APRES MIDI AU CALME FT F03-544

Après la soirée catastrophique d’hier soir, je n’ai quasiment pas dormi cette nuit. Je suis sur les nerfs. Et le réveil n’a pas été génial non plus malgré la présence de Doc. Une nuit sans dormir ne m’a clairement pas mis de bonne humeur et malgré la douche du matin et mes massages je n’arrive pas à me débarrasser de cette boule au ventre et de cet énervement qui me bouffe de l’intérieur. La première bonne nouvelle se présente au petit déjeuner, les machines nous redonnent enfin des repas équilibrés. Fini le steak frites au petit déjeuner. Ce matin j’ai le droit à un café, une omelette qui me semble faite uniquement avec des blancs d’œufs, du jambon et un verre de lait. Tout ce qui me faut pour aider à la cicatrisation de mes blessures. J’ai même le droit à un carré de chocolat, l’IA doit vouloir me donner un remonte morale ou alors la machine n’est peut-être pas complètement réparé. Qu’importé-je le mange avec plaisir. Je prends le temps de manger de toute façon personne ne m’attend pour le sport, @Ivy  m’a envoyé un message pour me dire qu’elle avait déjà fait sa séance. Je ne suis pas étonnée, elle n’a pas dû dormir correctement elle non plus.

Je range mon plateau vide et  je me dirige vers la salle de sport. J’ai réellement besoin de me défouler et malgré un échauffement plus long que d’habitude et des kilomètres avalés sur ce foutu tapis de course je ne suis pas encore assez fatiguée. Alors je repars pour une autre séance de 2 heures qui m’apporte un peu de calme et me permet de reprendre le contrôle. La douche me permet de détendre mes muscles que j’ai mis à rude épreuve aujourd’hui. Je ne me sens pas la force de suivre mon rituel et de faire à nouveau le tour de la ruche pour vérifier si des changements sont apparus dans la nuit. Je vais plutôt aller me poser dans le coin salon et essayer de lire. La position assise me fera du bien.

Je passe en revue les livres mis à disposition pour en choisir un qui conviendra à mon état d’esprit actuel. Je murmure en passant doucement ma main sur la tranche des livres.
« Hum… Non pas Balzac trop classique pour moi . L’art de la guerre de Sun Tzu ? C’est tentant mais pas aujourd’hui je n’ai pas l’état d’esprit pour ça »

Ma main s’arrête enfin  sur le livre parfait. Eragon, un livre facile à lire. J’adore les histoires de dragon, je vais pouvoir me vider la tête facilement. Je fais le tour de la salle du regard et cherche une place où m’asseoir. Il y a pas mal de monde cet après-midi, mais je vois une place libre à côté d’une femme que je n’ai jamais vue. Elle doit être arrivée depuis peu. Je m’avance vers elle et demande avant de là m’installer et de risquer de la déranger

« Cette place est libre ?»

Je tourne le livre entre mes mains, et je vérifie si je trouve une date de publication sur une des pages. Ce serait une première d’avoir au moins une référence sur une année. Je viens de m’apercevoir que nous n’avons aucune idée de la date à laquelle nous sommes mais que cela serait intelligent de regarder les dates sur les livres. On aurait peut-être une idée de l’année en cours. Je prends mon carnet et note l’idée pour fouiller la bibliothèque plus tard. Je finis par trouver une date à la fin du livre.
« Il est écrit 2002, je ne sais pas si c’est vieux.» Je referme le livre doucement pour ne pas l’abimer. « Mais pour aujourd’hui je cherchais juste de quoi me détendre et une histoire de dragon ça doit facile à lire»

Je garde le livre en main et le feuillette  sans m’attarder sur une page en particulier. J’aime la sensation des pages qui se tournent et l’odeur que dégagent les feuilles. Je ne sais pas si j’étais une grande lectrice avant d’arriver ici, mais ces sensations me rassurent, comme si elles m’avaient accompagné et aider à passer le temps durant mon ancienne vie. « Je n’ai pas vu de nouveaux livres depuis que je suis arrivée mais il y en a beaucoup je n’ai pas encore eu le temps d’en faire le tour. J’ai pu passer à côté d’un renouvellement.  

