Frozen || 1-B || Ft. Pat

Quand la Ruche avait tremblé, et qu'un bout du dessous du balcon était tombé, Patroclus avait tout simplement paniqué. Il avait essayé de se planquer du mieux qu'il pouvait, ne remarquant même pas tout de suite qu'il était seul dans son lit, au lieu d'être avec Cameron, avec qui il s'était endormi. Tout tremblait autour de lui, et il était seul. Les lumières s'étaient allumées enfin, Aleksa lui parlant toujours en binaire, mais cette fois de façon inintelligible, même pour les binarophones (???) : tout glitchait. Au bout de longues minutes, et après s'être assuré que ça ne bougeait plus, Pat s'était sorti de la chambre puis du logement pour constater les dégâts.

Juste le temps de voir que l'écran est fissuré, que certains instruments de musique étaient abîmés (à peine arrivés !) et que le ciel de la serre n'était qu'un écran (told ya) qu'un grand froid s'était emparé de Pat. Se pensant au début malade, il tenta de s'allonger dans un canapé avec un plaid (louées soient les machines distributrices) mais rien n'y fit. Le lendemain, il resta en hoodie sous la douche, en espérant que ça puisse le réchauffer, mais non. Paralysé par le froid comme la plupart des autres abeilles, il tenta comme il put d'aider Cameron, en plus de s'inquiéter pour les amis qu'il s'était fait dans la Ruche.

Heureusement pour lui, Cameron eut la chance que le froid se dissipe d'abord pour lui : Pat lui en fut infiniment reconnaissant de rester et d'essayer de l'aider, comme il pouvait. Ça ne servait à rien, physiquement, mais côté moral, ça faisait une grosse différence.

— Te... Te sens pas ob...obligé...

Parler, avec cette impression de froid indéboulonnable, lui était devenu difficile. Il avait envie de hurler, ne se retenant qu'à grand-peine parce que Cam était là et qu'il ne voulait pas qu'il lui faire de la peine. Il articula un "oui" quand Cam lui demanda si c'était mieux, même si le mieux n'avait rien à voir avec sa température ressentie, et tout à voir avec les bras qui l'enlaçaient.

— Tu... devrais aller... te pavaner en t-shirt.

Pat rit doucement, toujours secoué de tremblements. Oh, il était sincèrement amusé de la situation de Cameron, qui avait au moins prouvé que le froid avait une fin.

— Quand... Quand j'aurais plus froid... Je te jure... je passerais ma vie... à poil.

Un nouveau rire monta de sa gorge, alors qu'il gigotait pour venir se coller un peu plus à Cameron.

Le froid avait beau le tétaniser, la présence de Cameron changeait tout. Il se fendit de quelques traits d'humour, s'imaginant profiter de la chaleur retrouvée pour vivre nu. Après tout, pourquoi pas ? Parce qu'il allait retrouver la chaleur un jour, comme Cameron. Y avait pas de raison.

— Ouais... je suis sûr... que t'as raison.

Ça lui reviendra vite, il ne fallait pas qu'il perde espoir. Il ne s'imaginait pas que c'était son genre, quand bien même il avait des hauts et des bas. Pour le moment, il s'était pas jeté du haut du balcon, alors c'est qu'il allait pas trop mal.

— Oh, je vois qu'on a envie... d'un strip-tease...? En vrai... J'ai pas moins froid... sous la couette... que dehors. Tu veux ?

Ouais, ouais, Patroclus avait bien proposé à Cameron de se foutre à poil alors même qu'il n'en pouvait plus d'avoir froid. Parce que quelque chose lui disait que ce n'était pas logique et rationnel, ce froid n'était pas explicable, alors autant tester les choses jusqu'au bout. Bon, Pat doutait qu'il soit capable de danser, cela dit.

— Je vais être raide... comme un piquet par contre... Ce sera pas ouf comme effet.

Patroclus joignit l'idée au geste en tentant de sortir une main de dessous la couette, et ouais non c'était encore plus froid en fait. Il se roula en boule contre Cameron, nichant son visage contre sa poitrine.

— ...Oublie. Je suis stupide.

N'empêche... Pat commençait à se poser des questions bien trop précises. Du genre :

— Peut-être... qu'il faut se réchauffer... de l'intérieur ?

Ouais, c'est exactement à ça qu'il pensait : s'envoyer en l'air, faute d'autre distraction possible.

Alors comme ça Cameron osait remettre en question les talents de danseur de Patroclus ? Ce dernier en aurait fait une moue indignée, s'il n'était pas toujours aussi frigorifié. Sur un malentendu, il essaya de se sortir du cocon de couette, pour aussitôt revenir à l'intérieur : il était idiot parfois. Même quand il pensait avoir des éclairs de génie... Surtout quand il pensait avoir des éclairs de génie, en fait. Il suggéra à Cam de se réchauffer de l'intérieur, en bon fuckboi qu'il était, mais il ne tomba pas dans le panneau.

— Menteur, j'sais très bien que tu kiffes les glaces. Et même si je m'en souviens pas... je parie que ta langue est merveilleuse.

Il étouffa un rire, luttant contre un froid qui ne semblait pas vouloir disparaître. Il frissonna et essaya de se laisser bercer par les doux accents britanniques de Cameron qui lui raconta une histoire de plage et de sable chaud.

Pat avait fermé les yeux, voyant la plage s'étaler devant lui, l'océan onduler jusqu'à l'horizon. Il avait toujours froid, et il avait de plus en plus mal à la tête mais il prenait de cette chaleur du crépuscule, défiant ce soleil imaginaire d'aider à chasser le froid qui était en lui. En vain.

