Le sport ça use… ça use… [H02-211 & F04-03]

Ça use les souliers

Il traîne les pieds jusqu’au premier tapis de course et s’arrête. Est-ce que ça en vaut vraiment la peine ? Il y a dix minutes ça lui semblait être une bonne idée. Forcément, voilà ce qui arrive quand on passe toute la matinée à tourner en rond parce qu’on s’embête. Les idées les plus farfelues deviennent des épiphanies. Le visage brillant de sueur et les muscles dessinés par l’effort. Ça, c’était son projet. Là, face à l’instrument de torture, il se voit plutôt en train de ramper jusqu’à sa chambre avec les jambes en compote.
C’est trop tard pour partir ! S’il fuit et que les gens l’apprennent, il risque d’en entendre parler pendant des semaines. Il imagine déjà les autres l’interpeller dans les couloirs. Les : « pas trop vite le vieux, faudrait pas que tu te froisses un muscle ! » et les « alors papy, besoin d’une canne ? » qui vont pleuvoir. Non, il ne peut pas faire demi-tour, c’est sa réputation qu’il est en train de jouer !
Alors qu’il réfléchit à un moyen de gagner du temps, il réalise quelque chose. Ça fait bien cinq minutes qu’il est là, planté devant le tapis de course sans rien faire. S’il continue comme ça, il risque de se trouver dans une situation encore plus ridicule à expliquer. Bon, s’il ne peut pas partir et s’il ne peut pas dévisager la machine jusqu’à ce qu’elle implose, il ne reste plus qu’à passer à l’action. C’est le moment de faire du sport, c’est le moment de faire semblant.

Il monte sur la machine en agrippant les rampes fermement ; pianote sur les boutons un peu à l’aveugle jusqu’à trouver celui qui démarre l’engin. Le plan c’est d’augmenter la vitesse uniquement si quelqu’un se rapproche de l’espace sportif. En attendant, il à l'impression de marcher encore plus lentement que d’habitude.

Ça use les souliers

04 avril - ft @H04-001

Sans qu'il n'y ait jamais mis les pieds durant les deux mois qu'il était déjà là, 211 ne fréquentait pas assidûment l'espace sportif. Sa musculature nerveuse lui suffisait, et il avait compris être doté d'un métabolisme rapide, qui, couplé à un régime alimentaire à la fois végétalien et équilibré, lui permettait de ne presque pas prendre un gramme tout en mangeant en quantité. Les repas que les machines lui donnaient avaient fini par le faire tilter qu'il n'était peut-être pas l'archétype du gangster bardé de tatouages et de cicatrices qui se colle une bière au coin d'un barbecue sentant bon la viande grillée. Il était pas loin, mais il ne l'était pas.

Il se raccrochait à ça, et à ses compétences médicales. Il avait annoncé il y a genre trois semaines qu'il devait sûrement être médecin à l'ensemble de la Ruche, et jusque là, il s'en était bien sorti. Il y avait bien des moments où il était limité par le matériel, mais sinon, il ne pensait pas s'être trompé. Restait qu'entre deux gardes à l'infirmerie (il y avait un autre médecin, qu'on surnommait d'ailleurs Doc et une infirmière, 066), il ne savait pas trop comment passer le temps, et que courir était une activité comme une autre.

Il fut surpris en arrivant à l'espace sportif d'y croiser une nouvelle tête, et qui plus est, disons, mature. La plupart des abeilles étaient jeunes et jolies, sortaient d'un magazine pour adolescentes, mais lui... C'était pas le premier vieux de la Ruche, mais lui au moins avait l'air sympathique. 211 s'installa sur la machine juste à coté, et l'enclencha pour courir à allure lente.

— Vous êtes nouveau ! Et courageux de ce que je vois... Vous inquiétez pas si y a un problème, je suis médecin. H02-211 et vous ?

Le sourire se fit naturel et avenant, 211 essayant de mettre le nouveau venu à l'aise, ce qui n'était pas toujours facile compte tenu de leur situation à tous.

ça use les souliers

04/04 ft. H04-001 & H02-211

trois kilomètres à pieds, ça use, ça use...

