from the ashes we rise again (H01-111)

From the ashes we rise again

Les jours passaient et se ressemblaient. Pour 111, tout était étrange ici. Loin d'être naturel. Il ne se sentait pas à l'aise. Il ne se souvenait de rien, ne connaissait personne. Il apprenait à connaître ses colocataires en effet et elles étaient sa principale source de distraction. Il ne se sentait pas d'humeur à se sociabiliser. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé de la part d'autrui... Ils sont nombreux à avoir essayé d'entamer une conversation avec lui. Mais elles ont toutes abouti dans un mur. Il se contentait de répondre brièvement, sans poser de questions en retour. Il s'en foutait de tous ces gens. Quand il sortira de là, il ne les reverra jamais de toute manière. A quoi bon paraître agréable, faire des efforts, alors que tout sera rendu au néant ?
Puis il se posait la question: vas-tu vraiment sortir de là, 111 ?
Et si il passait le restant de ses jours dans cette prison dorée ? Et si, toute sa vie durant, il sera voué à se faire appeler par un numéro ? Et si sa seule source d'amusement serait la lecture ou la musculation ? Juste la pensée de passer l'éternité enfermé le faisait paniquer. Alors il chassait cette idée loin de lui en faisant quelques pas dans les couloirs blancs immaculés.

Jusqu'à ce que, le septième jour, il croise son regard. Un pur hasard. Elle ne l'a sans doute même pas remarqué. Mais cet échange a suffit à électriser 111. Il l'a fixé passer à côté de lui sans même le calculer. Pourtant, lui, n'a pas su détacher ses prunelles de la jeune femme jusqu'à ce qu'elle disparaisse au coin d'un couloir. Le contact rompu, il s'était lancé à sa poursuite. Discrètement. Il avait hâté le pas jusqu'à ce qu'il l'ait de nouveau en vue avant de reprendre un rythme normal. Elle était canon cette fille. Des courbes fines et élancées, un visage typé comme le sien. Ils venaient de la même communauté. C'était peut-être pour cela qu'il n'arrivait plus à se l'enlever de la tête. Elle était là. Omniprésente. Pourquoi lui faisait-elle autant d'effet ? C'était ça, le coup de foudre dont ils parlaient dans les livres ?
En tout cas, il prenait un malin plaisir à l'observer. De loin. Il était capable de passer des heures entières dans la zone communautaire en attendant le moment où elle montrerait le bout de son nez pour venir manger. En fin de compte, c'était peut-être un peu flippant. Mais 111 n'avait pas le sentiment de vivre réellement. Il n'avait pas l'impression que ses actions pourraient avoir des conséquences réelles, comme s'il était dans un rêve. Alors il continuait. Même si, sur Terre, il aurait sûrement très vite abandonné cette fille. Ou peut-être pas. Qui sait.

Alors qu'elle reprit le chemin des logements après avoir déposé son livre, il constata rapidement qu'elle ne se rendait pas chez elle. Intrigué, il fut poussé à la suivre encore un peu. De ce qu'il avait pu observer, elle n'avait pas énormément d'amis. Un peu comme 111. Quand elle entra dans un appartement, il s'arrêta net sur le pas de la porte. Ce n'était pas chez elle. Il regarda à gauche. A droite. Personne à l'horizon. Il ne réfléchit pas plus et franchit le battant qui le séparait de la belle.
Il faisait très sombre dans l'appartement. Il hésita à ressortir, mais la curiosité le forçait à avancer. Pas à pas, il s'enfonçait dans le noir. Il avait laissé la porte entre-ouverte pour lui offrir un brin de lumière. Les questions fusaient dans sa tête, mais furent rapidement interceptées par une ombre foudroyante qui le plaqua au mur, le privant de tout mouvement. Grâce au filet de lumière, il découvrit le visage de la jeune femme qui avait en cet instant tout du serpent prêt à cracher son venin. Les questions qu'elle lui posa ricochèrent dans son cerveau. Qui était-il ? Pourquoi la suivait-il ? C'étaient là d'excellentes demandes auxquelles lui-même n'avait pas de réponse.
Euh, je euh, bégaya-t'il surpris d'avoir été pris la main dans le sac. J'sais pas, euh...
Il afficha une mine désolée ainsi qu'un sourire forcé, visiblement navré et vraiment pris au dépourvu.
J'ai droit à un joker ?
Il émit un léger rire, mal à l'aise. Il ne faisait rien pour améliorer la situation. Il aurait pu lui dire ce qu'elle avait envie d'entendre, mais si ça n'était qu'un mensonge, histoire qu'elle le lâche et qu'il reprenne son chemin. Mais non. Il ne voulait pas quitter cette fille. Il avait un pressentiment envers elle.
Je suis 111. Je voulais pas te faire peur, j'suis désolé.
111 soupira, ajoutant dans son regard une touche de pitié, espérant qu'elle soit clémente et accepte de le libérer.
J'ai senti un truc. Quand je t'ai vu pour la première fois. Pas toi ?
Pourquoi pas tenter le tout pour le tout. Il n'avait rien à perdre.

