New bee in the block [H02-247 - H03-149]

La Ruche, malgré toutes les bonnes intentions affichées, n'offrait que peu d'occupation. Les livres avaient été abîmés et certains étaient dans des langues que 247 ne comprenait pas; le matos de peinture et de dessin était bien gentil, mais il avait autant de talent qu'une brique; quant au sport, il avait déjà fait son quota de la journée. Il était remonté prendre une douche, avait dormi un peu malgré la lumière et était finalement descendu pour squatter l'espace salon. Avec un peu de chance, il y aurait quelqu'un. Même pas.

Il leva les yeux au plafond, l'observant avec concentration comme si la réponse était là, quelque part. C'était illusoire, et un peu désespérant. Il ne pouvait même pas imputer ça à une mauvaise alimentation, car malgré les dysfonctionnements des machines à nourriture, il avait eu un déjeuner plutôt correct. Trop protéiné, mais avec les beaux gosses qui traînaient dans la Ruche, c'était pas un mal de se nourrir uniquement de poulet et d'avoir comme seul hobby de courir sur place.

Tick tock goes the clock
Eternity like a pile of sand
Hourglass, broken in my hand

Tick tock, stopped in shock
I don't wanna go back to base
Don't feel like being erased

La chanson se fredonna presque toute seule, revenant d'un coin de la mémoire de 247. Depuis le temps qu'il était dans la Ruche, il s'était fait à l'idée qu'il devait être au moins un amateur de karaoké, mais son cerveau lui disait que c'était plus compliqué que ça. Il fredonnait pour lui-même, les notes défilant dans sa tête avec un naturel et une clarté incomparable. Sa voix suivait, ses cordes vocales faisant assez peu de fausses notes. Il les goûtait, ces fausses notes, et elles n'étaient pas bonnes. Il se redressa pour se débloquer la gorge et reprit.

Whole city is a cold desert now
Ghosts and sun made of ice
Tick tock
Time's dead, no beginnings and no ends

Il ignorait d'où sortait cette chanson, mais il pouvait entendre les accords de guitare, la ligne de basse et le rythme de la batterie, le tout dans un arrangement rock/country. Et il ne savait pas d'où tout ça lui sortait. C'était peut-être le plus frustrant dans toute cette histoire...

Il allait reprendre, quand il réalisa soudain qu'il n'était plus seul.

— Si tu veux chanter avec moi, je peux nous trouver quelque chose de plus connu, parce que j'ai le sentiment que celle-là est plutôt... underground. On se connait pas je crois... 247, en attendant mieux.

Il lui fit un signe de la main pour le saluer, et lui sourit. Pas de toutes ses dents, non, ce serait trop effrayant. On lui avait déjà qu'il faisait peur quand il souriait de façon trop appuyée, alors 247 faisait attention.

Je m'étais réveillé dans cet endroit ce matin. Pas fatigué mais endolori. Combien de temps j'avais dormi ? Aucune idée. Est-ce que j'avais été transporté dans mon sommeil ? Je ne sais pas. J'avais beau cherché, j'étais incapable de récupérer des informations. Mon âge, mon nom. Ni même de savoir à quoi je ressemblais avant de me regarder dans le miroir de la chambre dans laquelle j'avais fini par me réveiller.
Assez tôt. Enfin, je crois. L'heure affiché sur la montre bleue à mon poignet indiquait 06h. Du matin. L'appartement dans lequel je me suis réveillé était décoré relativement bizarrement. Je ne dirais pas que ce n'est pas moderne ou que ça ne me plait pas. Mais c'est relativement bizarre.
La matinée a été pour moi un simple jeu de savoir où je me trouve et à visiter les lieux. D'après ce que j'ai pu voir. On l'appelle la ruche ici. Il y a pas mal de gens que j'ai pu déjà croiser.

