La chambre maudite ft. H03-2

Brusque est un terme faible pour désigner les derniers jours passés dans cet endroit auquel tu peines réellement à t'accoutumer. Tu as limité tes déplacements le temps d'encaisser le choc, le temps de réaliser ce qu'il en est parce que ça te semble encore totalement irréel tout ça. Ça ne te semble pas possible, pas probable, pas réel. Tu en es presque au point où tu as besoin de te pincer à tous les jours pour valider que tu ne dors pas, que tu n'hallucines pas, mais non. La réponse de ton corps est toujours la même, ça fait mal. La douleur est réelle tout autant que les maux qui te tourmentent et la faim qui te tiraille, la fatigue qui t'habite et l'envie de hurler que tu n'arrives à expulser. Tu donnerais presque n'importe quoi pour l'une de ces pièces trop blanches comme le reste de cet endroit, insonorisée, où tu pourrais hurler comme il te plait sans que personne ne puisse voir à quel point tu es terrorisé par tout ceci. Tu essaies plutôt de te faire discret, d'éviter de croiser le regard des gens pour ne pas attirer l'attention de personne afin de limiter les contacts sociaux. Pas que tu te sentes incapable de parler, bien au contraire, mais tu auras besoin de temps pour t'accoutumer à tout ceci et tu ne crois pas que de parler avec des étrangers que tu peines à jauger va réellement t'aider à le faire. Tu as entendu les mots qui courent, les rumeurs, les événements passés, les punitions et toutes ces choses que tu ne veux pas imaginer. Tu as une bonne oreille même si tu retiens les mots de s'échapper de tes lèvres et jusqu'à maintenant tu n'as réellement rien entendu qui puisse te rassurer. Certains semblent ici depuis longtemps, d'autres tout fraichement arrivés comme toi. Certains semblent gentils, adorables, et d'autres tu préfères ne pas les approcher pour ne pas risquer de perdre des plumes au passage. Certains assimilent bien la chose et d'autres semblent au bord de la rupture, avec raison. Tu ne sais pas encore où tu te situes dans tout ça, où tu vas te situer lorsque tu auras enfin réussi à prendre tes marques. Tu sais simplement que pour le moment tu as besoin de temps, d'espace, et d'un brin de solitude le temps de te faire une tête sur le sujet.

Tu n'as pas dormi la nuit dernière, pas davantage que les autres, coincé seul dans une chambre qui n'est pas celle dans laquelle tu t'es éveillé parce qu'une règle étrange te force à dormir ailleurs. Tu as passé la nuit à fixer ce plafond que tu ne voyais pas dans l'obscurité, admirant les minutes passer sur la montre à ton poignet qui ne t'étais d'aucune autre utilité. Tu dois avoir une tête de cadavres à manquer de sommeil comme ça et faute de café dans ces étranges machines qui te donne à manger, tu commences réellement à avoir du mal à fonctionner. Avec un peu de chance tu en viendras à complètement t'épuiser d'ici quelques jours et tu pourras enfin avoir une vraie bonne nuit de sommeil pour rattraper cette insomnie persistante dont tu aspires simplement te débarrasser, mais qui te semble pourtant normal compte tenu de la situation. La panique et la terreur n'aidant en rien à te faire fermer les yeux lorsque tous les scénarios se pressent à ton esprit dès lorsque la lumière se ferme pour te laisser, tu l'espères ou non, seul dans la chambre d'un autre. Craignant presque toujours le monstre sous le lit comme le gamin que tout miroir pourra confirmer que tu n'es plus.

C'est donc d'un pas las, épuisé, que tu t'es finalement levé pour retrouver ce logement dans lequel tu t'es éveillé la toute première fois, tardant moins que les précédentes journées pour y retourner. Tu préférais laisser le temps à quiconque dormirait dans ton lit de se réveiller, mais ce matin-là tu aspirais simplement retrouver cette si mince bulle de sécurité pour t'y laisser sombrer. C'est dans le salon que tu allas t'asseoir avant toute chose, frottant machinalement ton visage et tes yeux avant d'entendre une voix s'adressant visiblement à toi. Une voix fort peut enthousiaste à l'idée de trouver un 'étranger' dans 'son' logement. Comment dire... Tu te levas en essayant tout de même d'esquisser un mince sourire pour ne pas lui donner l'impression que tu es une loque hostile avant de prendre la parole à ton tour. « Hum... en fait c'est également mon logement. Je crois... Je me suis éveillé ici il y quelques jours, dans la chambre là-bas. Je suis H03-2... ou 2... je ne sais pas trop ce qu'on est supposé utiliser. Désolé de jouer l'intrus. » Et forcément tu te demandes comment elle encaissera le fait de ne pas vivre seule dans cet endroit si elle a cette humeur à l'idée d'avoir un squatteur si tôt le matin.

