A croquer - F03-404 et H03-22

Trop de temps qu’il confisait dans cette prison blanche. Enfin, confisait ?  Pas vraiment. Lorsqu’un fruit confisait, il devenait sucré et goûteux, ce qui n’était pas le cas de 22, pour qui plus le temps passait, et plus sa tête de gorgeait d’interrogations sans réponses, ce qui avait tendance à le mettre de mauvaise humeur. Il n’avait rien découvert depuis son arrivée, et les livres de la bibliothèque ne le renseignaient que sur le monde extérieur. Il était d’ailleurs persuadé d’avoir déjà eu connaissance de ces informations dans le passé. Chaque lecture se suivant d’une entêtante impression de déjà-vu.
Installé dans un des canapés abîmés du salon, il se prit la tête entre les mains. Il soupira, lentement.

Quels endroits n’avait-il pas encore exploré ? Il avait déjà tout vu. Mais ce n’était pas possible, il le savait. Il devait y avoir une réponse. Il n’était pas dans un rêve/cauchemar, cela faisait déjà trop longtemps et se pincer ne changeait rien. Aucun alien n’était venu le chercher, ni aucun médecin. Et son bracelet identique à celui des autres pensionnaires n’avait pas l’air de contrôler son esprit non plus.

Il avait tout noté, sur ce petit livret trouvé dans la bibliothèque du salon. Fait des croquis, des plans, formulés des hypothèses. Mais rien n’y faisait.
Alors il consacrait ce temps trop long à réfléchir et griffonner.
Sa prochaine cible était une petite blonde, plutôt mignonne avec des tatouages sur les chevilles. Il commença son croquis par une construction simple, aux formes géométriques avant de s’attaquer aux détails au fur et à mesure. Il dessinait son air mutin et ses traits délicats.

Elle choisissait un livre, hésitante. Il se demandait alors qu’il finalisait son portrait quelles pouvaient être ses lectures… Fantastiques, historiques ? De la science-fiction peut être. (Bon, il y croyait moyen à cette dernière supposition, la SF était en direct tous les jours dans la ruche.) Qui lirait de la SF en étant enfermé et amnésique ? C’était bien ironique. Il sourit, narquois. Peut-être que les créateurs n’avaient rien inventé, après tout. Ils s’étaient peut-être simplement inspirés de leur roman de fiction préféré. Il allait peut-être se pencher sur le SF, finalement, quand il aurait suffisamment ressassé ses même idées.

Le portrait était terminé, il n’était pas si mal. Son coup de crayon était fluide et sans hachures, ce qui lui donnait l’impression qu’il exerçait souvent le dessin dans son autre vie. Il releva le nez de sa page, et esquissa un sourire gêné à la jeune fille qu’il venait de croquer : elle l’avait grillé.

Bien grillé, même : ça sentait le roussi pour son introspection solitaire. Leurs regards s’étaient croisés, et le petit laps de temps durant lequel elle semblait réaliser qu’il était en train de lui voler son image lui parut trop long. Il se racla discrètement la gorge. Il ne savait pas vraiment comment la jeune fille allait réagir. De ce qu’il avait pu entendre lors du choix de ses livres elle était plutôt du genre exubérant. Allait-elle lui faire une scène ? Il déglutit avec difficulté. Il espérait que non, il n’avait pas envie d’attirer toute l’attention sur lui… Il jeta un coup d’œil autour de lui. Ils étaient seuls dans l’aire du salon. Il devait certainement y avoir des gens sur le balcon ceci-dit.

Elle avait enfin décidé de s’avancer vers lui. Super. Il grinçait des dents intérieurement : au revoir paix et solitude… Mais bon, il l’avait bien cherché en la dessinant (et en la reluquant légèrement qui plus est). Elle lui fit un coucou ridicule de la main, et abolit définitivement le silence qui commençait à régner depuis trop longtemps. Elle le salua de manière hésitante tout en arborant une attitude sereine -c’était assez contradictoire-. Il répondit d’un signe de tête et d’une moue entre le sourire franc et la gêne. Certainement pas d’une nature timide, il n’était en revanche pas la personne la plus bavarde qu’il existait.

De toute manière la jeune fille n’avait pas laissé de place au silence, s’étant déjà extasiée après la contemplation du carnet de 22. Elle avait viré rouge pivoine, et il décrocha un rictus amusé. Le rouge lui allait bien au teint, faisant ressortir l’éclat de ses yeux noisette et la blondeur de ses cheveux.

“Je sais pas si t’as choisi le bon modèle, mais en tout cas c’est réussi, ommmg”

Elle s’était exclamée avec une voix un peu plus aigüe, accentuant l’impression qu’il avait de l’avoir gêné. Il lui adressa un sourire d’excuse en fronçant légèrement les sourcils. Il trouvait la réaction de la jeune fille exagérée, mais il était rassuré qu’elle ne lui ait pas fait une scène. Il avait déjà rencontré des personnalités qui s’étaient mises en colère après un portrait surprise, et il n’avait pas la force de gérer cela pour le moment. C’était prévisible d’une certaine manière, elle semblait coquette et le portrait avait tendance à flatter ce genre de personnalités.

