Après la pluie (023) ; terminé

Sauter dans sa chambre : fait. Sauter sur son lit : fait. Prendre les escaliers jusqu'au balcon : fait. Faire le tour des étages juste pour marcher : fait. Son énergie ? Encore là. Elle utilise bien le tapis roulant une fois de temps à autre, mais elle trouve cela redondant de marcher sur place. Au moins, en se promenant partout, elle rencontre d'autres personnes. C'est déjà mieux. Elle aime bien tous les moments où elle peut socialiser, même quand il s'agit de l'heure des repas. Elle est incapable de terminer ses repas, elle les trouve très bon, mais ses assiettes sont beaucoup trop fournies pour elle. Elle déteste avoir à gaspillé à chaque fois, mais puisqu'elle ne peut pas en mettre de côté pour plus tard, elle doit le faire. Pourtant, quelque chose lui dit que ce serait la bonne méthode. Manger un peu, mais régulièrement, aux quelques heures. Si au début elle se forçait à essayer de tout finir jusqu'à se sentir éclater, elle a arrêté, cette sensation n'étant pas très agréable... tout comme cette impression qu'elle a eu de prendre du poids qu'elle n'a pas du tout, mais pas du tout aimer.

Elle a donc évité de trop manger quelques jours pour perdre cette impression. Elle a ensuite arrêté de se forcer. Elle n'est donc pas trop fan de l'aire repas, surtout qu'après le tremblement de terre, elle a glissé sur de l'eau et s'est cognée contre la table. Elle a perdu connaissance quelque instant et elle a encore une bosse sur le front. Malheureusement, elle n'a pas trop le choix d'y aller. Il n'y a pas assez d'espace pour pouvoir éviter cet endroit. Pas assez de choses à faire non plus. C'est en y passant qu'elle voit 023 qui est assise, en train de regarder la machine qui a brûlé et qui ne sert donc plus à rien.

« 023 ! » s'exclame-t-elle, tout en se dirigeant rapidement vers elle. Elle est à la fois soulagée et inquiète. Soulagée qu'elle soit de retour après cette disparition inopinée, qui aurait pu être officielle, et inquiète car qui sait ce qui est arrivé ? Elle est de retour depuis environ deux jours, elle ne peut pas dire exactement combien de temps. Elle a appris qu'elle était de retour en entendant parlé d'autres personnes, juste un peu avant le couvre-feu (il n'y a pas grand-chose qui peut rester secret longtemps dans cet endroit), elle n'a donc pas pu aller vérifier par elle-même. Elle a dû la rater durant l'heure de repas, même si elle a fait attention. Peut-être qu'elle n'a pas voulu sortir. Ce qui a augmenté son inquiétude d'un cran encore. Puis, elle la voit, là, sans s'y attendre. Elle s'arrête près d'elle, lui sourit, contente de la voir. Elle n'a pas l'air d'être au top de sa forme, son sourire s'éteint lentement.

Son visage affiche ensuite une mine inquiète. Elle ne sait pas si elle peut la prendre dans ses bras après ce qu'elle a vécu, pour une fois, elle hésite et ne fait rien (pour une fois). Elle serre les mains dans son dos pour éviter d'être tentée. « Je peux m'asseoir ? » lui demande-t-elle, doucement. Elle pointe la place à côté d'elle et attend. Elle aime bien 023, elle ne se trouve pas assez intelligente pour elle, mais elle adore l'entendre parler et cette dernière la supporte, elle n'en demande pas plus. Peu importe ce qu'elle peut ressentir.

Manger – manger – manger – dormir. Il n’y avait rien d’autres à faire de toute façon. Elle n’avait pas beaucoup de force et ne pouvait donc se consacrer à rien d’autre que sa simple survie. Même si le désespoir initial était passé et qu’elle n’était plus en état de choc, elle restait très faible. Descendre de sa chambre pour aller manger lui demandait déjà un effort considérable.
La machine lui servit de la nourriture riche en protéines et nutriments mais facile à digérer. Son estomac n’aurait pas supporter de gros plats en sauce gras ou n’importe quelle sorte de chou. Une partie de son repas était déjà réduit en purée pour en faciliter l’absorption. Bref, elle devait faire très attention pour préserver son corps des agressions afin de se remettre au plus vite. Elle avait clairement failli mourir, elle l’avait même souhaité à un certain stade…

Elle s’installa non loin des machines et constata seulement que l’une d’entre elle était détruite. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ? Est-ce que c’était l’œuvre d’un des membres de la ruche ? La destruction de matériel était interdite, cela signifiait-il que quelqu’un d’autre avait été puni ? Le pauvre… Ca n’en valait pas la peine, surtout pour éliminer une de leur source de nourriture.