Je tends ma main pour la saluer. La politesse ne doit se perdre c’est encore une des rares qualités qu’il nous reste et dont je me souviens. « Je suis désolée je fais les choses à l’envers. Je parle, je parle et je ne prends pas le temps de me présenter.  Ici on m’appelle F03-066» . Encore une fois je grimace face à ce chiffre. « Enfin en attendant de trouver mieux» Je n’arrive toujours pas à me faire à cette idée de matricule qui est censé me définir. Va falloir que je trouve rapidement comment je m’appelle ou au moins un nom ou un surnom qui pourrait me plaire. « Je suis arrivée depuis plus de 15 jours mais il ne me semble pas t’avoir déjà vu» On repère facilement les nouvelles têtes ici.   « Tu t’es bien habitué à la vie ici ? » Je peux comprendre que l’adaptation ne se fasse pas facilement. On est tellement déboussolé en arrivant que chacun gère à sa manière. « Si je peux t’aider n’hésites pas» J’ai eu  la chance d’être accompagnée à mon arrivée et cela m’a aidée à m’intégrer. Il est logique que je propose mon aide, c’est un juste retour des choses.

Je continue de caresser doucement la couverture du  livre que j’ai  entre les mains appréciant toujours autant le contact de la couverture sous mes doigts et l’odeur de vieux papier un peu poussiéreux qui s’en dégage. Je laisse mon interlocutrice prendre le temps de choisir ce qu’elle désire me révéler ou non. Elle se pose énormément de question et semble un peu perdue, à la recherche de réponse. Je ne peux pas lui donner toutes celles qu’elle l’attend mais je peux au moins essayer  de la rassurer ou non sur ce qu’elle ressent.
Je pose le livre sur mes genoux pour mieux me concentrer sur elle, je ne veux pas qu’elle pense qu’elle me gêne, c’est naturel pour moi de l’aider. Mon instinct va dans ce sens.  
« Tu ne m’embêtes absolument pas. Cela ne doit pas être facile pour toi de n’avoir parlé qu’à une seule personne depuis ton arrivée. A moins que cela soit ton choix et que la compagnie des autres ne te convient pas ?  » Je sais que nous réagissons tous différemment et nos caractères et instincts prennent le dessus lors de notre arrivée. Si elle se sent prête à me parler, alors je serai là pour elle.

« Enchantée 544. Ce numéro nous désigne ici mais rien ne t’empêche d’en changer. C’est une des libertés qui nous restent autant en profiter. Je porte toujours mon numéro car je n’ai pas encore trouvé le nom ou surnom idéal. Je ne veux pas changer à la légère, je veux que ce nom me parle. Tu as une idée de comment tu aimerais que l’on t’appelle ? » J Ce changement est important selon moi, mais certains comprennent d’instinct qui ils sont ou comment ils veulent être appelés.

« Les repères de temps sont une des choses qui me manquent beaucoup ici. » Je  me fie aux heures de repas pour me donner un rythme, mais rien ne me dis que ces repères sont justes et que les choses/personnes (enfin qu’importe ce qu’ils sont) qui gèrent ce truc de dingue ne nous fournissent pas de fausses informations pour nous tester. « Je comprends parfaitement ton ressenti. J’ai beaucoup écouté mon instinct depuis que je suis arrivée » Et jusqu’ici il ne m’a pas déçu. « Lorsque nous arrivons ici, c’est tout ce qui nous reste, alors il devient notre point de repère pour définir ce qui est bon ou mauvais pour nous»

Je regarde autour de moi et comprends ce qu’elle veut dire en disant que les gens semblent convenir aux attentes du lieu. Chacun vaque à ses occupations comme si de rien n’était comme si notre vie suivait un cours normal. Au bout d’un moment on doit rentrer dans un moule ou du moins faire semblant de le faire.
« Je suis comme toi, j’ai ce sentiment d'être prisonnière. Et nous ne sommes pas les seules crois-moi. Je désigne d’un geste de la main les gens qui nous entourent. « Beaucoup de gens autour de nous travaille à leur manière pour essayer de comprendre les mystères de la ruche. Certains rêvent d’en sortir, d’autres de comprendre pourquoi nous sommes là et qui nous tient prisonnier ici»