Dans l’optique de la rassurer, il décida de se radoucir, et lui répondit spontanément sans aucune arrière-pensée :

« Haha, je te remercie. Je n’ai pas spécialement choisi, j’ai simplement eu l’envie de te croquer.
Se rendant compte de l’ambiguïté possible du terme il ajouta nerveusement
*’fin dessiner ! »

Il toussa doucement, tentant de couvrir le bruit de sa honte, mais tout de même amusé de la tournure cocasse que pouvait prendre la situation.

“Je te préviens, je te demande les droits d’images ! Tu vas payer !”

Il s’esclaffa. Joli répondant il devait bien l’admettre. Elle était espiègle, c’était chouette. Il aimait bien.

« J’ai bien peur de ne pas avoir de quoi rembourser la dette dans ce cas. A moins que tu acceptes le payement en nature. »

Il guetta sa réaction d’un coup d’œil qui ne disait rien sur l’intention de cette phrase. Il avait usé de son humour pince-sans-rire, donnant l’impression d’être premier degré et d’effectivement penser ce qu’il venait de dire. Mais non. 22 était de la team second degré. Il était curieux de voir comment la blondinette réagirait à ce type d’humour railleur et particulier.

Il lui adressa un regard, puis un sourire soulagé lorsqu’il vit qu’elle s’installait à côté de lui, semblant avoir saisit l’humour étrange du beauf intérieur qu’il était. Il se dit sur le moment qu’il devrait peut-être plus sociabiliser avec des gens, parce qu’apparemment la solitude n’arrangeait pas son humour douteux. Il était persuadé pourtant qu’il n’était pas du genre à faire de l’humour ainsi avec n’importe qui, mais peut-être que cette fille était un aimant à BDM (blague de merde), ou simplement qu’elle attirait la joie et la positivité.

Il garda cette idée dans un coin de la tête, convaincu que cette caractéristique pourrait lui être utile pour plus tard.

“T’es arrivé depuis longtemps ici ?Je t'ai jamais vu, après ça ne fait que trois jour que je suis là, donc bon et puis, je suis pas du genre à fréquenter les bibliothèques de base et puis bah ... En tout cas moi c’est 404 et toi ?”

Il ne l’avait pas croisée non plus, à vrai dire. Il se serait certainement souvenu de ces yeux de biche et de sa tendance à parler trop fort.

« Ca doit faire une semaine/huit jours que je suis arrivé. C’est certainement pour cela qu’on ne s’est pas croisé. »

Il prit un air plus sérieux.

« J’ai passé beaucoup de temps ici, la lecture me semble être un bon moyen pour passer le temps.
-et il espérait pour en savoir plus sur la ruche, mais n’en dit pas un mot. –
Je suis 22. Enchanté. »

Il lui tendit la main, un petit sourire amical sur les lèvres.

De toute évidence elle ignorait que le terme croquer désignait faire un croquis, qui n’était pas à confondre avec l’expression à croquer. Elle était mignonne, certes, mais il ne lui aurait certainement pas fait savoir. -En tout cas pas tout de suite-.  Son visage prenait désormais une teinte cramoisie et elle écarquillait les yeux de plus belle. Il souffla du nez, amusé, un sourcil un peu surélevé. Il ne releva pas, n’ayant pas spécialement la motivation de la mettre encore plus dans l’embarras. Elle enchaîna, blagueuse qu’il pourrait attraper une indigestion, ce qu’il ne rétorqua pas, de toute façon elle état bien trop mince pour être manger. Et qui voulait sucer des os ? De toute façon manger des humains devait aussi être interdit. (Étonnant).

Il s’était demandé quelle serait sa réaction. Vue sa tendance à rougir rapidement, et son impulsivité, il n’aurait pas été étonné de s’en prendre une. Cependant comme la jeune fille possédait le sens de l‘humour, ça n’allait probablement pas être le cas.

« Hum, intéressant, laisse moi réfléchir !»

Mouais. Il était peu convaincu par cette réaction. Il s’attendait venant d’elle à quelque chose de plus… extraverti ? Apparemment elle était plus timide qu’elle le laissait croire, et n’avait pas tant de répondant que ce-« Bah pour ça, il faudra que tu me donnes accès à ta chambre...»

Ah ?
Ca le surprenait moins bizarrement. Elle le regardait avec des yeux enjôleurs et une voix aguicheuse, avant de faire une tentative de clin d’œil -un véritable échec, puisqu’elle venait juste de cligner des yeux l’air un peu simplet. - Il ne put réprimer un sourire gentiment moqueur. Il railla :

« Ma chambre n’est jamais fermée tu sais. »

Aucune des chambres ne l’était d’ailleurs. Il ne savait pas trop à quoi il jouait, mais ça lui faisait plaisir d’avoir un sujet plus léger en tête que les problèmes des derniers jours.

« Pour dormir OF COURSE. Ouais, comme tu sais on n’a pas le droit de dormir dans nos chambres. C’est ridicule d’ailleurs. Tu sais pourquoi ils ont mis ça en place ? »

Hahaha, elle n’était donc pas si téméraire. Tsss. Il leva ses grands yeux au ciel à l’évocation de la règle. Mais ce n’était pas stupide comme idée, de faire un échange plutôt que de vérifier à chaque fois si une chambre n’était pas dispo. Il trouvait cette règle stupide, et avait sérieusement une dent contre les créateurs. Il n’avait pas décelé de caméra de surveillance, mais s’il y en avait ils devaient vraiment se marrer à les faire tourner en bourrique.