J'ai pu découvrir les règles qui ne cessaient de s'afficher sur les télés dans l'air commune. Dans des langues que je ne comprenais pas avant qu'une n'apparaisse clair pour moi. Il n'y avait pas tant de règle que ça. Mais il fallait que je les mémorise, non ? J'ai du me faire passer pour un idiot à passer dix minutes devant. J'ai eu un peu de mal à avoir un repas devant la grosse machine verdâtre. J'ai suivi ce que faisais les autres, mettre ma main dans un trou. Alors je suis peut-être paranoïaque mais je ne pense pas que ça soit bien malin de mettre sa main dans un trou quoi.. Le plateau à mis plus de temps à descendre et m'a donné uniquement des trucs sucrés. Je déteste ça. Je ne sais pas pourquoi mais à la vu de toutes ses sucreries. J'avais eu l'envie de vomir. J'avais gâché pas mal de nourriture mais impossible d'avaler tout ça sans avoir un taux de sucre violent par la suite.
Et au lieu de continuer à explorer, j'avais pu retrouver le numéro de la chambre dans laquelle je m'étais réveillé, pris une douche relativement longue pour essayer de retrouver quelques informations mais sans succès.

Dans l'aile commune, j'avais réquisitionné un crayon et un calepin. Si quelques choses me venaient, peut-être ? Alors, je me baladais avec ces deux choses. Et j'avais apposé quelques dessins mais rien qui puisse m'aider. J'avais dessiné ce que je voyais autour de moi. Du blanc. Ca manquait de couleur ici. Les murs, portes blanches. Trop d'immaculé, ça donne envie de salir.

- Je vais devenir dingue, ici..

Alors, j'avais fini par redescendre. Il n'y avait définitivement pas beaucoup d'activité ici.. pas du tout même. Et en arrivant dans l'espace Salon, j'étais tombé sur quelqu'un en train de chanter. Tiens, cette chanson me dit quelques choses.
Et cet homme chantait plutôt bien, suffisamment pour que je n'ai pas l'envie de l'interrompre.
Mais je me fis repérer assez facilement. 247 alors. En revanche, chanter avec lui pas sûr. Je ne connais pas les paroles. Les entendre oui mais de là à les chanter.

- Hm 100.. 149, c'est ça. 149, content de te connaître.

On a tous des numéros apparemment ? Enfin, c'est celui que la voix robotique m'avait dit à mon réveil. Mon sourire s’agrandit doucement. Il n'avait pas l'air bien méchant mais je ne saurais trop déterminer son âge.
Mais il avait dit en attendant d'avoir mieux. Il ne connaissait pas son prénom non plus alors. J'imagine quand on est tous dans le même cas ?

- Tu es ici depuis longtemps ?

S'il pouvait répondre à mes questions? Enfin, je ne sais pas. Si ça se trouve, je vais le faire chier. Mon stylo tape lentement sur le calepin. Comme pour me donner une contenance. Je me sentais un peu stressé. J'allonge mes jambes et étire un peu mes membres inférieurs.

- Je me suis réveillé ce matin. J'ai.. un peu l'impression d'être dans un asile. C'est trop blanc, trop propre, trop.. Ah.

Le jeune homme que 247 avait abordé ne semblait pas totalement farouche. Perdu, sûrement fatigué, mais pas du genre à se planquer dans un coin en attendant que ça passe. Spoiler : ça ne passe pas. Sinon, il ne serait pas là à regarder le plafond à fredonner pour lui-même. La bonne nouvelle, c'est qu'il y avait quelqu'un à portée avec qui passer le temps.

— De même ! Je me demande d'où ça nous vient, nos chiffres. Parce que 2 4 8 j'aurais compris, genre, deux, deux au carré, deux au cube. Mais sept ? Ou alors c'est totalement au pif.

Il soupira, et se dit intérieurement qu'il aimerait bien avoir un nom, même un surnom, plutôt qu'un matricule... Pour le moment, un nombre faisait le taff, mais ce n'était pas satisfaisant. C'était comme prendre un cachet de caféine alors qu'on adore l'odeur des grains torréfiés. Il manquait quelque chose.

Enfin, il se tut et écouta le jeune homme qui lui disait qu'il était vraiment tout nouveau. Frais du matin, comme un œuf. Merde, ce que tu dis n'a aucun sens, 247.