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C'était quoi, cette sensation étrange qui l'avait parcouru lorsqu'il avait croisé le regard de cette fille ? Elle était canon, c'était sûr. Mais s'agissait-il uniquement de ça ? De son instinct de mâle prenant le dessus en apercevant une femelle ravissante ? Il lui semblait être moins bestial que ça d'habitude, bien qu'il n'avait pas beaucoup de souvenirs pour appuyer ses faits. Il sentait au fond de lui que ça n'était pas normal, cette attraction qu'il avait pour elle. Ca le poussait à agir de manière inconsidérée envers elle. Même si 111 n'était pas douée de grande finesse en général... Là c'était pire. Bien pire. En plus, la belle brune ne laissait pas marcher sur les pieds facilement. Acceptera-t'elle seulement ses bredouilles d'excuses ?
Non. Visiblement non. Elle se mit à lui crier dessus, aboyer serait un terme plus correct. Il se recula le plus possible pour éviter les postillons qui pourraient se projeter sur son visage, mais sa tête buta contre le mur. Il gardait sa mine moitié-désolé en gardant un sourire béat. Elle le traita même de pervers et il se retint de rouler les yeux au ciel. Allons. Quand même pas. Sur ses mots, il prit une grande inspiration en agrandissant ses yeux qui sortirent de leur orbite.
Heureusement pour 111, elle finit par le lâcher. Il apporta sans attendre une main à son cou pour se le masser. Elle déconnait pas cette fille. Fallait pas la chercher. En plus, elle demandait au brun quel genre de truc l'avait aimanté à elle. Mais lui, il en avait aucune idée. C'était un ressenti qu'il avait eu du plus profond de ses tripes. Comme si son corps tout entier lui ordonnait de ne plus lâcher cette fille. Ils étaient liés dans la vraie vie. Dans l'avant. C'était sûr et certain. Ou alors, 111 était en train de se choper une gastro et ces sensations étaient annonciatrices de bien des maux à venir.

Elle cherchait à comprendre. Elle était intriguée, la fille. 111 avait au moins réussi à lui provoquer quelque chose. Mais vu la colère dans son regard, ses yeux qui scindaient chaque particule de son être, le sort soufflait à 111 qu'il n'était pas au bout de ses peines avec cette féline.
-T'as vu le nombre d'hispaniques ici ? lui retourna-t'il. Y'a qu'avec toi que j'ai eu ce sentiment. Les autres, c'est des inconnus. Ou alors, ils ne sont pas aussi importants dans la vraie vie.
Il préférait ne pas trop s'approcher d'elle, même s'il mourait d'envie de voir ce que plus de proximité pouvait leur provoquer. Mais 111 n'était pas aveugle: il la voyait tendue et clairement non réceptive. Pour l'instant. Il finirait par l'avoir à l'usure. En étant définitivement enfermé ici, il allait avoir besoin de passer le temps.
-Depuis mon arrivée y'a quelques jours, j'étais comme une coquille vide. Je ressentais rien. Et là, c'est mon inconscient qui m'a poussé à toi.
Il soupira encore une fois, pas sa main sur son menton, caressant sa barbe, habitude qu'il était en train de prendre depuis ses premiers jours ici dans ses moments d'incertitude ou de malaise.
-Encore désolé de t'avoir fait peur. C'était pas le but. J'suis un peu con. Mais pas méchant. Enfin, pas que je m'en souvienne en tout cas.
Fallait se montrer rassurant pour la gagner, mais c'était mal parti pour 111.

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Elle finit par l'excuser. 111 n'est clairement pas le plus malin pour rentrer en contact avec les autres, mais une fois que c'était fait, il savait souvent se tirer du pétrin en faisant entendre à autrui ce qu'ils voulaient entendre. Il lui arrivait de mentir afin de lisser la situation et que tout le monde s'en tire sans écorchure, mais là, il disait clairement la vérité. Cette fille, elle était importante pour lui. Que ce soit un signe du passé ou un indice du destin, il était certain qu'ils seraient amenés à faire beaucoup de choses ensemble. Peut-être avait-il le don de prévoir l'avenir ? Non, clairement, là ce serait s'emballer. Personne ici n'avait de super pouvoir. 111 n'était doté du don que de celui de la malchance. Et ça n'avait pas fini d'arriver.