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Voilà bien cinq minutes qu'elle était plantée devant la salle de sport, hésitante. Elle avait finalement compris que son corps réclamait une activité physique, mais quelque chose, dans le spectacle qu'elle avait sous les yeux, la dérangeait : tout était triste. Des tapis roulants, des altères, des gens qui passent, regardent, dévisagent. Ce n'était pas ce qu'elle était venue chercher, elle en était certaine. Ce n'était de cette façon qu'elle voulait se dépenser.
Mais on ne lui demandait de toute façon pas son avis.

Résignée, elle finit par entrer dans la pièce. Il fallait bien démarrer par quelque chose, elle-même n'étant pas consciente de ses limites. Etait-elle sportive auparavant ? Sans doute, vu l'envie qui tiraillait ses muscles. Mais le sport est un univers bien plus vaste, et l'idée de courir sur une machine qui ne la ferait aller nulle part l'ennuyait au plus au point. Elle n'était donc probablement pas du genre à s'enfermer dans une salle.
Ce constat ne changeait toutefois pas grand chose à son dilemme : si ce n'est détaler comme un lapin dans les couloirs de la « ruche », elle n'avait pas d'autre choix que de faire avec ce qu'on lui proposait. Un homme était déjà installé, à qui elle n'avait encore jamais parlé. En même temps, étant arrivée hier, il lui était difficile de connaître tout le monde. Elle ne s'était d'ailleurs pas montrée des plus avenante. Bref. L'inconnu, qui ne faisait pas partie des plus jeunes, semblait moyennement passionné par ce qu'il était en train de faire. A côté, une deuxième personne également inconnue tentait de faire la discussion. 04 hésita. Peut-être le coin des altères lui offrirait-il un peu plus de tranquillité... D'un autre côté, elle ne connaissait pas grand monde. Et dans cet univers ou elle ne se reconnaissait pas elle-même, s'isoler n'était pas la meilleure des techniques.

Elle s'avança donc vers les deux hommes et grimpa sur une machine voisine. Elle leur offrit un signe de tête poli avant de mettre en route le tapis. « Il n'y a rien de plus ennuyeux que de courir en vain, de n'aller nulle part », lâcha-t-elle à qui voudrait bien l'entendre, « d'avoir pour arrivée le même point de départ ». Personne ne lui avait demandé son avis, ceci-dit. Peut-être interrompait-elle même une importante conversation.

Codage par Magma.

Ça use les souliers

Le 4 avril, à l’espace sport avec le tapis de course
(feat. @H02-211 et @F04-03)

Courir c’est surfait. Et pour la personne qui pense le contraire, 001 est prêt à proposer son aide pour lui mettre le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Faut qu’il se rende à l’évidence, même pourchassé par une oie, il aurait plus de chance de s’en sortir en faisant le mort. Ce n’est pas l’effort qu’il le fait agoniser. Ça serait fort de café de rendre l’âme alors qu’il ne fait que trottiner depuis dix minutes sur le tapis de course. Mais courir, c’est d’un ennui. C’est criminel de penser le contraire.

Quand du coin de l’œil il remarque qu’une personne s’approche, il est presque soulagé. Presque, parce que maintenant, plus question de faire semblant. Il augmente vite fait la vitesse du tapis pour ne pas avoir l’air d’une andouille et continue sa course comme si de rien n’était. L’autre grimpe sur un tapis attenant.

— Vous êtes nouveau ! Et courageux de ce que je vois... Vous inquiétez pas si y a un problème, je suis médecin. H02-211 et vous ?

La surprise est telle qu’il ne peut se retenir d’écarquiller les yeux. Un médecin ? Il est trop tôt pour savoir si 211 est sincère mais enfin, si c’est la vérité alors c’est un ange tombé du ciel. Voilà une personne que 001 compte bien compter parmi ses amis. Un sourire bienveillant se met à illuminer son visage.

— Courageux vous dites ? Vous êtes bien trop aimable ! Heureusement qu’on a des gens comme vous dans la ruche. H04-001, ravi de faire votre connaissance. C’est vrai que je viens d’arriver, ça ne fait quelques jours et pourtant j’ai l’impression que ça fait des mois !