Elle avait à peine entamé son repas que F01-013 apparut dans son champ de vision. Son cerveau fonctionnant au ralenti, elle avait à peine intégré l’information que celle-ci criait son « nom ». Cependant, son visage changea rapidement et elle lui demanda plus doucement pour s’assoir. F01-023 sourit doucement, avec sa perte de poids, la sécheresse de sa peau due à la déshydratation et sa fatigue, elle devait avoir l’air d’avoir dix ans de plus qu’avant.

- Ne fais pas cette tête, ça me rappelle que j’ai l’air de sortir d’entre les morts. A moins que ce ne soit vrai, auquel cas, méfie-toi, je représente peut-être les prémisses d’une invasion zombie.  

Elle n’arrivait pas à rire mais préférait se moquer de son propre état plutôt que de s’apitoyer sur son sort. De toute façon, cela ne changeait rien. La seule chose qui aurait pu l’aider plus rapidement aurait été des perfusions diverses et variées pour accélérer son rétablissement mais il n’y avait rien de tout ça ici. Elle était sincèrement contente de voir 013, un peu de joie de vivre allait probablement lui remonter un peu le moral et lui faire le plus grand bien.

- Je t’en prie, installe-toi. Je suis contente de te voir, tu as l’air en pleine forme, c’est bien. Tu as fait de nouvelles découvertes depuis la dernière fois ?

Elle fixait toujours la machine brûlée devant elle et demanda, plus bas, comme pour ne pas être entendue, comme si elle pouvait se protéger d’Aleksa de la sorte :

- Est-ce que quelqu’un a… disparu ? Je veux dire, quelqu’un qu’on ne voit plus, qui ne sortirait plus de sa chambre ?

Elle ne voulait pas inquiéter 013 et tournait donc autour du pot, n’osant aborder le sujet directement mais ayant définitivement besoin de la réponse.

013 essaie de changer de tête, et n'essaie plus du tout aux paroles de 023. Des zombies ? L'idée la fait sourire. Peut-être qu'ils sont tous des survivants d'une épidémie de zombies, et que que leur mémoire a été effacée pour éviter de se rappeler les massacres et l'horreur. Ou bien ils sont tous des zombies et ils sont dans une expérience pour savoir si leur traitement peuvent les rendre humains*. « J'ai pas assez de viande pour intéresser les zombies. » la rassure-t-elle. Elle se pince ensuite  au niveau de son faux bourrelet abdominal, elle grimace, mauvaise idée.

Elle s'installe ensuite aux côtés de la brune, regarde ce qu'elle mange qui n'a pas l'air d'être très appétissant. « Je suis aussi contente de te voir... » lui dit-elle, avec le sourire. Elle est toujours contente de la voir, mais elle garde ça pour elle. « Hum... pas vraiment. » qu'elle lui répond, après y avoir pensé quelques secondes. Elle n'a pas l'impression d'avoir fait beaucoup de découvertes sur elle-même depuis les premiers jours. « Juste que agente de bord c'est plus... une option. » que son vrai métier. Elle n'a aucune idée de ce qu'il pourrait être par contre. « Peut-être que je suis une fille de riche qui sait rien faire... » Cela expliquerait son grand manque de compétence dans tout ce qu'elle a pu essayer de faire. Elle hausse les épaules. Elle va bien finir par trouver. Ou se souvenir.

023 continue de regarder la machine, et baisse le ton en lui posant une question. « Non... » Elle penche la tête d'un côté et de l'autre, et secoue la tête. Non, il n'y a pas eu d'autres personnes qu'elle n'a pas vu. À ce qu'elle sache. Elle ne pense pas connaître tout le monde, même simplement de vue. « Mais on a eu un tremblement de terre y'a deux jours. » qu'elle lui explique. Oui, cela a un sens avec la question, elle va juste devoir attendre la conclusion. « La machine a pris feu. J'ai essayé de l'éteindre, mais j'ai glissé sur de l'eau et je me suis cognée. » elle pointe la bosse au niveau de son front et elle a la réponse à sa question non posée, celle que son regard sur la machine apporte. « Y'a des bouts de plafond qui sont tombés... les livres, les pinceaux... bref, un vrai bordel. » qu'elle continue d'expliquer. « Y'a en a peut-être qui ont décidé de plus sortir. » qu'elle conclut donc. Elle a fait un grand détour, mais elle y est arrivée. Elle a tendance à beaucoup trop parler aussi.