Les lumières se mirent à clignoter. Etrange. Ca n'était jamais arrivé depuis le début de son séjour dans ce mystérieux endroit. Le brun leva la tête au plafond, ébloui par l'ampoule incertaine. Il n'eut pas le temps de questionner la jeune femme en sa présence que déjà le sol se mit à trembler violemment. Inquiets, leurs regards se croisèrent. Des cris retentirent jusqu'à eux. 111 se retint au cadre de la porte alors qu'il voyait tous les meubles de l'appartement se déplacer à coups de soubresauts ou de chanceler dangereusement. C'était le cas de l'armoire de la salle d'eau juste à côté de la brunette. Elle pouvait s'écrouler à tout instant et il n'avait pas envie de savoir ce que ça ferait d'avoir un corps écrasé en-dessous. 111 se jeta sur la jeune femme et la poussa de toutes ses forces. Il voulut se décaler, fuir, mais l'armoire décida de tomber à cet instant précis et d'emporter l'homme avec elle.
Une douleur irradia de ses genoux, sa cheville, mais c'était sans compter sa tête qui avait ramassé le plus clair du choc. Son front venait à peine de faire disparaître l'hématome qu'il s'était fait le premier jour. Mais là, quelque chose lui disait que c'était bien plus grave qu'un simple bleu. Ecrasé par le meuble, tout son corps criait à l'aide mais il préférait serrer les poings, les dents, les paupières, et attendre que tout se calme.
Ce qui finit par arriver.
-Chier... gémit-il.
Il crut apercevoir un petit visage jeter un coup d'oeil sous l'armoire qui le détenait prisonnier. Elle était toujours là. Saine et sauve. C'était tout ce qui comptait. Un soulagement emplit son âme, bien vite rattrapé par la douloureuse réalité. Elle était paniquée. Peut-être un brin énervé. Elle arrivait à lui demander pourquoi il avait fait ça et si il se trouvait bien là-dessous. Ce à quoi il répondit, la douleur devenant gentiment insupportable:
-Bien sûr que j'suis là, c'est à toi de me tirer de ce pétrin maintenant.
111 grimaça. Il sentait un liquide chaud couler sur son visage. Une goutte atteint ses lèvres et quand il en goûta la saveur du bout de la langue, il n'eut plus de doute. C'était bien du sang qui s'écoulait depuis quelque part sur sa tête. Précisément, il ne saurait dire où puisqu'il avait mal partout. Sa cheville droite était également dans une sale position, une position plutôt anormale d'ailleurs. Ca devait être pour ça qu'elle lui faisait un mal de chien.
S'il se demandait encore ce que ça faisait d'être écrasé par une armoire, là, il avait sa réponse.
-Aide-moi ! cria-t-'il dans un supplice étouffé.

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Son corps entier criait à l'aide. Il avait l'impression que ses poumons étaient écrasés et ne pouvaient plus se remplir d'air. Il se dégonflait comme un ballon de baudruche, sans compter le sang qui gouttait au sol et s'étalait dans une mare rouge poisseuse. La seule chose à laquelle il pouvait se rattacher était la voix de la jeune femme. Lorsqu'elle évoqua qu'elle ne pourrait peut-être pas la soulever assez longtemps, il se mit à flipper d'autant plus. Car ça ferait encore plus mal de se ramasser une seconde fois l'armoire, puis elle devrait l'abandonner pour aller trouver de l'aide. Mais, de tous les souvenirs qui lui restaient, il était certain que c'était bien le moment où il n'avait aucune envie de se retrouver seul.
Il se fiait à sa voix. Quand il l'entendit faire le décompte, il ferma les yeux un instant. Il prit une grande inspiration, le plus qu'il le put malgré son thorax écrabouillé, pour donner de l'oxygène à ses muscles et lui donner des forces de se dégager. Lorsque l'armoire se souleva, son esprit, le temps d'une milli-seconde, le supplia de reprendre d'attendre que le soulagement se fasse sentir. Mais sa conscience reprit rapidement le dessus et il rampa, avec la même allure qu'un ver de terre, hors de ce traquenard sous la pression de sa sauveuse. Quand il entendit l'armoire retomber au sol dans un bruit assourdissant, il serra les poings, attendant que la douleur revienne, mais non. Il était tiré d'affaire. Elle avait réussi. Du moins, pour l'instant. Car lorsqu'il vit la flaque d'hémoglobine sur le sol, il comprit qu'il n'était pas encore tiré d'affaire.

