Pour souffrir, tous les lieux se valent.

Une migraine de l'espace. L'impression que la moindre parcelle de son corps pèse une demi tonne. Le cœur au bord des lèvres. La bouche affreusement sèche. H01-119 ouvre difficilement les yeux. Premier réveil dans la Ruche. En espérant que les suivants soient plus agréables. Une voix robotique lui énonce une suite d'informations qu'il n'écoute qu'à moitié. Bien trop occupé qu'il est à tenter d'émerger, à s'extirper de cette brume qui l'entoure.

Les secondes passent, se succèdent sans que rien ne se passe. Pas le moindre mouvement. Pas la moindre pensée. Son esprit est comme englué. Finalement, le jeune homme parvient non sans mal à s'extirper de son lit. Le monde se met à tourner. Ses jambes vacillent. À peine sorti du lit, il se retrouve de nouveau en position horizontal. La face contre le sol froid. Une envie de vomir lui tord le ventre. Chaque mouvement lui demande un effort monstre. Pas le temps de songer à tout le reste. À ce vide qui entoure son esprit. À cet environnement totalement inconnu. Non. Pas pour l'instant. Il aura tout le temps de s'attarder sur ces détails plus tard.

Cette fois, ses mouvements sont bien plus lents. Se relever. Avancer. Pas de mouvement brusque. Non. Prendre son temps. Éviter de tomber de nouveau. Un pied. Puis l'autre. Et recommencer. Encore. Ses pas l'amènent hors de la pièce dans laquelle il vient de s'éveiller. Un salon face à lui. Non. Gauche. Une salle de bain. Il s'y engouffre. Une remontée acide lui brûle la gorge. Il tousse et s’agrippe tant bien que mal au rebord du lavabo.

Un bruit derrière lui. H01-119 prend enfin conscience qu'il n'est pas seul. Il se retourne non sans difficulté et se retrouve face à une jeune femme. « Je crois que je vais mourir. » Bonjour. Qui es-tu ? Où suis-je ? Qui suis-je ? Non. Chacun ses priorités. Celles de 119 ne semblent pas se trouver là.

@F01-013

Les lumières s'allument, 013 se réveille, ferme les yeux une première fois rapidement, éblouie. Elle ne s'y est toujours pas habituée. Elle ne comprend pas pourquoi c'est une lumière vive et non pas graduelle le matin, tout comme pourquoi ça s'atteint d'un seul coup le soir. Il est vrai qu'elle ne comprend pas grand-chose depuis qu'elle s'est réveillée pour la première fois dans cette Ruche. Elle n'a pas plus de mémoire à propos de qui elle était, mais se sent moins perdue face à elle-même. Ce qui est déjà un bon début se dit-elle. Elle s'étire et s'assoit ensuite dans son lit. Elle ne remet pas son pantalon, elle va aller prendre sa douche, ça ne sert à rien. Elle va vers ses tiroirs, le bruit qu'elle fait en les ouvrant et les refermant couvre le son de vomissement de son nouveau colocataire, pour espérer trouver autre chose que les mêmes vêtements que d'habitude. Et non, pas de chance. C'est blanc. Désespérant blanc. Partout. Sauf les quelques petites guirlandes en papier qu'elle a fait qu'elle a installé près de son lit. Il y a toutes sortes de couleurs, afin d'égayer un peu le tout. Elle se dirige ensuite vers la salle de bains lorsqu'elle voit qu'il y a quelqu'un dans la salle de bains. « Oh ! » qu'elle fait, de joie, laissant tomber ses vêtements par terre.

Avant d'avoir eu le temps de lui sauter dessus, il dit qu'il croit qu'il va mourir. Elle s'arrête de bouger, le regarde, incrédule. « Quoi ?! Comment ça ?! » qu'elle se met à crier. Le réveil a changé ? Elle n'en a pas entendu parlé. Il fait mourir les nouveaux arrivés ? Non, ce n'est pas possible. Pas après tout le temps où elle a pu attendre après un colocataire. Pourquoi est-ce que ça tombe sur elle ?  « T'es sûr ? J'peux faire quelque chose pour t'aider ? » Il faudrait... et ça la frappe. Elle sait quoi faire. Dans un dessin-animé on verrait une ampoule s'allumer au-dessus de sa tête, en fait son visage donne un peu l'impression qu'il s'illumine. « @Aleksa ?! Ses signes vitaux, est-ce qu'il meure ? » qu'elle demande, lorsque l'assistante apparaît. Elle va pouvoir lui répondre, après tout, elle est apte à faire cela.