« C’est ça ouais. »

Il la regarda d’un air faussement nonchalant avant de lui faire un clin d’œil (qui était bien exécuté).

« J’sais pas. Certainement pour s’amuser un peu, posés sur leur nuage. -Il afficha une moue peu convaincue, la bouche pincée et les sourcils haussés, l’air un peu dégouté.- J’en ai aucune idée, sérieusement. Je sais juste que ça me dégoûte au plus haut point de nous utiliser comme des marionnettes. »

Elle s’était adossée contre le canapé, les fesses posées sur un coussin. Lui avait simplement fermé son carnet, l’air songeur et le menton posé sur sa main. Une mèche de cheveux lui était tombé sur le front, et la bonne humeur qui l’habitait depuis peu s’était envolée.
Elle lui avait serrée la main, qu’elle avait minuscule.

« Enchantée de même chère Monsieur le littéraire ! Et ça va, tu te sens comment ici ? »

Il ne se considérait pas tant comme un littéraire, et ne savait pas ce qu’il en était dans son autre vie. Il ne s’en rappelait toujours pas. Il décida de ne pas relever le surnom. Il trouvait la question un peu stupide, ou alors elle était très naïve. Il ne se sentait pas très bien. Le temps était long, il étouffait dans son corps qui lui indiquait des choses sans qu’il ne s’en souvienne. Il ne savait pas s’il « aimait » recommencer sa vie à 0, si c’était une opportunité pour recommencer, si son passé allait resurgir de ses entrailles. Il ne savait pas s’il voulait savoir qui il était. Il voulait percer le secret de cet endroit, savoir pourquoi il y était, qui l’y avait enfermé et surtout s’il allait pouvoir en sortir.

« Ecoute, je me porte comme un charme, j’adore les couleurs de cet endroit, c’est super bien décoré, la bouffe est délicieuse, et il y a plein de trucs à faire. »

C’était légèrement teinté d’ironie, de sarcasme. Il avait débité cela sans agressivité, mais avec une certaine forme de dérision. Il soupira.

« Comment tu te sens, toi ? -il plongea ses yeux dans les siens, l’air grave. – Tu adores être enfermé avec des mecs space ? »

Il en doutait, nerveuse et hyperactive qu’elle était.

« Et genre tu lis quoi ? Quel est LE livre ultime ? Et chez pas t’as peut-être trouvé des trucs intéressants ? Genre sur la ruche, où autre ? Car je t’avoue, cet endroit est chelou. Je ne sais pas vraiment quoi en penser. Comme la plupart des gens je pense… Je saurais pas trop me positionner. Mais je pense que y’a pleins de choses à découvrir ici. Genre des portes secrètes. Je kifferais trouver la réserve de bouffe. Imagine ! RACLETTE A VOLONTÉ.»

Il s’esclaffa. Il ne se souvenait pas du goût d’un raclette mais la voir aussi légère et curieuse lui apportait une once de réconfort. Il ne se souvenait pas des lectures de son autre lui. Il savait qu’il y avait un poème qu’il aimait bien, mais impossible de retrouver son nom.

« J’ai feuilleté des livres historiques ici. Je ne suis pas un grand fan pour être honnête. Mais j’espérais trouver des infos. Je ne sais plus quels livres j’aimais lire, désolé. J’aimais bien la poésie je crois… Je n’ai rien trouvé. C’est comme si j’étais arrivé hier, sauf que je sais prendre de la bouffe. -Il haussa les épaules. – J’attends d’en savoir plus, mais c’est pas gagné. »

Il lui adressa un sourire.

« Je ne me souviens pas avoir déjà mangé de la raclette."

Il pouffa, un sourcil relevé. Cette règle des lits il ne l'aimait pas. Mais c'était tout de même l'occasion de croiser d'autres personnes, quoi qu'il en advienne. Bien qu'i soit un brin curieux, 22 n'aimait pas cette pénétration dans l'intimité des autres, et surtout la sienne. Bien qu'il n'ait pas tant d'effets personnels pour le moment, il n'aimait pas partager ses draps avec des inconnu.e.s. 'Fin prêter, mais ça revenait au même, les draps touchaient peaux et fluides corporels inconnus, et il ne savait pas si le linge de maison était lavé quotidiennement. Il frissonna. Berk.

« Wesh, c’est quoi ton air supérieur, jsuis pas la plus intelligente certes mais évites de me le rappeler, c’est pas gentil !»

De toute évidence elle n'avait pas apprécié, il s'en était douté. Il la taquinait essentiellement, d'où son clin d'oeil rieur. Mais il devait admettre qu'il trouvait intéressant de la tester, pour jauger un peu son caractère et ses réactions. Quitte à avoir l'air d'un gros con. Il était cependant doué pour s'en cacher, et investiguait alors en toute discrétion. (Inspecteur gadget 2.0 le gadgetopoing en moins).

« Ouais, r-ajoute ton clin d’oeil, c’est mieux comme ça!»

Le clin d’œil de la jeune fille prouvait qu’elle le taquinait également. Bien, mieux valait avoir des semblants de relations amicales, H03-22 s’attendait à tout dans cet endroit, donc était plus prudent d’éviter de se mettre tout le monde à dos.