Elle l'aida à se relever. Il était mou, tout mou comme le même ver de toute à l'heure. Il sentait sa tête tourner, il voyait flou. Ou non, il voyait des étoiles. Il crut que son esprit se déconnecta le temps d'une seconde. Il tenta de poser son pied droit au sol mais ça lui fit un mal de chien. Il grogna jusqu'à ce qu'il soit installé dans le canapé.
La jeune femme revint rapidement avec une serviette mouillée qu'il appliqua sur la plaie de son crâne. Le contact sur la blessure lui tira une grimace. Après quelques secondes tout juste, il sentait déjà du liquide chaud couler sur son bras. C'était pas bon.
-Ma cheville. Mon pied était tordu sous l'armoire, gémit-il.
111 se mordit la lèvre pour réprimer une plainte quand une douleur lancinante provint de sa tête. Il était pâle comme un mort. Le sang qu'il perdait ne l'aidait pas à rester dans de bonne condition, sans compter le choc qu'il avait reçu. Il ferma les yeux, la lumière lui semblant soudainement plus forte.
-Est-ce que ... Silence. Il semblait chercher ses mots, comme s'ils étaient difficiles à prononcer ou tant c'était le fouillis dans sa tête. Ca va toi ? Tu vas bien ?

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La fille prit rapidement soin de la cheville du blessé. 111, en attendant qu'elle s'y attèle, appuya confortablement sa tête contre le dossier du canapé tout en tenant de moins en moins assurément la serviette sur sa tête. Il était bien, là. Il aurait presque eu envie de piquer un somme. Tous ces évènements l'avaient épuisé, il l'aurait bien mérité non ? Mais les mains infirmières le réveillèrent rapidement. Elles se mirent à enlever la chaussure, la chaussette, remonter le pantalon et remuer la cheville dans tous les sens. 111, dans son esprit embrumé, ne fut capable d'émettre que des grognements que l'infirmière amatrice ne perçut pas comme très importants. Elle diagnostiqua une cheville non cassée. C'était déjà ça. Pas sûre que le tout puissant de cet endroit louche aurait eu de quoi lui faire un plâtre. Il se contenta donc de hocher la tête, ce diagnostic lui suffisant amplement. Il pourrait dormir, maintenant.
Elle donna un coup dans la cheville douloureuse. Ce coup était totalement volontaire.
-Hé ! se plaignit-il vainement
Mais le ton de la fille ne lui laissait pas le choix. Il avait intérêt à obéir. En tout cas, elle avait toutes les cartes en main pour le faire obtempérer. Il hocha la tête plus frénétiquement, l'air de dire oui chef. Heureusement pour lui, qui commençait à se sentir à bout de forces, elle prit le relai à la tête. Et elle se moqua, quand il demanda s'il allait bien. Complètement à l'ouest, 111 rit aussi bêtement. Puis elle avoua que ça lui faisait plaisir de voir qu'on s'inquiétait pour elle.
-Mon instinct n'est pas si cassé visiblement, commenta-t'il sur le fait qu'il avait bien fait de la suivre.
Il se détendit. Il était bien en sa présence. Il se sentait entre de bonnes mains. Pourtant, il n'avait aucune raison de penser ça. Elle avait l'air de n'avoir aucune connaissance en médecine. Alors qu'en fait, elle se débrouillait bien.
Il était embrumé dans son esprit quand elle lui annonça son prénom. Il lui sembla entendre un M. Il répéta:
-Myra ? C'est ça ? C'est joli. Ca te va bien.
Il tourna son regard vers elle, sans trop mouvoir sa tête douloureuse, tout comme le reste de son corps. La moindre parcelle lui envoyait des appels au secours. Elles croyaient encore être écrasées par l'armoire. Alors qu'il était en sûreté maintenant. A moins que Myra ne se retourne contre lui parce qu'il finisse par dire de la merde. Ce qui pourrait vraiment être le cas.
-Enchanté Myra.
Il aimait bien prononcer ce mot, Myra. Ca sonnait bien à son oreille. Comme une lointaine mélodie agréable et chaleureuse. Il aurait pu le dire encore et encore sans s'en lasser. Ce soir, plutôt que de compter les moutons pour dormir, il comptera les Myra.
Puis, il fut frappé d'un éclair de lucidité. Les nuages dans sa tête se dissipèrent quelques secondes.
-Eh mais, tu te souviens de ton prénom ?!
Quelle chance elle avait, Myra !

