Oups.

Son quotidien avait fini par revenir à la normale plus vite qu'il ne l'aurait cru. Bien sûr il n'avait pas oublié son passage en prison. Et la blessure à sa jambe qui le lançait encore s'assurait bien de le lui rappeler à chaque pas. Mais de nouveau, ses journées se résumaient à dormir, manger et lire. Le jour de son réveil sur le sol froid de son logement, après son enfermement, il s'était promis de changer, de devenir quelqu'un d'autre, de plus appréciables, plus social. Des paroles en l'air, jusqu'ici. Son bon vieux caractère renfermé était revenu aussi vite que la routine de la ruche.

Son repas englouti sans grand appétit, il se dirigea en clopinant toujours un peu vers sa chambre pour récupérer plusieurs chemises dans sa commode. Il avait un projet à mener à bien et pour cela, il avait besoin de vêtements propres et... d'aller à l'espace créatif. Ce n'était pas un endroit qu'il fréquentait énormément, préférant largement rester enfermé dans sa chambre pour écrire dans ses carnets et n'étant pas grand fan des dessins ou autres créations. Mais là, ça serait bien plus simple ainsi. Puis peut-être que ça pourrait le rapprocher de sa nouvelle résolution de : "Si je dois mourir, ne pas mourir sans que personne ne s'en rende compte ou ne s'en préoccupe".

Les places disponibles sont limitées, le lieu étant relativement fréquenté. Quelle surprise. Il y a pourtant taaaaaaaaaaant de choses à faire ici ! 626 décida de s'installer non loin d'une jeune femme peinturluré au sourire bien trop grand. Peut-être que sa bonne humeur à elle et sa morosité à lui arriveront à un juste milieu ? En attendant, il prit sa première chemise, un peu de peinture noire et d'un coup de pinceau peu assuré, s'attaqua à son projet. Niveau artistique, s'il pensait avoir été bon au piano et au chant avant son arrivée ici, la peinture en revanche n'était pas son fort. Heureusement, il n'avait pas vraiment besoin de talent pour ce qu'il faisait. Une fois le premier vêtement terminé, un le porta fièrement devant ses yeux pour mieux le voir. Au dos de la chemise, on pouvait clairement lire : "The creator is an Asshole." Parfait, là au moins le message était clair. Plus qu'à en faire quelques autres pour avoir du stock.

Mais la vie dans la ruche réservant toujours des surprises agaçantes, il fallu qu'un pinceau manque de l'éborgner et vienne lui laisser une belle marque de peinture verte sur la face. La couple n'était pas bien difficile à identifier, étant la seule qui gueulait et s'agitait dans tous les sens. Le garçon prit une longue respiration et relâcha doucement l'air, tentant de ne pas monter en pression. C'était contraire à ses récentes résolutions, il fallait qu'il fasse un effort. Après tout, ça pouvait arriver à n'importe qui... agitant bêtement ses bras et ne sachant pas tenir un pinceau. Et voilà qu'elle renverse tout. Bordel, elle rendait vraiment difficile le fait de ne pas avoir l'air d'un vieil aigri. Ou bien quelqu'un avait décidé de tester sa résolution à changer ? Dans tous les cas, BORDEL MAIS FAIS ATTENTION ! Ça, c'est ce qu'il aurait souhaité crier. Mais il fallait trouver autre chose. Vite. Trois raisons valables pour ne pas lui gueuler dessus. Primo : Elle a l'air nouvelle. 626 ne parle pas à grand monde mais reste très observateur et il ne lui semble pas l'avoir encore vu ici, signifiant qu'elle est arrivée il y a peu. Ensuite ? Ça n'était pas sa faute à elle si le pinceau avait fini sa course sur sa face. Certes, elle était celle l'ayant propulsé dans les airs mais seule sa malchance bien connue été coupable du reste. Et enfin... Bon, deux c'était déjà pas mal et s'il restait silencieux trop longtemps, il aurait l'air d'un muet.

Il afficha un sourire aussi peu crispé que possible mais il n'était pas bien sûr du résultat. « T'en fais pas, ça peut arriver à tout le monde... j'imagine ? » Le fait qu'elle soit en train de rire n'aidait clairement pas, l'irritant encore plus. Il reprit son exercice de respiration pour décompresser. Il ne devait pas s'énerver simplement pour la bonne humeur des autres. Il ne fallait pas qu'il fasse comme avec la jeune femme qui à l'époque lui offrait chaque matin un sourire et qui, à force de se faire ignorer ou de l'entendre ronchonner, avait fini par lâcher l'affaire. Allez gamin, tu peux le faire. Entame la conversation sans être méchant. C'est simple tu verras !

Il ramassa le pinceau qui traînait à présent au sol et le lui tendit, la face toujours maculée de peinture. « T'es nouvelle ici, non ? » Alors oui, c'était pas grand chose. Mais il faut d'abord apprendre à marcher avant de chercher à courir !

« Désolée mais ta tête. On dirait t'es que sur le pot quoi. »

Malgré son énervement relativement contenu, 626 ne pu s'empêcher de réprimer un rire. La comparaison était si improbable et inattendue qu'elle était parvenue à surpasser son côté grognon. OK, peut-être qu'il était ridicule. Juste un tout petit peu. Elle ne l'avait pas fait exprès alors autant essayer de passer outre. Après tout, il avait de nouvelle résolution à respecter.

« Jsuis putain de maladroite et te forçe pas hein. Tu peux m'insulter, je me saurais aussi insulter, putain je réfléchis tellement pas quand je parle »

Par contre, qu'est-ce qu'elle pouvait débiter comme mots en une traite ! Au moins elle le laissait vérifier son affirmation selon laquelle sa bouche était plus rapide que son cerveau. Au moins avec les gens comme ça, on est sûr qu'ils disent ce qu'ils pensent et ça, ça n'est pas pour lui déplaire. « Je devrais pouvoir me retenir de t'insulter, mais c'est sympa de proposer. » Et de nouveau, la jeune femme lui arrache un sourire -qui ne sont pourtant pas faciles à obtenir !- lorsqu'elle se peinture le visage à son tour. Difficile de continuer à rager, maintenant qu'il a sourit et qu'ils sont à égalité. Elle parvenait à passer à travers les murs qu'il avait érigé alors que lui-même ne savait comment les faire tomber pour honorer ses récentes résolutions.

De nouveau, elle l'assaille d'une tonne de phrases à la fois et garder le compte est difficile mais il tenta de faire de son mieux en répondant. « Moi c'est 626 et ça fait bien trop longtemps que je suis là. Et plutôt que de la pub, je veux juste qu'il puisse voir au quotidien ce que je pense de lui. Quitte à ce qu'il m'espionne, autant que ça le fasse un peu chier. »

Puis vient le moment de la question qui fâche. "Il a fait quoi ?". TELLEMENT DE CHOSES, MERDE ! Mais sachant qu'elle est nouvelle, il décide d'opter pour un peu plus de tact dans sa réponse. « En dehors de nous avoir voler notre vie, nos souvenirs, de nous garder prisonniers contre notre gré, nous obligé à suivre des règles chelou et nous envoyer en prison pour un oui ou un non, tu veux dire ? C'est majoritairement parce que j'aime pas ce qu'il nous sert pour le petit-déjeuner. » Du tact et une pointe d'humour. Nice, il faisait des progrès finalement !

« Et toi, qu'étais-tu en train de peindre avant de décider que la toile ne suffisait plus et qu'il fallait passer à mon visage ? J'imagine qu'en 5 jours seulement, t'en es pas encore au point de créer une gamme de vêtement pour insulter d'autres personnes. »