« Quoi ?! Comment ça ?! » Doucement. Une agonie longue et douloureuse. De nombreux spasmes. Avant de tomber pour une souffrance interminable. Voilà comment 119 se voit mourir. Lentement. Bien trop. Mais ces mots restent bloqués. Il voit trouble. Il n’aperçoit la jeune femme qu’à moitié. « T'es sûr ? J'peux faire quelque chose pour t'aider ? » Faire que ça cesse. Que les douleurs s’estompent. Que tout reprenne sa place. Non. Elle ne peut rien pour lui. Malgré son état, le jeune homme en a conscience. Il ne semble pas être le plus apte à gérer la souffrance. Clairement pas. « Ça va passer... » Conneries. Pas la moindre conviction dans sa voix. Ses mots sonnent faux même à ses propres oreilles. Ça ne va pas aller. ça n’ira pas. Jamais. Du moins, ce sont les pensées qui traversent son esprit. Bien sûr que ça va s’améliorer. Le bonhomme n’est pas du genre à se projeter. Pas quand il s’agit d’une douleur immédiate.

« Aleksa ?! Ses signes vitaux, est-ce qu'il meure ? » Pas rassurant pour un sou. Une personne pop soudain devant ses yeux. Non. Pas une personne. Une... forme ? Une chose à l’apparence humaine. Pas besoin de plus pour que 119 se sente encore plus perdu. Il ne comprend pas. Il perd la tête. Oui. Ça doit être ça. Il n’est pas vraiment là. Pourtant, la souffrance semble bien réelle. La bile acide qui est remontée plus tôt également. « Bonjour F01-013, H01-119 est en cours de réveil. Son état devrait se stabiliser sous peu. Un peu de réconfort serait sans doute de mise, il semblerait que cela soit efficace pour vous en cas de détresse. Un verre d'eau peut-être, mais attention à ne pas l'étouffer parce que dans ce cas oui il serait au bord de la mort. » Pardon ? Son regard vacille entre la forme holographique, Aleksa semble-t-il et la jeune femme. Mourir étouffé. Mourir. Il le savait. « Au bord de la mort... » Il radote. Vieux avant l’âge. « De l’eau... Je crois que... Je vais me débrouiller. » Hors de question qu’elle l’étouffe. 119 est bien trop mal pour se rendre compte que sa colocataire ne lui veut aucun mal. Il se détourne. Ses gestes sont lents. Bien trop. Ouvrir le robinet. Laisser couler l’eau. Boire un peu. Très peu pour ne pas s’étouffer. S’asperger le visage d’eau. Puis s’asseoir sur la cuvette des toilettes parce que la pièce tourne encore légèrement. « Ça va aller... » Peut-être qu’à force de le dire, ça se concrétisera.

@F01-013

Ça va passer ? Elle n'en est pas du tout certaine. Son colocataire ne semble pas très bien prendre son réveil, à moins que ce soit une nouvelle sorte de réveil. Elle appelle donc Aleksa afin de s'en assure. Cette dernière apparaît, dans son pouf habituel, et obtient vite une réponse à sa question. « Oh... @Aleksa ! Si je pouvais je t'embrasserais ! » qu'elle lui dit, soulagée. C'est une excellente annonce. Il fait juste paniquer. « Merci. » rajoute-t-elle, lui souriant, lui faisant ensuite un signe de la main pour lui dire au revoir. Elle se retourne ensuite vers 119, puisque c'est son matricule, alors que son sourire disparaît, que son inquiète baisse, mais reste. Elle ne compte pas l'étouffer, c'est un drôle de commentaire qu'a dit Aleksa, mais c'est dans ses habitudes. « Non... Aleksa est pas humaine, elle manque de nuance je pense... » Elle essaie de le convaincre qu'il n'est pas au bord de la mort. Il va ensuite chercher de l'eau, retourne dans la salle de bain, elle le suit, même s'il dit qu'il va se débrouiller. Elle ne va pas l'abandonner dans un moment comme ça !

Il s'installe sur la cuvette des toilettes et elle s'approche un peu, lentement. « Mets ta tête entre tes jambes et respires. essaie-t-elle de lui ordonner, mais elle est trop inquiète pour cela. « Tout le monde se sent mal après son réveil... j'avais mal partout aussi. » Elle ne rajoute pas que même si elle avait mal partout, c'était comme si elle était habituée et a pu vite surmonter cette douleur. « C'est bizarre pour tout le monde ici... » elle ne sait pas trop si elle dit les bonnes choses pour le réconforter. « J'vais aller mettre mes pantalons. » qu'elle lui dit, elle vient d'y penser. Elle s'est déshabillée pour la nuit. Elle file donc rapidement, va enfiler un pantalon et se dit que de mettre un soutien-gorge serait bien aussi, alors elle le fait, juste au cas où il ne serait pas aussi à l'aise qu'elle. Elle, elle n'y accorde pas une importance particulière. Elle retourne dans la salle de bain environ une minute plus tard. « Je suis 013. » qu'elle se présente. « Bienvenue dans la Ruche... » Elle espère qu'elle ne lui donne pas trop d'information. Elle n'a aucune idée de comment gérer la crise qu'il est en train de faire. Elle se dit juste qu'il ne doit pas rester seul, alors elle ne compte pas le quitter avant qu'il semble avoir repris un état normal.