Il en fait peut-être un peu trop. Pas tellement sur l’amabilité mais plutôt sur le côté : courir en parlant. Après s’être tu, il inspire profondément. C’est alors qu’une jeune femme les rejoint. Bon sang de bonsoir, deux témoins pour le prix d’un. Difficile de fuir discrètement.

— Il n'y a rien de plus ennuyeux que de courir en vain, de n'aller nulle part… d'avoir pour arrivée le même point de départ.

001 sourit un peu et fait semblant de méditer sur les paroles de la jeune femme. C’est une vieille technique, ça s’appelle : « gagner du temps ». Moins il parle, plus il fait reculer l’instant T où il sera à bout de souffle. Et en même temps… il va forcément devoir parler à un moment ou à un autre…

— C’est… ah… c’est pas faux ! Splendide, d’une rare éloquence ! Voilà la marche à suivre pour une bonne première impression ! Enchanté H04-001… et… ah, vous connaissez peut-être H02-211 ? Il continua en s’adressant au médecin: Alors vous vous souvenez de votre vie d’avant la ruche ?

Ça use les souliers

04 avril - ft @H04-001

La nouvelle d'avoir un médecin parmi les abeilles de la Ruche ne tomba pas dans l'oreille d'un sourd, d'après ce que constatait 211. Cela le fit sourire, d'autant plus qu'il avait l'air plutôt en forme ce 001. Son matricule fit tiquer 211 cependant, qui se disait qu'on était dans les 04 désormais. Il faudrait qu'il en parle autour de lui tiens, ça pourrait être un indice important dans les mystères à résoudre. Des mystères sur lesquels il ne s'était pas assez penché d'ailleurs. M'enfin, il était souvent trop occupé à tenir les gardes dans l'infirmerie, ce qui n'était pas inutile en soi non plus.

— Moi je suis sûr que ça fait au moins deux mois et c'est long ouais.

Alors oui, comme le disait une femme qui les avait rejoints, ils tournaient en rond et couraient sur place. La Ruche n'offrait pas beaucoup d'autres distractions, du moins pour le moment. Il semblait que des salles pouvaient s'ouvrir et que parfois, des changements s'opéraient dans la salle commune. C'était étrange, inexplicable même, mais 211 avait appris à faire avec. Est-ce qu'il avait le choix, même ?

Il courut un peu, laissant les deux nouveaux venus discuter - car il était indéniable que cette femme était nouvelle, elle aussi, sinon 211 la connaîtrait - et reprit la conversation quand on lui demanda s'il avait des souvenirs. Il avait l'impression de dire ça en boucle depuis des jours, mais sa patience s'usait lentement.

— Pas vraiment non. C'est des connaissances techniques, c'est relié à rien. J'ai juste fait des déductions...

Pour le reste, il n'avait encore aucun souvenir à proprement parler. Pas qu'il cherche à en avoir, parce que ses cicatrices lui racontaient une histoire qu'il n'avait pas envie de découvrir davantage.

— Et vous ? Il n'y a pas des sentiments ou des choses que vous savez faire qui peuvent vous donner des indices ?

Il fallait bien commencer par quelque chose, et comme les tatouages, les cicatrices, les éventuelles compétences techniques qu'on pouvait avoir, ça c'était du réel, du concret.

Ça use les souliers

Le 4 avril, à l’espace sport avec le tapis de course (feat. @Ace)

On va pas se mentir, 001 est satisfait de voir que son interlocuteur est toujours dans le flou par rapport à son passé. Ça lui donne l’impression qu’ils sont sur un pied d’égalité. Il aime bien ça. Bon, peut-être qu’il devrait s’inquiéter aussi. Jusqu’ici, il était raisonnable d’imaginer que tout allait revenir petit à petit, mais faut croire que non. Il hoche la tête. Le geste se veut compatissant. C’est mieux qu’une phrase à trois francs six sous du genre : « ah, c’est bien malheureux » ou « tout ça va s’arranger, c’est sûr ! »

— Et vous ? Il n'y a pas des sentiments ou des choses que vous savez faire qui peuvent vous donner des indices ?