— Je suis là depuis au moins un mois je pense. Mais je peux te dire qu'on est pas dans un asile : on a deux médecins au moins, mais perso ils me font peur. Après pour le blanc... je sais pas, on s'habitue.

C'était à l'ennui que 247 ne s'habituait pas, et pour preuve, il se tourna tout à fait vers 149 et lui fit la même proposition qu'il faisait souvent aux nouveaux venus :

— On peut se raconter des histoires si tu veux. Tu te souviens d'un roman, ou d'un conte ? Moi j'ai l'impression d'avoir une bibliothèque là-haut, c'est... étrange. Y a que des trucs qui me concernent pas. J'ai juste les histoires.

C'était déjà pas mal, mais 247 aurait aimé savoir à quoi elles étaient connectées, comment il les avait lues ou vues, et ce qu'il avait ressenti à ce moment-là. Est-ce qu'il les avait partagées avec des gens ou c'était en solo ? Est-ce qu'il lisait plutôt en après-midi ou au soir ? Est-ce qu'il était du genre à se dépêcher de lire un livre avant d'aller voir le film, ou est-ce que ça lui était égal ? Autant de questions sans réponses, restait qu'il avait l'équivalent d'une médiathèque municipale dans la tête.

La question était pertinente. Le système de numéro nous servait à quoi ? Au delà de nous nommer, j'entends. Je repose les yeux sur son visage. Il devait bien avoir la trentaine. Mais il me parle de math là ? Je fronce un peu les sourcils. Je suis mauvais en math, je crois.

- Tu penses que les chiffres ont un lien avec nous ? Genre, tu es bon en math, on te fout Pi en matricule ?

Je viens pouffer de rire à ma propre connerie. Si c'était vraiment le cas, qu'est ce que voudrais dire 149 ? Une date de naissance peut-être ? Ou alors, c'est juste au hasard et on se creuse la tête pour un rien.
247 était là depuis au moins un mois alors; Bon, il n'y a des médecins et on ne se trouve pas dans un asile. Ce qui a quand même le don de me rassurer. Je n'étais donc pas fou.

- Un mois. Je ne pense pas m'habituer à ce blanc. C'est trop immaculé. Ca donne envie de jeter des trucs pour le colorer.. De la nourriture, de la peinture..

Enfin, pas que je vais le faire. Mais c'est ce que je pense. Je regarde devant moi. Et on est censé faire quoi ? Il n'y a pas de film à regarder, de livre à lire. Il n'y a que des trucs pour faire du sport et un espace ou on peut dessiner. 247 me parle d'histoire et compare son esprit à une bibliothèque. Je rigole avec douceur. C'est une bonne chose !

- Au moins, tu peux lire quand tu veux! C'est cool !

Je souris doucement. Bizarrement, malgré la situation, je me dis que ça aurait pu être pire. J'aurai pu me réveiller dans un autre endroit ? Ou peut-être que je suis simplement en train de rêver ? Et que je vais finir par me réveiller dans mon lit. Aller à l'école ou au travail. J'ai l'impression que mon cerveau est simplement une sorte de.. vide. Simplement.
Je réfléchis un peu et fini par ajouter.

- J'ai peu de livre en tête, j'ai l'impression. Peut-être que je ne lisais pas beaucoup avant ? Mais.. j'ai Frankenstein. Alice au pays des merveilles.. Est-ce que tu sais ce que tu chantais tout à l'heure ? J'ai l'impression qu'elle ne m'est pas inconnue.

Déjà, je pouvais mettre quelques points sur moi-même. Je ne lisais pas beaucoup, j'écoutais de la musique. En fait, je vais peut-être découvrir plus de chose sur moi-même que je n'aurai pu le faire avant ? Enfin, avant mon réveil ici.

Si 149 pouffe de sa propre connerie, 247 n'est pas difficile et le suit de bon cœur. Il n'avait croisé personne qui ait 314 en matricule, mais si jamais, il gardait cette vanne là en stock. C'est bien ce qu'il fallait dans cette Ruche : un peu d'humour.