Elle avait l’air plutôt d’accord avec lui, et l’écoutait avec attention. En même temps comment ne pas être d’accord ?
Il y avait de quoi devenir sociopathe. Peut-être que le but de l’expérience était de savoir lequel allait faire craquer tout le monde et qui arriverait à survivre sans se faire buter. Ouais. Peut-être qu’ils étaient comment ça les créateurs. Créateurs de quoi d’ailleurs. Avait-il été créé de toute pièce ? Puisqu’il ne se souvenait de rien… Oui mais non. Le souvenir brulant de ses cicatrices lui rappelait qu’il aurait été compliqué de créer artificiellement un mec comme lui.

« Ouais clairement c’est des connards. Surtout que de ce que j’ai pu observer, y’a pas de caméra…. Et mon coloc, m’a dit qu’il était parti en "prison" après avoir justement dormi dans sa chambre. C’est chaud en vrai. Ils nous observent pour sur. ça se trouve on est dans une bulle et les gens nous regardent avec leur pop-corn de l’extérieur ou chez pas les murs sont des caméras, ou y'a des infiltrés qui cafte tout! Bouuuuh»

Elle lançait des doigts d’honneur furieux à qui voulait bien les voir. Quelle fille exubérante. Il ne savait pas trop quoi penser de cette personnalité. Complètement sans-gêne, libérée et surtout n’ayant pas du tout la langue dans sa poche.
Cependant, un élément de son discours attira son attention. Il avait en effet entendu parlé de cette prison, dans des conditions plutôt douteuses. Le souvenir de son pied lui procura une grimace. Et si sa blessure était une sorte de punition elle aussi? Dans quelle dystopie avait-il atterri ? Il fronça les sourcils, songeur. Dans tous les cas, un système de punition était malsain, et cela prouvait bien qu'ils étaient observés.

« C’est trop compliqué pour moi! A mon réveil il aurait pu me donner un cerveau j’aurais été plus utile ! »

Il leva la tête vers elle.

« Ouais, j'ai entendu dire qu'on pouvait y aller. C'est terrifiant. C’est qui ton colloque ? J’sais pas pour la bulle, mais tout ça ressemble à une forme de test, peut être de vivre ensemble, ou d’un respect des règles commun, en cachant une vérité ? J’en sais rien, ça me rend fou. »

Elle avait l’air de se porter bien, elle. Elle rigola même à son ton ironique.

« En vrai, c’est putain de fade, hier j'ai fait des tableaux que j'ai posé un peu partout dans "l'appart" et en vrai le résultat était pas si mal, faudra que je te montre »

Alors 404 dessinait aussi. Enfin, peignait. Il la dévisagea. Pourquoi pas après tout. Il était curieux de voir ce qui pouvait sortir de cette petite tête blonde, autre qu’un débit de paroles hyper poussé.

« J’en serais ravi. » lui répondit il en acquiescent poliment.
Lorsqu’il lui demanda en retour comment elle se sentait, et elle le surprit.
« Bah en vrai, jsuis bien ! Tout est gratuit ici. Et là il ont enfin réparer la machine à bouffe. Alors bon. Je dramatise pas quoi. D’ailleurs si j’aurais mes souvenirs ça serait encore plus difficile. Je ressentirais le manque de certaines personnes, le manque précis de ma vie d’avant fin chez pas si tu vois. Mais bref, tfaçon on y peut rien, on est ici, faut faire avec tu vois.  je préfère voir le coté positif ça fait très simplette mais bon, c'est une sorte de protection contre le MAAAAL!»

Elle balança ta tête en arrière
« PARCONTRE!» Elle leva son petit doigt. « Je déteste le fait qu’il n’y a pas d’extérieurs. L’air frais me manque, les fleurs tout »

C’était une drôle de manière de voir les choses, mais il comprenait un peu, au fond. Le fait de ne pas savoir qui il était source de questions, évidemment, mais ne pas savoir lui permettait de douter, puis de commencer une « nouvelle vie ». Elle semblait effectivement accorder une grande importance à la bouffe, 22 s’en fichait un peu.

Mais c’est vrai que la machine à nourriture réparée le mettait moins de mauvaise humeur. Commencer une journée avec un semblant de routine lui faisait du bien. Il ne la trouvait pas si simplette que ça finalement. Elle avait certes un petit côté naïf amusant, mais ses réflexions étaient bonnes et pertinentes. Il appréciait bien.
Il esquissa un sourire en répondant calmement.

« Je ne trouve pas que ces réflexions soient simplettes, c’est une manière plutôt hédoniste de voir la vie je dirais. C’est assez joli. Je rejoins un peu ton opinion quant aux souvenirs d’ailleurs. Le fait que personne ne se souvienne de rien est effrayant, bien sûr. Ne pas connaître son identité est une expérience curieuse. Et je crois que c’est mieux ainsi pour ma part. L’air frais me manque aussi en revanche, le silence et le vent me manquent. »

Après son petit résumé littéraire, 22 s’était un peu perdu dans le vague, et sursauta au contact de la main de la jeune fille sur ses cheveux. Il cacha un frisson. Il n’a vraisemblablement jamais été habitué aux contacts. Sa réaction farouche l’étonna lui-même. Il fit comme si de rien était, en riant jaune. Elle enchaina

« T’inquiète pas, tu vas retrouver ta mémoire et on va gérer pour découvrir des trucs ! Si tu veux être mon partenaire bien-sur ! Toi t'es la tête, moi je suis celle qui fait les actions»

Il avait peur de retrouver sa mémoire, mais se garda bien de le dire. En revanche sa proposition était alléchante. Elle servirait d’image et lui… Lui pourrait agir à sa manière, l’attention ne serait surement pas sur lui, donc elle ferait une excellente partenaire par rapport à ce qu’il avait en tête.