Tu acquiesças de la tête lorsqu'elle te demanda si tu étais certain d'être son nouveau colocataire, l'une des rares choses dont tu pouvais réellement affirmer être certain dans cet endroit parce que pour le reste... Tout n'était que mystère persistant que tu ne savais pas comment élucider et ça te nouait les tripes d'un sentiment dont tu peinais à réellement te débarrasser, nauséeux semblant être ton nouvel état naturel auquel tu n'avais pas réellement le choix de t'accommoder. Tu retrouves ta place sur le canapé justement pour ne pas te laisser submerger par la dite nausée matinale que tu n'as pas encore essayé de calmer d'un peu de nourriture, écoutant ce qu'elle ajoute et notant laquelle des chambres est la sienne. Les toilettes c'est bon tu as déjà plus que découvert la localisation et pour ce qui est du reste il ne devrait pas y avoir trop de difficulté non plus à respecter ce qu'elle demande puisque tu n'as pas réellement socialisé outre avec Moby pour le moment. Et encore là c'était une coïncidence bien davantage qu'une rencontre volontaire, bien que tu ne t'en plaignes pas. Bien au contraire. Sans ça, sans ce qui s'est passé avec lui, sans doute aurais-tu paniqué bien plus longtemps et peut-être serais-tu encore roulé en boule dans un coin à essayer de te convaincre de te réveiller pour mieux vivre dans le déni de la situation. Tu avais plutôt rapidement fait abstraction de la situation, de l'absence de souvenirs et le particulier de tout ceci au profil d'une découverte certaine d'une partie de ton tempérament te rassurant partiellement sur la personne que tu peux être. Sans doute devrais-tu chercher à le revoir prochainement pour t'assurer qu'il va mieux, mais pas tout de suite. Pas avant d'avoir stabilisé les choses un peu dans ton propre esprit. Elle ajouta que ce n'était pas ta faute, que c'était le concept de l'endroit, mais ça tu l'avais déjà compris. Tu savais que chaque nouvelle nuit passée ailleurs que dans ton propre lit te mettait à risque de faire vivre le même état de panique à quelqu'un d'autre fraîchement arrivé ici et se réveillant pour la première fois à côté d'un parfait inconnu sans réponses à toutes les questions qui se presseraient à son esprit. Cet endroit avait assurément quelque chose de sadique que tu aurais réellement voulu expliquer, mais comme pour tout le reste la seule explication qu'il te semblait en mesure d'obtenir se traduisait par 'c'est simplement ainsi que les choses se passent ici'.

Tu pinces doucement les lèvres lorsqu'elle ajoute être sur place depuis un moment et avoir vu plusieurs colocataires passer ici, mais surtout disparaître et ça n'aide assurément en rien la boule en ton ventre qui ne s'y presse que davantage. Les gens disparaissent? Pourquoi pas elle, mais d'autres oui? Qu'est-ce qu'ils ont bien pu faire pour simplement... disparaître? Tu poses tes avant-bras sur tes cuisses, nouant tes mains ensemble pour ne pas jouer nerveusement de tes doigts, fixant silencieusement le sol quelques instants à la suite de ses paroles avant de lever de nouveau le regard dans sa direction. « Je suis là depuis quelques jours à peine et si tu ne l'avais pas encore remarqué c'est que je ne dois pas être très dérangeant, enfin j'espère ne pas l'être. Je ne crois pas être du genre à faire la fête, pas que l'endroit s'y prête vraiment de toute façon, et je ne parle pas réellement aux autres alors ça ne devrait pas être un problème en soit. Tu peux être rassurée de ce côté. » Tu essaies d'esquisser un nouveau sourire avant de poursuivre simplement pour appuyer un peu tes paroles. Pas que tu sembles réellement menaçant de toute façon, les traits de ton visage que tu as pu observer en ayant cette impression de fixer un parfait inconnu te semblant au contraire plutôt doux. Tu fais tourner la bague à ton doigt en continuant, autre élément pour lequel tu n'as pas la moindre explication. « La troisième chambre est occupée ou... c'est quelqu'un qui a disparut également? » Que tu demandes sans oser demander comment ou pourquoi ils auraient pu disparaître. Une étape à la fois, il vaut mieux pour toi. « Tu dis que tu es là depuis un moment, c'est combien de temps exactement 'un moment'? »