Est-ce qu’il avait des pistes ? Pas du tout. Ça l’avait occupé le premier jour… pendant cinq minutes. Il s’était approché du premier miroir placé sur son chemin à la recherche d’indices. Une cicatrice signalant un passé douloureux ? Un tatouage résumant ses précédentes aventures ? Dans l’ordre chronologique si possible. Finalement, rien de tout ça. Pas même une constellation de grains de beauté qui, une fois reliés entre eux, révélerait ses plus grands secrets. Très décevant.

De fait, il n’avait pas réitéré la démarche. Au fond, 001 espère encore que tout ça c’est juste un canular organisé par son entourage. Une expérience inoubliable, eh, pour fêter ses… son anniversaire. Dès qu’il aura la liste des participants (conspirateurs) il trouvera bien un moyen pour exprimer ses plus sincères remerciements. Un saut en parachute, sans parachute ? quelque chose comme ça. Faut encore qu’il peaufine son… projet.

001 fait quand même mine de réfléchir un moment. Ça lui donne une bonne excuse pour descendre du tapis de course. Il joue bien le mec pensif, nan ? Il hésite à se gratter le menton pour parfaire le tout mais se retient. Ça serait peut-être le détail de trop. À la place, il fronce les sourcils. À l’intérieur, il est extatique. Adiós maudit tapis de course ! Rien ni personne ne pourra le faire remonter sur cet instrument de torture ! Il se retourne vers 211.

— Hmmm il me semble que non. Ceci dit l’environnement, hm, la ruche, tout ça est encore très frais. Sans faire attention, il se gratte le menton. Ce que j’en pense pour l’instant c’est que l’ameublement est terrible, la décoration non existante et que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi d’y séjourner. Il rigole un instant. Rien de très intéressant pour enquêter sur mon passé. Il fait une pause (c’est son petit côté dramatique) puis reprend. Mais qu’importe, il y a des problèmes plus pressants pour l’instant n’est-ce pas ? Ça sonne comme un commentaire malicieux sur les manigances de la ruche mais sa priorité c’est plutôt le tout nouveau et inédit point de côté qu’il se paye.

Ça use les souliers

04 avril - ft @H04-001

La majorité des gens dans la Ruche semblait avoir des tatouages ou des cicatrices selon 211 : il en avait vu pas mal, et il y avait fort à parier qu'un homme comme 001 en avait vu d'autres et porte sur lui la trace d'un passé houleux. Malheureusement, ce n'était pas le cas : après être descendu de son tapis, 001 répondit à la négative et fit faire un tournant dans la conversation en évoquant l'environnement en lui-même. 211 le suivit, s'arrêtant lui aussi de courir pour rien (il n'allait nulle part de toute façon) et riant à ses plaisanteries.

— En vérité, je ne sais pas s'il y a plus pressant que la décoration intérieure de la Ruche. Les choses sont plutôt calmes en ce moment.

Bon, il s'était réveillé avec un drôle de trou dans la plante de son pied, chose qui l'avait handicapé quelques temps, mais ça s'était résorbé, assez pour qu'il puisse courir. Quant au reste...

— On a eu des réparations sur les machines pour la bouffe, avant elles déconnaient. Là, ça va... Donc je pense que les choses peuvent s'améliorer. Bon, la déco, j'ai assez peu d'espoir.

Il rit doucement de nouveau, bien loin de s'imaginer que ce mois d'avril serait bien plus tempétueux que prévu.

— On s'habitue en vrai. C'est presque malheureux à dire.

211 haussa les épaules, et s'épongea un peu la nuque avec la serviette qu'il avait descendue de son logement. Sa séance de sport avait été plutôt courte, mais elle avait au moins le mérite d'exister. Il y avait des jours où même ça, il avait du mal à s'y mettre, alors qu'il n'avait grand-chose de mieux à faire.

— En tout cas si vous avez besoin de moi, je suis là !

Il sourit à nouveau. Se rendre utile était sa première préoccupation, et un excellent garde-fou contre la déprime. Et si ça pouvait profiter aux autres... Où était le mal ?