« Excellente idée. Mais ne nous catégorisons pas, deux têtes valent mieux qu’une. »

« Et puis si tu aimais la poésie, tu l’aimes toujours, tentes d’écrire des petits versets un de ces jours ! OU PIRE vu que tu m’as “CROQUER” dit-elle en laissant échapper un petit rire Je te mets au défis de m’écrire un poème !»

Il s’étouffa. Lui ? Ecrire un poème ? Il ne savait absolument pas s’il avait déjà fait cet exercice dans le passé, et l’idée de lui en écrire un spécifiquement pour elle le mettait un peu mal à l’aise, tout en étant très tentant. Blonde comme les blé, minois à croquer, esprit amusé et regards indiscrets… A réfléchir, donc… Il pouffa.

“Quoi, tu as envie de flatter ton égo ? -Il ria franchement- Tiens, voilà le pour le moment ! Faudra patienter pour le reste, tu comprendras qu’en tant qu’artiste torturé j’ai besoin d’inspiration pour écrire.»

Il ouvrit son carnet, arracha la page avec le portrait de 404 et le lui tendit amicalement.

Rire faisait du bien, il lui semblait qu’il n’avait pas rit depuis depuis une éternité. L’amatrice de raclette avait bien ce talent, de faire rire les gens. Elle attirait la sympathie, une excellente partenaire en somme.
Elle lâcha un grand soupire observant l’espace vide.

« C’est mort ici quand même, tu crois que y’a des trucs secrets dans cet espace ? »

Il y avait pensé, mais n’avait pas encore décidé de passer à l’acte, préférant attendre d’étudier toutes les possibilités à explorer. Mais c’était une belle occasion, et explorer à deux permettait d’éviter de passer pour un con en cas d’échec monumental.

« Je l’ignore, mais il y aurait plein de choses à vérifier. L’intérieure des livres, s’il y a des trucs inscrits sur les pages, si certains livres sont faux, et mènent vers un passage secret – mais j’en doute pour être franc-, si le canapé possède un double fond… Quelque chose te tente?”

Lorsqu'il mentionna la prison elle écarquilla les sourcils. Avaient-ils un interlocuteur en commun?

« C'est 626 ! Je l'ai toujours pas rencontré lui d'ailleurs -tu rigoles- Et toi c'est qui qui t'as dit ça ? Je trouve ça flippant aussi mais je te promets qu'ils m'auront pas ! C'est DEAD. Ou alors quand je le souhaiterais. »

626, ce nom ne lui était pas inconnu. Il l'avait en effet croisé, quelques jours auparavant. C'était une curieuse coïncidence qu'ils soient colocataires. Il doutait en revanche de leur entente: les deux étaient vraisemblablement très différents. Il décida de ne pas lui en souffler mot. Il préférait ne pas influencer la jeune fille sur sa relation à venir avec un colloque mal léché. Le garçon était cependant curieux de savoir ce qu'elle avait entendu sur 626, et surtout de qui elle tenait les infos.

Il trouvait ça surprenant qu'elle lui promette une telle chose. Du fait qu'ils se connaissaient à peine, certes, mais surtout en ajoutant peu après que ça serait uniquement quand elle le souhaiterait. C'était un comportement intéressant. Lui n'avait aucune envie de se retrouver en prison pour le moment. Si elle y allait elle lui raconterait surement. C'était un bon point. Il décida qu'à l'avenir il se pencherait de plus près sur cette histoire d'incarcération et de ce qu'elle impliquait. Peut-être qu'il ferait des découvertes frappantes.

Il décida de la taquiner sur ce dernier point, pour détourner son attention de 626 et des possibles informations qu'il aurait pu repêcher. C'était trop frais, il préférait garder cela pour lui. Un sourire en coin, il lui lança, moqueur:

"Ah! Tu t'imagines que tu ferais le poids la dedans? Tu tiendrais pas une seconde en prison, c'est sûr."

Elle allait certainement répliquer, il attendit avec impatience. Puis, de toute manière il n'avait pas totalement tort. Quoiqu'elle s'imaginait ce n'était pas vraiment elle qui faisait la loi ici. L'organisme aurait toujours une longueur d'avance sur eux. Quoi qu'ils fassent.