— T'es marrant, je t'aime bien ! Tu sais, je suis même pas sûr d'être bon en maths, en vrai. Genre, je crois que tu me demandes de faire une division ou de calculer une vitesse, mon cerveau explose. Les machins au cube, ça me paraît pas trop compliqué je sais pas pourquoi. Enfin, tant qu'on monte pas trop haut dans les chiffres.

C'était pas un matheux, il le savait. Il n'y avait pas beaucoup de maths dans son mind palace, en tout cas largement moins que toute la place consacrée à la musique. Pas qu'on puisse pas être matheux en étant musicien, bien que cela semble être son cas. Il paraît qu'on le vit bien, alors il ne se posa pas plus de questions.

Ce qui n'était pas le cas de 149, qui devait en avoir pas mal qui se bousculaient là-haut. 247 ne pouvait pas lui en vouloir : il était passé par là lui aussi... Il s'était juste habitué à l'incongruité de l'endroit, et avait essayé de se concentrer sur les choses sur lesquelles il avait prise. Recolorer les murs ne lui avait jamais semblé être une nécessité, mais il pouvait comprendre que cela gêne d'autres gens.

— Je ne suis pas sûr que ce soit autorisé, mais tu peux toujours tenter, hein. Je préviens juste, je t'aide pas. Mais il y aura forcément un inconscient pour te rejoindre, je pense.

Pas qu'il ait peur, mais il tenait encore un minimum à son intégrité physique. Surtout que jusque là, il ne s'en était pas trop mal sorti, en vérité. Et il le devait en grande partie à toutes ces histoires et ces chansons qu'il avait en stock, quand bien même il ne savait pas trop d'où tout ça sortait. Alors forcément, quand 149 lui demanda ce qu'il chantait, il était bien en peine de répondre.

— Je... Je sais pas. Elle m'est venue toute seule. Je sais que je la chantais, mais c'est pas comme les autres, j'ai pas d'artiste ou de clip en tête, juste... moi.

Oh dang. Peut-être que 149 venait de mettre à jour quelque chose d'intéressant ! 247 se perdit un moment dans ses pensées, sans réussir à trouver un équivalent à sa chanson. Il revoyait Queen, Lady Gaga et même Marilyn Manson qu'il avait chanté il y a quelques jours alors qu'il était complètement pété (quelle idée de mettre de l'alcool à disposition dès le matin aussi !) mais pour cette chanson, rien. Nada. Juste lui et sa guitare. Et peut-être un public aussi.

— C'est bizarre. Le titre ça doit être "Time's dead" mais j'en suis même pas sûr. Ça me fait pas ça avec le reste.

Il ne savait pas s'il devait remercier 149 ou le maudire d'avoir posé la question qui fâche, mais cette chanson... 247 commençait à se demander si c'était pas tout simplement lui qui l'avait écrite. Il était... chanteur ? Bizarre. Manquerait plus que la Ruche soit un genre de télé-crochet musical sous acides tiens.

Je me mis à sourire de plus belle quand 247 déclara bien m'aimer. Hey ! Moi, je prends un peu d'amour dans ce monde de fous. Il doit petre au même niveau en maths que moi. Bon, te calculer une division, ça va encore. Mais une vitesse ou tout autre truc trop compliqué, non.. Je crois que mon cerveau arrêterait simplement de faire ce qu'il fait et exploserait mes neurones un à un.

- Je pense que si tu sais compter normalement pour ce que l'on fait habituellement dans la vie de tout les jours, je ne pense pas que ça soit gênant. Sauf si tu es prof de maths, c'est compliqué d'être pourri en maths quand tu dois l'apprendre aux autres.

Il me confirme que ça ne doit pas être autorisé de colorer les murs. Je sais bien et je ne pense pas vraiment le faire un jour. Je préférerais limite colorer mes vêtements ou un cahier. Je ne veux pas dégrader des locaux qui semblent être là pour nous faire vivre correctement. Enfin, tout est relatif, je suppose. Je rigole quand il me dit ne pas vouloir m'aider. Forcément.

- Je ne peux pas t'en vouloir, c'est logique. Après, je ne le ferais pas. Juste, une idée qui traverse mon esprit, je suppose.