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L'arrivée d'Aleksa avait réveillé 111 dans un sursaut. Elle avait la mine sympathique, cette intelligence artificielle, mais qu'est-ce que ses arrivées étaient soudaines ! Il ne s'y faisait pas. D'ailleurs, elle le faisait un peu flipper. Il ne préférait pas lui demander trop de choses, il préférait garder ses distances avec elle. 111 gardait la tête droite, de peur de croiser son regard quand il sentit les yeux de l'hologramme le scinder. Suspicieux, ses pupilles glissèrent timidement vers la grande brune et quand elle décréta qu'il ne souffrait de rien de grave, il dévia son champ de vision pour ne plus la voir. Quand la sauveuse de 111 confirma la bonne nouvelle, il lui répondit d'un sourire rassuré, les paupières à moitié closes. Au moins, il n'allait pas mourir dans quelques heures d'une hémorragie interne.

Myra beugua quand 111 prononça son nom. Comme si elle ne l'avait jamais entendu. Elle lui dit que c'était lui qui avait dit son nom. Pas elle. A moitié dans les vapes, 111 rit bêtement. Comment il aurait pu évoquer un nom comme ça au hasard, alors qu'il était dans un état second ? Elle expliqua ce qu'elle savait, que son prénom commençait par un M, et que c'était le blessé qui avait prononcé la suite. Il s'arrêta de rire. Il posa ses yeux mi-clos sur elle, l'air consterné.
-Aïïïeuuh ! gémit-il quand elle augmenta la pression sur sa plaie. Arrête!
Il était bien éveillé maintenant. Elle avait su appuyer sur son point faible actuel qui n'était pas des moindres en ce moment. Il se concentra, ferma les yeux quelques secondes.
-Myra... répéta-t'il encore, comme si ce mot pouvait lui apporter des réponses miraculeuses tombées du ciel. Je sais pas. Ca m'est venu comme ça. Comment j'ai pu faire ça ?
Il la fixait à nouveau. Sa folie passagère avait-elle imaginé ce prénom par pur hasard ? Ou était-ce de lointains souvenirs qui cherchaient à faire surface dans sa mémoire effacée ? D'abord les ressentis au fond de son être à son propos, puis son prénom émergé de nulle part... Les indices corroboraient tous dans la même conclusion : ils se connaissaient dans le passé. Mais quelle relation pouvaient-ils bien vivre ? Avaient-ils grandi dans le même milieu ? Etaient-ils amis ? En couple ? Et si tout n'était qu'un stratagème conçut pour semer le trouble dans leurs têtes ? Les questions fusaient dans sa tête. Il espérait trouver les réponses dans les yeux de Myra, mais aussi beau étaient-ils, ils ne lui étaient d'aucune aide.
-Tu crois que ça pourrait être ton nom ? Myra ? Tu crois que c'est possible ?
Il n'était pas très clair dans son élocution, mais au moins, il n'était plus autant dans les nuages. Il retouchait terre doucement, jusqu'au prochain coup de la brune dans une parcelle sensible, ce qui le ferait atterrir plus rapidement.  
-Tu crois qu'on se connaissait avant ?
Il n'était sûr de rien. Une sueur froide parcourut son corps. Il retrouvait le même état d'incertitude du premier jour. Quelle était la raison pour qu'ils se trouvent ici ? Avaient-ils effacé sa mémoire parce qu'il avait fait quelque chose de grave ? Ou parce qu'il savait des choses qui devaient rester secrètes ? Qui était Myra pour lui ? Pourquoi effacer la mémoire jusqu'à leur identité ? La chair de poule dressa les poils de ses bras, de sa nuque. Il poussa un soupir tremblotant. Il avait froid. La douleur et le sang perdu ne l'aidaient pas à se réchauffer. Sans compter le malêtre constant qui émanait de cet endroit...