« On est deux, je te rassure.... ça peut-être tellement de choses à la fois. Peut-être que ces créateurs ouais nous test, nous observe car ils nous connaissent pas vraiment, qu'ils veulent se protéger de nous. Se jouer de nous. Ça se trouve ils nous cultivent aussi. Genre ouais dans tout les cas on est leurs marionnettes comme tu dis... »

Ce n'était pas si rassurant en vérité. L'idée de se trouver entouré de fous le peinait un peu. Et il était plus que probable que certains allaient virer dingo. Le contexte d'être enfermé était peu propice à un développement sain, et la perte de mémoire commune en rajoutait une couche. S'il était possible de retrouver la mémoire, selon les cas cela ne pouvait qu'engendrer la folie. Selon lui les créateurs les connaissaient déjà assez bien pour les avoir rapatriés dans cet endroit. Il doutait de la possibilité qu'ils avaient été choisis au hasard. Il soupira, las.

"Je pense que pour nous avoir choisi ils nous connaissent bien assez. D'ailleurs ils nous connaissent mieux que nous même. Ils connaissent certainement notre passé. Ils ont une longueur d'avance."

Il était réjouissant. d'excellente humeur et absolument pas rabat-joie.
Il se rendit compte lui même de son côté déprimant, alors pour détendre l'atmosphère il lança une boutade. C'était pas hyper drôle, mais il avait toujours l'air moins fataliste.

"Enfin, ça se trouve on était tous en burn out et c'est des vacances forcées. On alors on est morts et c'est ça le paradis."

Très peu convaincant en effet. Toujours cynique, c'était plus fort que lui.

« T'as jamais vu quelqu'un faire de la peinture ou quoi ? ET ARRETE DE ME REGARDER COMME CA... J'ai les joues sensibles moi »

Vraisemblablement il ne la laissait pas totalement indifférente. Il esquissa un petit sourire, comme satisfait. En vérité il était un peu surpris de sa réaction. Et il avait parfaitement entendu sa dernière petite phrase, alors qu'elle l'avait à peine soufflée. Il ne savait que penser. Il fit comme si de rien n'était.
Un regard en coin, un sourire, puis changement de sujet.

Elle ne comprit pas ce que voulait dire hédoniste. Ce n'était pas surprenant, il avait lui même du mal à comprendre pourquoi il le savait. C'était l'art de vivre pour le plaisir, une philosophie de vie, et il trouvait que ça lui allait bien.  Il l'enviait un peu.

"L'hédonisme c'est une doctrine philosophique qui prend pour morale la volonté de ressentir du plaisir et d'éviter la souffrance. Tu m'as l'air d'être quelqu'un de très positif, donc ça pourrait te correspondre."

Après il n'était pas sûr de lui. En tout cas cette philosophie ne s'appliquait apparemment pas pour lui, l'image de ses bras lacérés pour le prouver. Ressentir du plaisir dans la douleur semblait également être une piste à exclure, sa blessure au pied ne lui ayant vraiment pas fait du bien.

Elle avait aussi frissonné après l'avoir décoiffa. Il la regarda discrètement, songeur. Elle était mi sûre d'elle mi complètement effarouchée, c'était bien étrange.

Quand elle le vit s'étouffer, et surtout après sa remarque elle rougit de plus belle, complètement paniquée.
C'était amusant, même si elle en faisait trop. Il lui écrirait certainement son poème, mais plutôt pour la taquiner, comme convenu.

« PAS PAS DU TOUT. ECRIS UN POEME SUR LE SOL SI TU VEUX. C'était juste... pour que tu sois obligée le de faire, t'as pas demandé mon autorisation pour me dessiner, je te rappelle et tu peuxx très bien écrire que jsuis reloue ou TSAIS QUOI ECRIS SUR LA RUCHE. C'est bien, c'est mieux. C'était juste que Je veux juste être sur que tu le fasses, mais écris le sur tout ce que tu veux....  »

"Non mais pas de soucis miss. Je te compterai fleurette si c'est ce que tu veux."

Il appuyait sur ses derniers mots, taquin. Il devait avouer que la rendre mal à l'aise était un petit jeu plaisant, quoiqu'un peu mesquin de sa part. Il s'amusait bien et passait un bon moment. Elle lui tendait des perches aussi, il ne fallait pas s'étonner après.


404 accepta le portrait, remerciant timidement le jeune homme.Elle n'osait plus le regarder dans les yeux, ce qui le troubla un peu. Elle afficha tout de même un sourire rayonnant:

« Je l'accrocherais pas dans ma chambre, ça pourrait faire narcissique en plus de vouloir gonfler mon égo... Je vais avoir tout les défauts du monde moi »

Cette remarque traça un sourire sur le visage de 22. Il aimait bien cette autodérision, tout le monde ne la possédait pas, et il avait du mal à composer avec les individus chez qui elle était absente.  Il rétorqua:

"C'est clair. -il énuméra, comptant sur ses doigts- Gourmande, narcissique, envieuse... manque plus que la colère, l'avarice et la paresse pour que tu réunisses à toi toute seule les sept pêchés capitaux. Ah et la luxure aussi."

'Fin, peut-être que c'était déjà le cas après tout. Il lui signifia d'un regard complice qu'il la charriait, pour ne pas qu'elle se vexe.

Il nota son enthousiasme quant à l'idée de fouiller un peu cette pièce. Il en était satisfait, content de finalement mener cette enquête à deux. Il doutaient qu'ils allaient trouver quelque chose, mais cette activité allait créer un lien entre eux, ce qui lui permettra d'avoir un œil sur ses découvertes. Et surtout les personnes avec qui elle allait se lier d'amitié.
Ça sonnait un peu louche, comme  ça. Mais il savait pertinemment qu'elle aurait mille fois plus d'opportunités que lui de rejoindre un groupe. Ça n'empêchait évidemment pas le fait qu'il l'appréciait. Il avait été sincère avec elle, mais était tout de même conscient que leur association allait être utile par la suite, outre l'aspect relationnel et ce qu'il impliquait.

