Visite guidée - ft. H01-512

La salle de sport était presque vide. Après tout, cet endroit où elle s’était réveillée n’était pas peuplé par un très grand nombre de personne. Assez rapidement, elle connaîtrait au moins tout le monde de vue à force de les apercevoir durant les repas. Par contre, pour les noms, c’était beaucoup plus compliqué. Elle avait du mal à l’idée d’appeler les gens par des numéros et encore plus d’être nommée de cette façon. Elle allait pourtant devoir s’y faire car c’était le plus simple. L’autre possibilité étant de choisir un nom au hasard mais elle ne serait pas particulièrement plus réactive. De plus, choisir un nom serait comme renoncer à l’idée de retrouver un jour la mémoire et elle était encore bien loin d’en être là dans le deuil de sa personne.

Elle jeta un œil vers le matériel : ce n’était pas folichon mais c’était bien suffisant pour se maintenir en forme. En l’occurrence, plutôt que de se maintenir en forme, F01-023 souhaitait plutôt vérifier que son corps fonctionnait encore correctement. Elle s’était réveillée toute engourdie et avec de nombreuses douleurs partout et avait bien l’intention de voir si tout ceci était temporaire ou si son corps la lâchait complètement.

Elle commença donc par s’échauffer un peu, les exercices venaient naturellement mais par contre, certains d’entre eux étaient passablement douloureux. Elle en déduisit qu’elle avait pratiqué du sport au moins à une période de sa vie, ce qui expliquait la connaissance de la pratique mais qu’elle ne devait pas être très sportive. Une fois qu’elle eut terminé, elle se dirigea vers l’un des tapis et monta dessus. Elle fixa le tableau et appuya sur quelques boutons sans succès. La machine refusait de démarrer. Rapidement, F01-023 s’agaça. Elle était à fleur de peau et chaque frustration était ressentie au centuple.

Elle respira un grand coup et se retend très fortement de donner un grand coup dans l’appareil. Tournant la tête de côté, elle se demanda à qui elle pouvait demander de l’aide. De petits duos étaient déjà en place mais elle n’avait aucune envie d’aller s’incruster parmi eux, ce genre de situation la mettait plutôt mal à l’aise. Elle posa donc son choix sur un homme seul, ce qui lui semblait plus accessible. Elle alla vers lui et l’interpella :

- Hum… Bonjour Monsieur, vous savez comment faire fonctionner les tapis de course. Je viens d’arriver par ici et visiblement, en plus de ma mémoire, c’est tout mon cerveau qui a été grillé…

Etre aussi protocolaire lui semblait un peu ridicule mais elle ne savait pas s’il y avait des règles sociales tacites dans cet endroit. Même si elle estimait qu’être enfermé dans un lieu inconnu sans se souvenir de son identité était une bonne raison pour se rapprocher.

512 alors ils s’appelaient bien les uns les autres par leur numéro. Elle n’allait pas vraiment avoir le choix et suivrait donc le mouvement. Elle suivit d’abord les indications qu’il lui donnait et monta sur le tapis à côté du sien tandis qu’il réglait la machine. Visiblement, il savait ce qu’il faisait et il dépassa ses espérances quant à la résolution de son problème. Il lui expliqua le fonctionnement et l’ensemble se déclencha, d’abord en douceur. Elle n’eut donc pas de difficulté à suivre, elle en profita pour se présenter en se pliant également au tutoiement comme il le faisait :

- Merci beaucoup pour l’aide, je ne connais pas ce genre de machine visiblement. Moi, c’est 023. Je suis là depuis... pff... avant-hier mais je n’ai pas vraiment eu le temps de prendre mes marques. J’avais …. Pfff … besoin de … pff … me dépenser un peu … pff.  

La vitesse était devenue progressivement plus importante et discuter tout en courant était devenu compliqué pour elle. Contrairement à lui, le sport ne semblait pas du tout naturel pour 023 et il avait probablement surestimé ses capacités en augmentant la pente. En soufflant bruyamment, elle tâcha de rééquilibrer le tout pour s’adapter plus à ses compétences. Cela l’attrista un peu, elle aurait aimé découvrir qu’elle avait une condition physique hors du commun. De plus, elle n’était plus de première jeunesse contrairement à l’homme en face d’elle qui était en pleine force de l’âge. Elle courut en silence quelques minutes pour récupérer son souffle avant de se remettre à parler : elle avait désespérément besoin de ne pas se sentir seule dans cette prison.

- Vous êtes ici depuis longtemps ? J’ai cru comprendre que tout le monde ne s’était pas réveillé au même moment. Si vous connaissez l’endroit aussi bien que cette machine des enfers, cela pourrait grandement m’aider.

Avec un peu de chance, il était là depuis plus longtemps qu’elle et pourrait l’éclairer sur ce qu’ils étaient en train de vivre. Elle appréhendait tout de même la réponse. S’il était là depuis des mois ou des années, que ferait-elle ?
Que ferait-elle en sachant qu’elle était coincée ici pour une durée indéterminée et extrêmement longue ? Elle sentit son souffle s’accélérer encore et son cœur battre plus vite sous le coup du stress rien qu’à cette pensée.