—Pas de deux ; Fury

pas de deux

F06-737 &' @Fury

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Le salon était vide. Pour une fois. Il y avait plus de place ici, donc j’y passais souvent la tête pour voir si quelqu’un était déjà là. Dans mon logement, je n’étais pas aussi libre. Il y avait toujours un moment où je me cognais contre un meuble, ou contre un mur. Et même si je m’en fichais un peu, la douleur était pas très appréciable.

Ici, je pouvais m’élancer et sauter comme si mon âme allait sortir de son corps, ce que j’attendais depuis la minute où j’ai ouvert les yeux ici. Très vite, ma carcasse s’était mise à bouger et à virevolter presque machinalement, et c’était la chose qui me faisait aller le mieux. J’avais fini par prendre l’habitude de faire passer les journées plus vite ainsi. Des mélodies fantômes me trottaient dans la tête et me faisaient valser dans une brise invisible qui me transportait, moi et mon enveloppe, presque en dehors de la ruche. Presque.

Je ne pourrai pas me mettre en sous-vêtements ici, et j’allais vite avoir chaud. Mais je voulais tourner, tourner encore plus vite et plus loin que dans mon logement. C’était une envie que je n’arrivais pas à réprimer, presque comme si ma vie en dépendait. Enlevant mes chaussures une fois au milieu de la salle, j’allai attraper mon maigre mollet avec ma main, d’un côté puis de l’autre, étirements dont étrangement seul mon corps mal-aimé se souvenait. Dans ces moments là, c’était lui qui me portait. C’étaient les seules fois où il n’était pas un poids pour moi. Car en mouvement, il cessait presque d’exister. Seule la sensation restait.

Rapidement, il me fit tourner, tourner, tournoyer et je me retrouvais à m’élancer à travers la pièce, écartant les jambes le plus possible. Je le fis une fois. Deux fois. Trois fois. Quatre fois. Et à chaque fois, j’espérais m’envoler, loin, loin d’ici, loin de tout, loin de moi.
La sensation de liberté durait quelques secondes seulement, alors je finissais par recommencer, comme une dose de plus. Puis mon corps continua de me porter autrement, mes jambes, mes bras caressaient l’air comme le plus doux des amants. Je ne faisais plus qu’un avec tout, car je n’étais plus rien. Et c’était ce que je préférais ressentir, le plus au monde.

Puis mes yeux s’ouvrirent sur les siens. Une jeune femme. Mon corps se figea. Depuis quand était-elle là ?

(c) oxymort