« MAIS OUAIS ON VA FAIRE CA...  On commence par le canap ?»

Elle attendit qu'il fasse le premier mouvement, se doutant bien de sa réponse. Elle ajouta ensuite, pointant du doigt son livre.

« Faudra le tester après, il est vierge ! C'est chelou non ? »

Il était pas trop pour, il avait griffonné dedans depuis son arrivée, il y avait pas mal de trucs et 22 n'avait rien remarqué de suspect.

Il se leva, manqua de perdre l'équilibre, ayant un peu oublié que son pied gauche était encore sensible lorsqu'il s'agissait de s'appuyer de tout son poids dessus. Il grimaça, puis se mit à genoux, tâtant le dessous du canapé à la recherche d'un quelconque signe, relief ou mécanisme à déclencher.


"Si tu veux examiner des livres vierges il y en a encore dans la bibliothèque je pense."

Comme prévu , elle s'offusqua à cause de sa provocation.
« Vous ne me connaissez absolument pas très chère. Jsuis une combattante moi. 404. l'error fataaaaal ! »

Elle mimait alors à la perfection un air suffisant, avant de s'arrêter, hilare. Il ne pu réprimer un sourire,  moyennement convaincu. Il leva les yeux en l'air, en haussant les sourcils. c'est vrai que l'erreur 404 ça lui disait quelque chose.

"Excusez moi damoiselle, s'avère que vous avez raison, vous êtes pour moi une inconnue, et je me retrouverais fortement déstabilisé si je devais effectuer un duel contre vous. Comprenez bien, vous êtes la quintessence de la force physique, je ne fais certainement pas le poids."

Il lui adressa une pichenette sur la joue, l'air moqueur.
L'oeil rieur il esquissa un sourire.
Elle ajouta:

« NON. En vrai, je pleurais comme une merde en mode pls sur le tek MAIIIIS. J'en ressortirais plus forte ça j'en suis sur, peut-être pas au début mais sûrement après, j'espère »

Il hocha la tête, compréhensif. Il était aussi comme ça, 22. A apprendre des expériences-surtout des autres. Il essayait d'en tirer des leçons, pour éviter de lui même faire de la merde. Il appréciait sa persévérance et sa détermination.
Elle rétorqua bien sûr que lui non plus ne ferait pas le malin.

« Et toi tu t'en sortirais mieux peut-être ? T'as pas l'air très costaud aussi hein et les lecteurs c'est pas connu pour être des gens d'actions en plus... »

Aïe, coup dur aha. En vrai il se foutait un peu de son physique, et il n'était pas tant un rat de bibliothèque que ça. Il était plutôt sec, avec la mauvaise tendance à oublier de manger. Mais il n'était pas tout maigre non plus, c'était pas un ficello, il était assez tracé. Il portait actuellement peu d'importance à son apparence. Il savait qu'autrefois il devait être soigné, avec ses bijoux. Mais là, il faisait le strict nécessaire. Puis ne faisait pour l'instant pas de sport, il fuyait les lieux trop publics.
Il n'aurait clairement pas fait long feu en prison non plus, en vérité.
Même sans faire référence à son physique.
22 avait indéniablement un caractère plutôt trempé, mais il savait avoir des faiblesses. S'il ignorait tout de son passé, ses cicatrices témoignaient d'une faiblesse psychologique. Peut-être que dans une situation de stress, d'inconfort ou autre il allait s'y remettre. Sa propre imprévisibilité l'effrayait. Et il allait définitivement éviter la prison.

"Je pense que c'est pareil pour moi. Je me vois mal aller en prison, et j'ai pas très envie de me faire malmener par le créateur."

Il évitait les sujets trop personnels, les raisons ambiguës ou clairement rabaissantes. Il valait mieux garder ses faiblesses pour lui même, il n'aimait pas qu'on ait pitié de lui, et il trouvait ce sujet trop abstrait pour l'évoquer.


404 le regardait, et il se sentait un peu analysé. Il savait qu'il n'émanait pas de lui une image très positive, et il ne possédait  pas de masque optimiste. Il restait souvent impassible. Quoi qu'il en soit, il détourna le regard, gêné de pouvoir être percé à jour.



« T'insistes là je te ferais dire ! »

Oui, 'il insistait un peu.  Mais vraiment dans le but de la mettre mal à l'aise. Et c'était une réussite, oui ! Il gardera cette idée de lui écrire un poème. C'était vraisemblablement une bonne idée. Il se contenta de sourire, mutique, l'air de rien.

Après la démonstration de son humour elle pouffa de rire. Humour morbide pas si terrible finalement. Il se sentait un peu plus apaisé désormais. Il valait mieux en rire qu'en pleurer. Il n'en pleurait pas en fait. Il n'était pas tant déprimé que ça, juste très curieux et avec une grande volonté de percer les mystères de la ruche. Evidemment il était moins exubérant qu'elle, beaucoup plus renfermé, et moins démonstratif. Il était plutôt dans le contrôle; ce qui ne l'empêchait pas d'être honnête. La seule chose qui le faisait broyer du noir c'était la question de son passé. Mais elle ne se posait pas pour le moment, donc ça allait, en vrai.