Je m’installe dans le fond du canapé avant de lui donner mon ressenti sur la situation.
« Non cette situation pour moi n’est pas acceptable. La chance que j’ai eue c’est qu’en arrivant je suis tombée sur quelqu’un qui m’a accompagnée dans mon intégration. Et même si cela ressemble à de l’acceptation, se créer une routine dans sa journée aide à la temporaliser et à voir le temps qui passe.»  Cette routine me permet de ne pas craquer et bien suivre les règles. Mais pour combien de temps. On a tous besoins d’un exutoire quel qu’il soit.
« Y’a-t-il des choses que tu veux faire ? Sport, lecture, peinture dessin ? Qu’importe. Une activité qui te permet de te vider la tête et de rêver ? »

Nous avons tous appréhendé nos premières journées de manières différentes et pour moi il n’y a ni bonne, ni mauvaise manière de faire et je préfère lui dire pour qu’elle se rassure « Nous vivons une expérience inédite. Nous n’avons plus de point de repère, de ce qui pourrait bien ou mal. Chacun réagit en fonction des instincts et des sentiments qui lui restent. Donc ne prend jamais ta manière de faire et d’agir comme une erreur. » Le libre arbitre est une des rares choses qui nous restent, nous devons le garder.  Moi je suis dans l’action, la sociabilisation avec les autres. J’aime apprendre à les connaître et discuter avec les autres. Cela me permet aussi de voir à qui j’ai affaire, de les jauger, les évaluer. Nous vivons en vase clos et si un jour l’ambiance entre nous se ternir, je pourrais savoir à qui va ma confiance et surtout connaître ceux qui peuvent devenir mes ennemies.
Savoir que l’on peut se débarrasser de ces chiffres et une vraie bouffée d’air pour moi « Certaines personnes ici ont déjà changé leur matricule par un nom ou un surnom et ils n’ont pas été punis. Je suis donc parti du principe que cela était autorisé. » Quel bonheur ce sera le jour  où je trouverais le bon nom, ou le surnom qui me correspondra.

Prendre un rythme nous permet de ne pas sombrer dans la folie mais elle a raison certaines règles sont incompréhensibles « Ah, cette histoire de chambre. Je suis dubitative concernant cette règle.   « Je t’avoue que moi non plus je n’ai pas compris pourquoi elle était établie » Si ce n’est pour nous empêcher de prendre nos aises et de nous installer. Changé de chambre chaque jour nous empêche d’accumuler  des objets personnels ou de créer un endroit sûr et cosy. « C’est aussi débile que cette règle qui nous interdit de manger en dehors de la salle de repas. Il m’arrive que mon plateau soit trop copieux, j’amènerais prendre mon fruit par exemple pour le manger au gouter, mais c’est impossible»

Mes exutoires ?  La liste est courte mais je n’ai pas de secret à cacher donc je peux lui en parler « Dans ce que j’appelle ma routine, j’ai inséré plusieurs heures de sport le matin »  J’ai simplement écouté mon corps et mon besoin de me garder des réflexes actifs. « Puis j’aime venir lire dans l’après-midi. Et je passe pas mal de temps à l’infirmerie. Je me suis découvert  il y a quelques jours que c’était un endroit familier dans lequel je me sentais bien. » Les souvenirs reviennent par à-coups. De fois ce sont justes des sensations, d’autres fois des flashs on ne sait jamais comment cela va arriver.

« Je n’ai pas la fibre artistique mais j’aime ce que font les artistes» Je suis toujours admirative de ces personnes qui arrivent au travers d’une œuvre à faire ressortir des sentiments.   « N’hésite pas à utiliser ton carnet, tu pourras en prendre d’autres si besoin. Tu as peint ? Tu pourrais me montrer ou tu préfères garder tes créations pour toi ? » Je sens que certaines personnes n’aiment pas exposer ce qu’il crée car leurs œuvres reflètent leur âme, leurs désirs et qu’ils préfèrent avoir leur jardin secret.

« Suis la voie qui te plait. Au travers de ce que tu vas peindre, dessiner, créer tu pourras surement faire ressortir une partie  de ce que tu es ou  ce que tu étais. Mais rien ne t’empêche de venir tester les autres activités qui te sont proposées. Et si tu n’oses pas faire une chose ou une autre tu peux toujours demander qu'on t’accompagne. » Moi ou une autre personne. Il y aura toujours quelqu’un pour aider. Si Doc ne m’avait pas poussé à rentrer dans l’infirmerie je n’aurais jamais retrouvé le souvenir de mon ancien métier .À mon tour d’accompagner les autres s'ils en ont besoin.