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Ca n'avait aucun sens. Cet endroit. Ces souvenirs qui remontaient de manière intempestive. Ces émotions ressenties au plus profond de ses tripes. Il ne pouvait pas ignorer tous ces signes. D'une manière ou d'une autre, la brune en sa présence était chère à son coeur dans la vie normale. Si elle n'avait été qu'une brève connaissance sans lendemain, il n'aurait pas senti son estomac se tordre lorsqu'il eusse croisé son regard pour la première fois.
Elle évoqua l'idée qu'il avait peut-être prononcé le premier nom qui commençait par M qui lui était venu en tête. Cette suggestion le rendait perplexe. Myra n'était de loin pas le premier nom en M auquel il aurait pensé. Les prénoms comme Marie ou Manon sont bien plus connus dans l'esprit des gens. Pourquoi Myra serait apparu ainsi comme une évidence dans la tête de 111 ? Il tordait sa tête douloureuse dans tous les sens à la recherche d'une réponse qui ne venait pas. Au moins, ça avait le mérite de l'aider à penser à autre chose que l'accident qui venait de lui tomber dessus. Avec ça, peut-être développerait-il une phobie des armoires. Un traumatisme profondément ancré en lui à cause du coup qu'il avait reçu sur le ciboulot.

Myra disait que ce prénom ne lui évoquait rien. Pas de souvenirs, pas de flashs, aucun sentiment. En effet, physiquement, ça ne lui faisait rien transparaître. Mise à par l'étonnement provoqué par 111 qui prononce ces quatre lettres, ça lui faisait ni chaud ni froid. Peut-être s'était-il tout simplement trompé. Pourtant, au fond de lui, il était persuadé d'avoir raison. Mais les circonstances ne lui permettaient pas d'assurer cela.
Elle demanda si il avait des signes particuliers sur son corps qui pourraient les mettre sur une piste. Lors de ses premiers jours, il se souvient avoir passé un long moment enfermé dans la salle de bain, nu, s'observant sous toutes les coutures afin de découvrir toutes les moindres surprises que pouvait lui montrer son corps. Lorsque Myra lui révéla ses tatouages, 111 ne put s'empêcher de prendre sa main, celle où se trouvait le petit coeur sur son doigt, pour l'observer de plus près. Sa peau était fine, douce.
-Ca ne m'évoque rien. Désolé.
A vrai dire, c'était plutôt pour avoir un contact avec elle qu'il avait saisi sa main. Pas pour voir le tattoo de plus près.
A son tour, il releva sa manche de chemise, trop large pour lui, le plus haut possible afin de révéler le prénom qu'il avait marqué sur sa peau à tout jamais.
-"Horacio" déclara-t'il. Aucune idée de qui ça peut-être. Mon père, un pote... Mon fils ? Putain ça s'rait beau, mais ça me ferait flipper aussi.
Il lui laissa le temps de l'observer si elle le souhaitait avant de couvrir son bras à nouveau.
-J'ai une longue cicatrice sur une jambe et un piercing au téton. Il éclata de rire. Vraiment, je me demande quel genre de type j'suis dans la vraie vie.
Il laissa un instant de silence s'installer. Il doutait que les indices dissimulés sur son corps puissent les aider dans quoi que ce soit. A son avis, seul le temps et des coups d'armoires sur la tête pourraient les aider à avancer. Il tourna sa tête vers la jolie brune.
-Même si on en est pas sûr... Je peux quand même t'appeler Myra ? Tous ces numéros... Ca me rend fou. Je mélange ceux de tout le monde.