Tu ne sais réellement pas quelle tête te faire sur tout ceci tant la chose arrive à te secouer tout autant qu'à te rassurer entre les propos de tous que tu écoutes toujours avec attention. Entre Moby et ta colocataire il y a sans doute de quoi se rassurer sur le fait que vous pouvez subsister longuement en cet endroit sans risquer de simplement en mourir de faim ou d'une quelconque forme de violence. Du moins tu le supposes à en juger par l'absence de marques visibles sur ceux que tu as croisé. Ça te rassure, un peu, mais ça t'inquiète tout autant parce qu'au final tu ne sais pas combien de temps vous allez passer dans cet endroit. Tu ne sais pas si c'était un coup de 'chance' et que tu arrives simplement au mauvais moment, à la veille de ce qui sera votre finalité. C'est bien le problème avec cet endroit. Tant de réponses qui ne viennent pas et même ceux étant-là depuis un moment ne savent pas les fournir. Il y a cet aura d'inconnu qui te tord les tripes à tout coup et te pousse à rester assis ainsi, passant tes mains dans ton visage en l'entendant mentionner la disparition effective depuis un moment tout autant que l'arrivée à prévoir d'une personne un peu aléatoire, comme toi, à un moment ou un autre. Tu te doutes que ça passera, qu'à un moment ta panique interne cédera le passage à autre chose que tu ne peux pas encore totalement prévoir. Peut-être seras-tu simplement blasé de la situation ou peut-être prendras-tu tes marques et trouveras une quelconque forme d'aisance à évoluer dans les environs et aider les nouveaux arrivants à ta façon par la suite. Ça te semblait logique de le faire, de ne pas les laisser se faire simplement lancer dans l'inconnu avec une constante envie de vomir pour passer le trauma de la réalité. Ça te semblait simplement être toi de ne pas être égoïste au possible et plutôt emphatique à la cause des autres. Tu ne doutais donc pas réellement de ta capacité à respecter l'espace vitale de la personne avec qui tu devrais partager ton logement, à ne pas déranger de trop. C'était au moins ça de gagné dans tout ce bordel.

« Cette règle de changement de logement la nuit est embêtante ça je l'admets. Je n'ai pas nécessairement envie de me rouler en boule sous mon lit, mais assurément ça aurait aidé à... amoindrir un peu le choc de pouvoir rester statique à un endroit un jour ou deux. » D'un autre côté, sans cette règle tu n'aurais pas croisé Moby dès le réveil, tu n'aurais pu t'occuper de lui comme tu l'as fait pour l'aider à amenuiser sa panique au profit de la tienne et sans doute les choses se serraient-elles passées différemment. Peut-être n'aurais-tu même pas osé sortir de ta chambre et n'aurais-tu pas vu les règlements. Se faire coincer dès le premier jour, voilà qui n'aurais pas été bon pour ton mental assurément. Alors autant cette règle t'embêtait au possible, autant elle avait en quelque sorte ses avantages il faut croire. « Trois mois... Ça me semble long oui vu ce qu'il y a à faire dans les environs. » Tu marques une pause, pinçant le coin des lèvres. « Comment tu fais alors pour arriver à tenir le coup? Pas que j'aie l'impression de m'écrouler prochainement, mais ça fait... beaucoup à encaisser à la fois. Je ne sais pas trop comment... visualiser tout ça si je peux le dire ainsi. J'imagine qu'on s'y fait avec le temps, mais à quel prix... » Peut-être avait-elle une solution miracle qui sait. Après tout chaque personne ici devait vivre la situation à sa façon, ça te semblait plus que logique.

