur y prête une certaine attention. Ce sont des sadiques mais pas de vieux réacs, c’est un début, non ? Après, le plus simple aurait été de mettre la même couleur à tout le monde. Personnellement, j’aurais aimé avoir du rouge…
la même couleur à tout le monde, ç'aurait été le mieux. ou les couleurs de l'arc-en-ciel de façon aléatoire.
je souris. cela m'aurait plus, qu'on ait tous des dizaines et des dizaines de couleurs différents afin d'égayer un peu la cage blanche dans laquelle nous sommes enfermæs.
tu penses que notre présence ici est l'oeuvre de sadiques ?
je reviens à ce que zéro-vingt-trois a dit au début. j'ai toujours cherché des raisons rationnelles à l'existence de la ruche et à la présence des abeilles. l'idée que nous ne soyons qu'une distraction pour des observateurs sadiques me déplaît profondément. cela me déprime. le semblant de bonne humeur qui m'habitait depuis le début de notre échange, avec zéro-vingt-trois, se dissipe peu à peu et laisse place à une tristesse apathique, la même qui m'habite ces longues heures que je passe à fixer le plafond.

@F01-023
(et ne t'en fais pas pour la grammaire, elle est un peu difficile et je ne la maitrise pas parfaitement moi-même tu peux googler, c'est la grammaire d'al pheratz, mais en soi de l'écriture inclusive ça m'ira si c'est plus simple pour toi, ou n'importe quoi tant que tu ne mégenres pas treize à outrance )

Hum, je n’avais pas pensé que ça pouvait déranger des personnes mais ne le dit pas trop fort cependant ou la Ruche risque de nous imposer un rythme aléatoire.
un petit sourire s'esquisse sur mes lèvres et mes yeux dansent sur le visage de zéro-vingt-trois. j'apprécie le fait qu'elle semble se soucier d'autrui, du bien-être collectif. effectivement, peu importe mes griefs à l'encontre de la structure de notre vie dans la ruche, je ne m'amuse pas à les crier sur tous les toits et jamais il ne me viendrait à l'idée de chercher à imposer aux autres mes fonctionnements.
Sadiques…. Hum… peut-être pas. Mais c’est une possibilité.
je grimace et m'installe plus confortablement. adossæ à la rambarde du balcon, dos au reste de la ruche, je me concentre sur les explications de zéro-vingt-trois.
Je m’explique : la Ruche punit les contrevenants aux règles même si les règles sont absurdes. Il faut avouer qu’ils ont une certaine… créativité pour les punitions et que celles-ci sont loin d’être agréable. Du coup, même si tout ceci est une étude scientifique comme j’ai tendance à le croire (mais sans aucune certitude bien sûr), je me dis que les chercheurs ont quand même une certaine dose de sadisme pour avoir prévu dans le protocole de regarder les gens mourir de faim et de soif pendant plusieurs jours.
je me gratte vaguement le crâne, pensix. je ne sais pas si je suis tout à fait d'accord avec les conclusions qu'elle tire. quoi qu'il en soit, j'apprécie la tournure que prend notre conversation : nous réfléchissons de façon assez semblable. mon hypothèse principale tire également du côté de l'expérience scientifique, bien que ces derniers jours, ma certitude initiale ne soit de plus en plus vacillante.
D’ailleurs, je suppose aussi qu’on nous observe d’une façon ou d’une autre, peut-être par des caméras dissimulées un peu partout dans la Ruche, ce serait l’option la plus simple mais pas forcément la plus discrète, si c’est ainsi qu’ils nous observent, on devrait pouvoir les retrouver en cherchant suffisamment bien.
immédiatement, j'imagine qu'elle souhaite que nous nous mettions à la recherche de ces supposées caméras, mais, avant de lui emboiter le pas pour partir à la découverte des murs de la ruche, j'exprime quelques objections à cet exposé des faits.
j'ai également adhéré à l'hypothèse de l'étude scientifique, mais tu ne trouves pas qu'il y a énormément de facteurs changeants ? compte tenu de ce que j'ai moi-même observé mes premiers jours ici, je n'arrive pas à établir de protocole scientifique rigoureux à l’œuvre ici. les données ne sont pas exploitables tant elles sont complexes, tu ne penses pas ?
à nouveau je passe une main sur mon crâne presque chauve et caresse mes courts cheveux d'un air pensif.
mourir de faim et de soif... effectivement, ça semble sadique. mais aussi efficace, non ? enfin, je veux dire, c'est dissuasif en tout cas.
je déglutis, peu à l'aise. moi, ça me dissuade de tenter n'importe quel coup tordu. comme si le quotidien enfermé ici n'était pas une torture suffisante, voilà qu'il faut en plus être privé des moyens de notre survie.
mais c'est étrange en même temps, la ruche semble se soucier de notre "bien-être", ou en tout cas de notre survie. les repas sont faits pour remplir tous nos besoins nutritifs, le rythme jour/nuit suit le cycle naturel et il y a l'interdiction de se blesser... non, vraiment, je n'arrive pas à comprendre à quelle hypothèse als tentent de répondre.
mon regard se perd dans le vide alors que je me creuse les méninges, sans succès.
tu veux qu'on aille à la recherche de ces caméras ? aleksa doit bien avoir un moyen de savoir quand une infraction est commise ou qu'on l'appelle, il y a forcément un système de surveillance.
je relève les yeux vers zéro-vingt-trois, soudainement vix et presque impatientx. après une telle inactivité, cette discussion m'énergise terriblement.

@f01-023