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111 rit quand Myra lui demanda s'il s'imaginait père. A vrai dire, pas du tout. Dans ce lieu, il se trouvait trop immature, rigolard, il ne semblait pas pouvoir endiguer la responsabilité d'élever un enfant. Mais qui sait ? Il aurait pu être père jeune, l'enfant aurait pu ne pas être désiré et ils auraient néanmoins décidé de le garder. Horacio. Dans tous les cas, ça confirmait qu'il était bien issu d'un milieu hispanique. Myra n'était pas un nom typique, mais il avait également cette consonance. Cela dit, lorsqu'il sera sorti de là, il pensera à ajouter une petite précision en-dessous du prénom. Juste en clin d'oeil à cet instant qu'il vivait avec elle au cas, on ne sait jamais comme elle disait, il viendrait à reperdre la mémoire.
-Non, vraiment pas, avoua-t'il.
Lorsqu'il confessa pour le piercing, elle lui adressa un sourire narquois et finit par éclater d'un rire moqueur auquel il se rejoint. Ca faisait du bien de rire sincèrement. 111 se sentait plus léger, plus détendu. Il ne s'était senti ainsi avec personne depuis qu'il était arrivé. Cette fille avait vraiment un effet spécial sur lui.
-Je n'imagine même pas. Je suis content de pas me souvenir de ce moment.
Se faire percer un endroit si sensible... Mon dieu rien que d'y penser il serrait les dents. Quelle mouche pouvait bien l'avoir piqué pour qu'il en arrive là ? Il ne trouvait pas ça spécialement joli qui plus est. Lorsqu'il l'avait découvert, il avait éclaté de rire tellement il ne s'attendait pas à une telle chose sur son corps. Il se foutait ouvertement de lui-même. C'était un bon vivant au moins. Il savait rire quand il le fallait pour détendre les atmosphères.
Le brun sourit quand Myra l'autorisa à l'appeler ainsi. Il se sentait mieux de pouvoir appeler quelqu'un ici-bas par des lettres, et non pas un numéro. Il en était presque rassuré. Avec le temps, les choses avanceraient, les gens retrouveraient leurs identités et sortiraient de cet enfer quand l'expérience prendrait fin... C'était ce qu'il aimait penser en tout cas. Mais quand elle lui demanda si il avait le moindre souvenir de sa propre appellation, il perdit la confiance en lui qu'il venait de gagner. Il secoua doucement sa tête, toujours douloureuse. La plaie tapait comme si son coeur s'y trouvait. Mais le choc était passé, le saignement s'était stoppé. Le pire était derrière lui. Grâce à Myra.
-J'arrête pas d'essayer de me souvenir. Dès que j'y pense, ça m'angoisse. Ca me panique cette amnésie, d'oublier jusqu'à mon propre prénom. C'est vraiment grave. Ca ne te rend pas dingue, toi ?
Il soupira. Mais quitte à faire, pourquoi ne pas s'en inventer un ? 111 ne voulait vraiment pas être interpellé ainsi. Ca n'était pas lui. Il ne voulait pas que Myra le nomme par ce matricule.
-Aide-moi à choisir un truc qui sonne bien. J'ai l'air d'un espagnol. Prenons un truc qui sonne dans le genre, par exemple... Pablo ? T'en dis quoi ? Ou sinon, il prit un accent hispanique totalement exagéré, Javier !
Il était dans un sale état, le crâne en sang, la cheville enflée. Mais mentalement, il ne s'était encore jamais aussi léger, aussi naturel. Aussi lui. H01-111.

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Ca faisait du bien de parler ainsi à coeur ouvert. Il confiait à Myra ses craintes, ses inquiétudes et ses angoisses. Depuis son arrivée, il n'avait mentionné cela à personne. Il se faisait simplement passer pour le gars qui menait sa vie, qui acceptait son destin d'être enfermé ici bas, et basta. Il ne souhaitait pas que la ruche entière soit au courant de ses états d'âme. Mais Myra, c'était particulier. Il avait l'impression de pouvoir tout lui dire, elle l'écouterait. Elle ne le jugerait pas. Mieux encore, elle le comprenait et pensait souvent la même chose que lui. Les deux jeunes gens suivaient la même ligne directrice au point que leur connaissance dans la vraie vie n'était plus une hésitation. C'était certain. Alors H01-111 hocha la tête. Elle avait raison. Les souvenirs finiraient bien par revenir à leur destinataire. Leur mémoire acceptera enfin de débloquer toutes ces choses taries au fond d'eux-mêmes. Pourvu que des coups d'armoires ne soient pas la solution fatidique.