Mon attention fut surtout sur la chanson qu'il chantait. Comme tout, j'étais incapable de savoir d'où ça me venait. Mais j'avais l'impression de l'avoir déjà écouté. Peut être pas autant que les autres Starset..mais suffisamment pour qu'elle y reste. D'ailleurs je n'arrivais pas à trouver le nom du chanteur, ce qui était relativement bizarre.

- Je n'arrive pas à voir l'artiste non plus.. Si ça se trouve, c'est toi qui l'a chantait ?

Je reposais les yeux sur son visage. Il aurait bien la tête du chanteur. Je changeais de position, collant mon dos au dossier et rassemblant mes jambes en tailleurs pour ouvrir le cahier. Peut-être que ça peut aider.

- Tu te vois comment quand tu chantes ça, dans ta tête ?

Je prenais une feuille blanche et dessinait un croquis de 247. Très succins puisque le visage n'était même pas détaillé. C'était surtout sa carrure et vu le style de la musique, une guitare à la main. Je viens rigoler avec douceur.

- Pour le coup, Time's dead est approprié dans cet endroit.. Essaye de me décrire, peut-être que le dessin peut déverrouiller quelques chose chez toi ?

Je sais qu'à l'origine, j'essayais de chercher des réponses à mes propres questions. Mais aider les autres à répondre aux leurs, ça ne me dérangeait pas. Je pense qu'on est là pour tous s'entraider en réalité.

PS:

Ouais si y avait un truc de sûr, c'était que 247 était pas prof de maths. Par contre, il se voyait bien enseigner des trucs aux gens, ça oui. Comme d'habitude, ce n'était pas un souvenir réel, pas quelque chose de concret, mais une impression, un sentiment profond que oui, ça lui est déjà arrivé de donner cours. Après, dans quelle mesure, il n'en savait rien. Pas plus qu'il ne savait la discipline qu'il avait enseignée. La littérature, vu ses connaissances ? Peut-être...

Il rit seulement à la réplique de 149, avant de lui dire qu'il ne l'aiderait pas à enfreindre le règlement. Il tenait encore trop à sa vie pour faire n'importe quoi avec, et il était sûr qu'en cherchant un peu, 149 pourrait trouver quelqu'un qui l'accompagne dans ses glorieuses idées. Les têtes brûlées, c'était pas ce qui manquait dans la Ruche.

Du coup, la conversation revint à cette chanson, "Time's Dead", sur laquelle 247 n'arrivait pas à faire le jour complet. Le jeune homme avec lui voulait se montrer utile, mais sans trop savoir pourquoi, 247 avait peur de trop chercher. Il avait peur de ce qu'il trouverait, si jamais il trouvait quelque chose... Ou pire encore, de n'avoir encore qu'une pièce du puzzle. La frustration allait être insoutenable, et il savait déjà qu'il la gérait très mal. Mais comment envoyer paître un cinnamon roll comme 149 ? 247 sourit et réfléchit.

— Je... Je crois que je la chantais. Genre, sur une scène, mais pas bien grande.

Il reprit du début la chanson dans sa tête, la murmurant de façon presque inaudible, les yeux fermés. Quelques minutes après, quand la chanson fut terminée, 247 rouvrit les yeux sur un dessin de 149, et eu un choc. Ouais, ça lui parlait.

— Ouais, ça y ressemble.

Il marqua une longue pause, avant de lever les yeux vers 149.

— Merci.

Il était loin d'avoir tout le tableau, il n'avait même pas un souvenir précis, juste une sensation, mais ça l'avait quand même aidé. Oh, il y avait toujours la frustration de ne pas pouvoir en savoir plus, d'être bloqué sur le seuil de quelque chose, de toucher à travers un tissu épais sa propre histoire. Mais cette frustration, il la nommait, la reconnaissait, la mettait dans un coin en se disant que c'était sûrement mieux que rien.

Mais assez parlé de lui.

— Et toi ? Une idée de ce que tu faisais ? Vu ton âge, étudiant peut-être ?

Après tout, ça avait parlé de profs y a pas si longtemps, ça venait peut-être de quelque part.