À la place, il se sentit tomber, comme attiré dans le lit, et quand il essaya de bouger la tête pour se tourner vers le plafond, la pièce chavira dangereusement. La chambre disparut, remplacée par un décor inquiétant et métallique. Des lumières multicolores clignotaient devant lui, hors de sa portée. Autour de lui, des ombres, des silhouettes, un regard vide. Et tout disparaît de nouveau.

La chambre et Cameron étaient revenus. Patroclus tenta de se tourner vers lui, mais à peine fit-il un geste qu'il sentit sa nuque se raidir et sa tête se faire broyer dans un étau. Il se mit à gémir de douleur, se tortillant dans le lit, avant de se prendre la tête dans les mains, ses ongles mordant lentement mais sûrement dans sa peau.

La douleur était violente, trop pour que Pat puisse se retenir de donner de la voix. Crispé, il se figea dans les bras de Cameron, ne pouvant s'empêcher de pleurer sous la souffrance dans sa nuque. Sa tête lui semblait imploser, et il n'y avait que la présence de Cameron qui réussisse à l'ancrer encore dans cette réalité. Si c'était bien la réalité, d'ailleurs. Il l'entendait lui dire que ça allait passer, et il avait envie de le croire : c'était difficile, tant la douleur était forte.

Il perdit la notion du temps. Impossible pour lui de dire si une heure ou dix minutes s'étaient passées avant que la douleur ne se calme enfin : à vrai dire, on était plutôt entre les deux estimations, son mal de crâne ayant été particulièrement virulent. Puis, ça s'était calmé, presque imperceptiblement, avant que Patroclus ne réalise que ça allait mieux. Lové dans les bras de Cameron, les yeux rougis et les muscles endoloris par sa crispation, il s'accrocha à lui et lui murmura simplement :

— Thanks...

Encore quelques temps comme ça, à simplement reprendre sa respiration, à retrouver ses repères et surtout à trouver la couette ENFIN efficace, et Pat relève enfin la tête.

— I'm so... tired of this shit.

Sous-entendu, la douleur, le froid, la Ruche, les IA qui se foutaient de lui alors même qu'il avait essayé de trouver des solutions. Il comprenait presque ceux qui voulaient juste voir tout l'endroit brûler. Pas que ça soit très efficace d'ailleurs, s'ils n'étaient pas vraiment "dans" cet endroit.

— Cam... did... Did you have a... vision or something?

Évidemment, Cam aussi en avait marre de la Ruche, de cette torture de tous les instants, des incertitudes dans lesquelles on les laissait, et du sadisme des IA. Patroclus ne faisait qu'enfoncer des portes ouvertes, mais il avait besoin de le dire. Rien que de râler comme ça lui permettait d'aller un peu mieux.

Pat sentit Cam le serrer un peu plus contre lui, et ne put s'empêcher de pousser un petit soupir d'aise. Il serait si bien là, si ce n'était le reste de la Ruche, ce qu'il venait de se passer et euh... la vision qu'il avait eu. À ce propos, il commença à en parler, demandant si c'était que lui, ou si Cameron avait vécu la même chose quand le froid était enfin parti. Ses sourcils lui dirent que non. Pat rit à la blague, mais ce fut un rire de bien courte durée.

— Stop it... Yeah I saw something. Not a dream. Bright lights on panels, silhouettes and other people, like dead eyes... Like... Maybe I was in a tank, like in movies you know.

C'était clairement pas un rêve, il en était sûr même s'il ne pouvait se l'expliquer. Il le savait, c'est tout.

— I... I don't what's real. If that's where we are, or... this vision.

Loin de répondre aux questions qu'il se posait, la vision en avait apporté de nouvelles. Et si la Ruche n'était qu'une simulation ? Dans quel but existerait-elle ? Pat se disait que ça lui rappelait quelque chose, mais impossible de mettre le doigt dessus. Un film, ou une série, mais quelque chose de similaire, avec des personnages coincés dans une fausse réalité assez convaincante pour qu'ils ne puissent faire la différence. Il n'arrivait pas à se souvenir du titre ou même de scènes entières, il n'en gardait qu'un sentiment, une impression. Encore plus frustrant.

Pat frissonnait encore sous la couette, le froid n'étant pas prêt de quitter sa carcasse. La chaleur revenait mais petit à petit, et il se disait qu'il passerait encore une bonne partie de la journée à grelotter comme s'il avait élu domicile dans un frigo.

Le froid parasitait encore ses pensées, explication confortable mais peu convaincante de ce qu'il avait vu. Il en parla à Cameron, qui apparemment n'avait pas eu le 'bonheur' d'avoir vu la même chose. Au moins avait-il été épargné... Même si Patroclus se demandait bien pourquoi. Et surtout... il se demandait où était la vraie vie.

La réponse de Cameron fut sans appel et rassurante, Pat ne relevant même pas son côté cheesy. Il aimait ça, en réalité, et il l'assumait. Il se lova un peu plus contre Cam, déposa un baiser sur son épaule et hocha doucement la tête.

— Yeah, you're right. I'll ask around...

Cameron avait souvent raison, songeait Pat. Ça aussi c'était rassurant, une autre bonne raison de ne pas le lâcher, ce que Patroclus ne comptait pas faire. Au contraire, il passa une jambe entre celles de Cameron, avant de se dire qu'il devait sûrement être tout glacé au contact aussi. Oops. Tant pis.