Puis elle rit, encore, réagissant à son humour simplet, ce qui lui mettait du baume au coeur. Elle demandait s'il était prêt à assumer le prénom de Javier. Pour la blague, et simplement pour avoir la chance de pouvoir le prononcer avec cet accent exacerbé, il était prêt à se faire appeler ainsi par les autres membres de la ruche. En espérant que la mémoire de son vrai prénom ne tarde pas trop tout de même.
-Je suis prêt, déclara-t'il avec certitude comme s'il venait d'accepter la plus importante des missions.
Suite à ça, Myra reprit son travail consciencieux d'infirmière amatrice. Elle se débrouillait plutôt bien. Javier se sentait entre de bonnes mains. Elle changea la serviette et revint avec une propre, toujours humidifiée. La fraîcheur qui parcourait son visage lorsqu'elle la passait à ses différentes places pour le nettoyer du sang lui faisait un bien fou. Il alternait entre des frissons, à cause du sang perdu, puis passait à la bouffée de chaleur à cause du choc et de la douleur. Ainsi, il se sentait plus frais, plus...
Soudainement, Myra s'était arrêtée. Ses pupilles étaient restées suspendues aux lèvres de 111. Un frémissement le parcourut lorsqu'elle se rapprocha de plus en plus. Lui aussi, il en mourrait d'envie, de voir l'effet que cela pourrait leur procurer. Les souvenirs qui pourraient remonter. Mais était-ce juste ? Il décida de ne pas se poser la question, de se laisser porter par les flots. Si elle lançait le mouvement, alors il suivrait à corps-perdu. Quand il sentit son souffle si proche de son visage, son coeur se mit à tambouriner si fort que Javier crut qu'il allait sortir par la blessure de son crâne. Pourquoi de telles réactions ? Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il s'apprêtait à embrasser une fille. Ou en tout cas, il l'espérait très sincèrement.
Cependant, au dernier instant, elle se recula, retrouvant avec 111 toute la distance qu'elle avait toujours eu depuis le début de leur rencontre. Son regard fuyait le sien, elle suggéra qu'elle devrait peut-être aller aider quelqu'un d'autre ailleurs. Ah, non ! Hors de question ! Javier s'assit vivement sur le canapé, mais ce geste lui tira une grimace et une vue brouillée pendant quelques secondes. Il fallait peut-être faire encore doucement avant de reprendre une activité normale.
-Non pars pas ! s'exclama-t'il sur le ton de l'indignation.
L'une de ses mains vint soutenir sa tête douloureuse. Il était toujours blême, livide. Très faible.
-C'est pas grave d'accord ? précisa 111 suite à ce qu'il venait de se passer. Il ne voulait pas mettre un terme à ce petit moment de bonheur qu'ils avaient réussi à instaurer tous les deux. Peut-être n'aurait-il pas le choix. Peut-être choisirait-elle pour lui. Je sais que je suis irrésistible.
Il haussa un sourcil et la fixa avec un air moqueur. Pourvu qu'elle continue comme si rien ne s'était passé et qu'elle en profiterait pour rire encore une fois, comme elle le faisait il y a quelques instants. Ou alors, elle pourrait lui en retourner une pour cette phrase de beauf. A choix.

From the ashes we rise again

Javier regardait Myra avec beaucoup d'espoir dans ses yeux. Il ne voulait pas qu'elle s'en aille et qu'elle le laisse dépérir dans cette chambre vide. Avec elle, il avait enfin retrouvé une petite étincelle de vie. Un peu de courage et d'attachement, dans cet endroit nouveau et terrifiant où il pensait être perdu à jamais. De plus, sa rencontre avec la brunette occuperait désormais ses pensées ennuyées. Pourquoi lui faisait-elle tant d'effet, que se serait-il passé s'ils s'étaient embrassés ? Javier ne l'aurait pas repoussée, c'était certain. Il se serait laissé porter en espérant que quelque chose se produise. Et si rien n'était arrivé ? Grosse déception. Même si ça ne serait qu'un bon prétexte pour retenter l'expérience.
Heureusement, elle rit. Il avait su tirer la corde pour faire retentir une nouvelle fois cet éclat de joie. Lorsqu'elle suggéra l'idée du surnom de Don Juan, il haussa un sourcil révélateur pour se donner cet air de beau gosse, bien vite stoppé par le coussin qu'il se ramassait en pleine tête. Ses réflexes n'étaient pas très au point suite aux derniers évènements. Il rit lui aussi, se moquant de lui-même. Mais elle abrégea vite. Elle lui expliqua pourquoi elle avait besoin de prendre congé de lui. Javier apprécia son honnêteté et il ne pouvait pas lui en vouloir pour ça. Il aurait voulu en placer une du genre "je sais bien que je ne laisse personne indifférent", mais il se contint, car dans la sincérité et le sérieux du moment, ça aurait paru vraiment lourd.
-Je comprends, concilia-t'il finalement en hochant la tête.
Elle proposa néanmoins de le raccompagner à son appartement. Javier aurait aimé garder son autonomie et y retourner seul, mais il avait peur de ne pas en être capable. Il n'était pas dans les bonnes conditions pour refuser l'aide de Myra. 111 attrapa la main qu'elle lui tendait et rapidement il passa son bras par-dessus son épaule car il sentait déjà sa vue se brouiller après un tel effort.
-Merci de t'occuper d'un boulet comme moi, avoua-t'il, sincère, avant de se mettre en route.
Le chemin jusqu'à son logement serait sans aucun doute périlleux et douloureux. Sa cheville foulée le faisait grimacer à chaque pas et sa tête tapait douloureusement dans toute sa boîte crânienne. Il lui tardait de voir la tête de ses colocs. Il allait revenir tel un guerrier, blessé mais toujours debout, accompagné de la plus belle infirmière qu'il aurait pu espérer.
Infirmière qu'il ne suivrait plus de manière maladive comme jusqu'à lors, qu'il laissera en paix jusqu'à ce que le destin décide de leur faire se retrouver à nouveau.