Time's Dead:

Je ne sais pas si ce que je faisais aller aider. Je ne savais même pas s'il allait être content ou pas de ce que je faisais. Mais.. je voulais quand même lui donner quelques chose. Il était gentil après tout.
Et j'étais plutôt content de voir que 247 semblait avoir un léger déclic avec mon dessin. Ça ressemble en tout ça. Je glissais le doigt sur la page et déchirait celle-ci du carnet avant de lui donner.

- Tiens, peut-être qu'à force, tu te souviendras de quelques chose.

J'agitais la main dans sa direction quand il me remerciait. Non, je ne faisais pas pour ça. Je voulais juste le faire. En fait, il était gentil 247. Il aidait comme il pouvait et ça me rendait heureux de l'aider un minimum.
Même si un pauvre dessin n'allait pas non plus aider 247 a retracer toute sa vie.
Mais finalement, 247 ne voulait plus parler de lui. C'est ce que j'en avais déduis quand il me posa ses questions. Mais je ne savais rien moi. Et je crois qu'inconsciemment, j'essayais de chercher au travers des autres.

- Non.. pas du tout. Je me suis ce matin alors... j'imagine qu'il faudra un peu de temps. Mon âge ? Tu arrives à le déduire ? Je n'arrive même pas à savoir... je dois avoir la vingtaine, je crois.

Et ça me frustre un peu de en pas mettre le doigt sur les choses importantes. J'aimerai comprendre aussi. Est-ce que j'étais une bonne personne ? Ou non ? C'est peut-être pour ça que je suis ici ?

- Je.. Rien ne me viens.. Je sais pas si j'étais étudiant.. Je me souviens de beaucoup d'information sur l'histoire naturelle.. Peut-être que j'étudiais ça ? O... Ou je travaillais dans un endroit comme ça ?

J'avais pas mal de connaissance là dessus. Enfin, j'avais remarqué sur d'autres choses aussi mais un peu plus sur ça que les autres domaines. Je penchais la tête sur le côté, tapotant un peu ma cuisse de mon index.

- Je trouve ça.. très frustrant.

Il fallait tenter des choses, même si on ne savait pas si ça allait marcher ou non. Le dessin de 149 lui avait fait plaisir et il se disait qu'il trouverait bien un moyen de l'afficher dans le logement qui était censé être le sien. Ils devaient dormir ailleurs chaque nuit alors c'était parfois compliqué de se sentir vraiment chez soi, mais son logement restait malgré tout le sien. Se raccrocher à l'idée de propriété était un réflexe que 247 trouvait stupide et futile, mais qu'il comprenait aussi.

— Merci beaucoup.

Quand la conversation se retourna vers 149, ce dernier sembla désemparé. En même temps, s'il venait de se réveiller, il n'allait pas forcément avoir beaucoup d'informations, non... 247 avait mis beaucoup de temps avant d'avoir des bribes de la personne qu'il était avant, et ce n'était franchement pas grand-chose.

— Je dis ça au pif, t'as l'air d'avoir une petite vingtaine ouais. Après je peux me tromper hein...

C'était quand même une info précieuse à prendre en compte. Lui... Lui ne savait pas. Il pouvait très bien approcher des 30 comme des 50 parce que cet âge là n'avait pas vraiment de barrière, et tout le monde se ressemblait. Il suffisait qu'il soit quelqu'un qui prenne soin de sa peau et vous pourriez croire qu'il avait 28 ans quand il en avait 10 ou 15 de plus.

Mais 149 était un plus limpide à ce niveau-là : s'il avait une petite vingtaine, il y avait de grandes chances qu'il ait été étudiant. Il lui parla d'histoire naturelle, et cela éveilla la curiosité de 247 :

— C'est super intéressant, et puis c'est un bon point aussi... Mais par exemple, tu connais le nom des oiseaux ? Par exemple le nom savant d'un rossignol ?

C'était le premier exemple qu'il avait trouvé... Reste que si 149 lui balançait un nom en latin direct, il aurait peut-être trouvé où se trouvaient ses compétences cachées. C'était toujours mieux de savoir, se disait 247.