« Non mais attends le paradis ici ? La c'est à mon tour de faire la rabat-joie, mais jamais je révérais d'un paradis sans extérieur et sans couleur. J'opterais plus pour ma part pour un fucking asile de fou ou l'enfeeeer »

Il rit. Oui, c'est vrai que ce n'était pas exactement l'idée qu'on se faisait du paradis, et que les murs blancs rappelaient bien l'ambiance lugubre d'un hôpital. C'était d'ailleurs une de ses premières pensées en se réveillant ici. Ils étaient peut être tous fous. Ou alors tout était dans sa tête, et il n'était qu'une cellule dans un bocal à se projeter/s'inventer un univers.
Mais bon valait mieux pas trop explorer cette dernière piste, il y avait de quoi devenir complètement fou, puisqu'enfermé ou pas elle pouvait exister.

"Dis, tu te souviens de quelques éléments de ton passé toi, ou pas du tout?"

Lui non, donc il était curieux de savoir si tout le monde étant autant dans le néant que lui.

Elle l'écouta avec attention déblatérer sa tambouille philosophique, et semblait même acquiescer. Songeuse, elle réfléchit un instant avant de lui renvoyer la balle:

«  Sooo, si moi jsuis hédoniste, car je pense que ouais t'as raison pour ma part, toi tu penses être quoi ? »

Argh, question piège. Un gros con peu empathique? Une imposture de la connaissance? Un opportuniste? Probablement un peu des trois.
Il savait pas.
Il ne savait pas ce qu'il était, ni même à quel mouvement s'identifier.

"Moins positif, plutôt réaliste je pense. Mais si ça t'intéresse vraiment tu pourras toujours le découvrir par toi même."

Il lui fit un clin d’œil, l'air sûr de lui.

Mais ce n'était malheureusement qu'une couverture. Se cacher sous des blagues vaseuses pour éviter de faire face à sa réalité. C'était un peu lâche, mais d'un côté c'est pas comme s'il en savait beaucoup sur lui même non plus. Elle en savait déjà pas mal, et nul doute qu'elle finirait par le comprendre mieux que lui même.

« Jsuis satan enfaite. Je t'ai pas dit ! »

Il rit franchement. Si Satan était comme elle il ne rechignerait pas a dire bonjour aux créateurs alors!
Satan blonde aux yeux noisettes, on aura tout vu.

"C'est ça ouais, et moi je suis la reine d'Angleterre."

Il mima une tasse de thé, qu'il touillerait à l'aide d'une cuillère imaginaire, l'air hautain et le petit doigt en l'air.

"Si t'es satan tu caches bien ton jeu ma p'tite."

Lorsqu'il vacilla, la jeune fille se précipita vers lui pour l'aider. « Wooh t'as quoi ? Ça va ? »

Il détourna le regard et se demanda q'il devait vraiment l'alerter quant à son expérience malencontreuse. Après tout, il était grillé maintenant, se taire ne ferait qu'éveiller des soupçons ou une pitié dont il ne voulait pas.

"Aherm. Je me suis fait piqué j'pense, par une euh. Bestiole? C'était il y a quelques jours sur la plante du pied. Ça s'est infecté donc la douleur perdure un peu. Mais rien de grave t'inquiète."

Le temps qu'il s'explique, il était déjà à quatre pattes en train de fouiller sous le canapé.

"Il n'y a rien."

Dépité, il se redressa avec difficulté, et s'épousseta les genoux. Pas étonnant. Parfois il se demandait s'il y avait effectivement des choses à chercher. Peut-être qu'ils se faisaient plus de mal à espérer, et qu'il valait mieux se faire à l'idée qu'il n'y avait rien, et qu'ils étaient perdus.

« Moooh, t'es sérieux ? C'est ton journal intime c'est pour ça ? TU SAIS dans la vie faut faire des sacrifices, t'as vu la tonnes de livre qu'il y a ? Tu veux pas que je finisse vivante cette journée toi  »

Elle ne croyait pas si bien dire. Il écrivait ses ressentis, ses doutes, il y avait la conversation qu'il avait eu avec 99 (et quelle conversation...), des croquis, des plans, et des bouts des textes. Des hypothèses, beaucoup.
Il ne voulait vraiment pas le montrer.
Il décida de le prendre, de le coller devant le nez de la jeune fille et de défiler rapidement les pages d'un mouvement du pouce.

"Désolé, il n'y a rien d'intéressant non plus."

Il n'était pas désolé, mais ne voulait pas la froissée. Ainsi elle avait pu avoir un aperçu, sans rien pouvoir lire ou vraiment remarquer.
Il n'aimait pas trop lorsqu'on insistait sur une décision catégorique, mais il pouvait comprendre qu'elle trouve cela curieux.

Bienveillante, elle lui proposa son aide, qu'il déclina.

"T'inquiète, je suis pas croulant non plus!"

Il rit.

"Bon, tu as une idée de chose à vérifier? A part mon livre?"

Il lui adressa un clin d’œil, espérant qu'elle ne lui en voulait pas trop.