Même sans souvenirs, une partie de vous devait subsister en vos tripes, en votre esprit, et peut-être prendrait-elle le pas sur tout le reste. Assurément tu ne devais pas être dans un domaine d'emploi nécessitant de prendre les devant puisque tu ne t'en sentais assurément pas capable, mais ton ton de voix toujours si calme malgré ton cœur tambourinant avec force dans ton torse trahissait assurément quelque chose sur quoi tu n'arrivais à poser le doigt. « Dans tous les cas s'il y a quoi que ce soit en terme de colocation surtout n'hésite pas à me le dire. Je vais essayer de m'ajuster s'il le faut. Je ne voudrais pas être encombrant. » Tu t'efforces de sourire pour appuyer le sincère de tes propos, espérant réellement arriver à faire fonctionner tout ceci. Espérant surtout ne pas être le prochain sur la liste des disparition...

Tu fronces un peu les sourcils à l'entendre mentionner comme le pire dans cet endroit, à son avis, est le manque cuisant d'intimité qui vous est subtilisé de par cet espionnage supposé. Ce qui te semble logique compte tenu de la présence des règles. S'il y a des règles il doit y avoir quelqu'un ou quelque chose qui s'assure qu'elles sont respectées. Les portes des chambres ne se verrouillant pas, celles des logements uniquement la nuit, il y avait dans tous les cas tous les éléments nécessaire à vous empêcher d'avoir une quelconque forme d'intimité sans devoir improviser un peu pour l'obtenir. N'importe qui pouvait entrer dans vos chambres à tout moment, que vous en soyez à vous changer... ou autre chose. N'importe qui pouvait entrer dans la salle de bain à tout instant lorsque vous étiez sous la douche ou ailleurs. Si tu ne sais pas encore à quel point tu te sens à l'aise avec tout ceci tu ne doutais pas de le découvrir plutôt rapidement compte tenu de la situation. Tu te promis néanmoins de faire au mieux pour laisser son intimité à ta colocataire en supposant qu'elle en ferait de même. Elle ne te donnait pas l'impression, à première vue, d'être une voyeuse irrespectueuse de ce genre de choses. Vous devriez arriver à vous entendre. « Je comprends oui. » Mentionnas-tu donc simplement à ses explications concernant l'intimité, les caméras et tout le reste. Il y avait assurément de quoi devenir fou ou au moins paranoïaque et tu te demandais oui comment elle avait fait pour tenir le coup si longtemps, depuis trois mois. De ne pas vouloir se suicider était assurément un bon point dont la mention te fit tout de même hausser les sourcils. Y avait-il des gens qui avaient décidé de sortir de cet endroit par la grande porte, les pieds devant, à défaut de réellement savoir comment en sortir autrement? Il y avait de quoi donner froid dans le dos. « Bien. Merci pour les explications. » Tu ne savais pas trop comment répliquer autrement. Tu avais sa façon de voir les choses, il ne te restait qu'à trouver la tienne, ta méthode pour tenir le coup, d'y voir ou non une pause dans ta vie. Sans doute parler avec d'autres personnes t'aidera-t-il à te faire une tête à force de temps.

Tu pris tout de même le temps de lui spécifier que s'il y avait quoi que ce soit concernant votre colocation elle pouvait t'en faire part sans problème. Ce n'était pas de ta faute si tu étais tombé ici, si tu étais avec elle dans ce logement, mais tu ne te devais pas d'être une nuisance désagréable pour autant. Son commentaire sur son humeur eu le don de te faire sourire et tu acquiesças de la tête aux politesses qu'elle te renvoya au niveau de la colocation. « Je vais faire au mieux pour que tout se passe bien et je note de ne pas te croiser trop tôt le matin. » Dis-tu à la blague en te relevant du canapé. « Merci pour ta compréhension avec le petit nouveau que je suis. » Tu observes ta montre puis soupire. « Je vais te laisser ton espace et tout ça et essayer d'aller manger quelque chose je crois. » Pas que tu aies réellement faim, la nausée toujours plus que présente, mais tu ne pourras pas éternellement fonctionner sur tes réserves d'énergie et à un moment ou un autre il faudra bien que tu daignes te caler quelque chose au fond de l'estomac. « À plus tard j'imagine. » Terminas-tu en lui lançant un nouveau sourire avant de prendre la direction de la porte, te disant qu'assurément tu aurais pu plus mal tomber niveau colocataire.