Elle la regarde quelques secondes, hésite. « Tu... » elle s'arrête de parler, la mine toujours inquiète, cette dernière est revenue sans qu'elle y pense. Elle ne sait pas si elle peut poser cette question. « Tu étais où ? » lui demande-t-elle tout de même, doucement. Il y a peut-être une règle qui interdit d'en parler. « Je peux faire quelque chose pour t'aider ? » qu'elle rajoute, car elle n'a pas l'air d'aller très bien.

*In your flesh, si jamais !

Ce n’était pas faux, elle n’avait franchement pas beaucoup de viande sur la peau. C’était 032 qui venait d’être affamée mais elle restait quand même plus ronde que 013. Finalement, ce n’était pas plus mal pour elle, ça lui donnait moins l’impression de dépérir. Bien entendu, les jolies roses de la jeune femme montraient un excellent état de santé mais cette réflexion était faite pour être rassurante et non logique.

- Dommage pour agente de bord, je suis sûre que tu finiras par te souvenir. Les filles de riche ne savent pas rien faire, la plupart sont souvent éduquées. Il faut juste que tu trouves ton domaine. Si ça tombe, tu es une fabricante de bougie de génie, artiste sculptrice mais ce n’est pas évident à découvrir ici.

En tout cas, elle avait raison, elle finirait par se rappeler. Certaines personnes commençaient déjà à se rappeler d’un nom, d’un évènement, quelques bribes. Elle-même avait parfois des sortes de fulgurances. Comme des images qui s’imposaient à elle mais qui étaient encore trop floues pour répondre de façon concrète à ses questions. Parfois, elle rêvait également de tranches de vie ou de lieux qu’elle avait fréquenté. Ses propres suppositions sur son métier se confirmaient à son grand regret. Elle se voyait dans des bibliothèques, des bureaux débordants de notes et de papiers ou face à un grand tableau noir. Bref, tant qu’elle n’aurait pas de confirmation plus stricte de ses souvenirs, elle continuera à s’y opposer mais cela consistait principalement à nier l’évidence.

Un tremblement de terre ? Est-ce que c’était purement interne ou est-ce que ça touchait le territoire. Cela pouvait donner des informations intéressantes et potentiellement effrayantes. Elle savait déjà qu’ils ne rechignaient pas à les blesser mais tout de même, détruire leur habitat… Si tout le monde était encore là, c’est que ça n’avait malheureusement pas détruit assez pour créer une sortie. Dommage…

- Est-ce que vous pensez que ça vient de l’extérieur ou d’ici ? Si ça vient de l’extérieur, ça pourrait être une très vague indication sur notre emplacement et si ça vient d’ici eh bien… une indication sur leur perversité ? Désolé pour ta bosse, ça te fait encore mal ?

Intérieurement, elle souriait : un tremblement de terre et un feu et elle se cognait en glissant sur de l’eau. Ca lui mettait un peu de baume au cœur de l’imaginer toute maladroite. Ca avait un côté très mignon. Elle se referma un peu quand elle lui demanda où elle se trouvait, c’était beaucoup moins amusant d’un coup.

- Je ne sais pas. Pas ici ou alors dans une zone qui ne nous est pas accessible. Je n’avais aucune indication, j’étais juste au milieu de l’eau, dans une sorte de bulle. Il n’y avait rien d’autre.

Tout était dans ce « rien d’autre » justement qui avait rendu son « séjour » si difficile.

013 hausse les épaules, elle ne peut pas y faire grand-chose si agente de bord n'est pas ce qu'elle était. Cela lui reste plein d'autres options encore. Elle a plein de temps devant elle pour pouvoir savoir ce qu'elle est capable ou non de faire. Elle teste, elle échoue, elle lit, elle s'intéresse ou pas. Elle est certaine que ce doit être plus simple qu'elle le pense.

023 essaie de lui dire qu'elle a sûrement des talents cachés car les filles de riches sont talentueuses. « Pas celles que j'ai en tête... » qu'elle fait, songeuse. Paris Hilton, Nicole Richie. Elle ne sait pas pourquoi elle a ses deux noms là en tête, mais elle ne lui apparaissent pas comme talentueuses. « Mais j'espère que t'as raison. » Elle l'espère vraiment, qu'elle a quelque chose de caché quelque part, pas encore de découvert. Elle lui sourit, ce n'est pas de sa faute si elles ne connaissent pas le même type de filles de riches. Elle préfère sa version, c'est plus encourageant pour elle.

Encore une fois, 023 démontre à quel point elle est intelligente et à quel point 013 n'est pas du genre à penser à tout. « Euh... » qu'elle répond et elle lève les yeux dans les airs, comme si la réponse était là, quelques secondes. Elle ferme finalement les yeux, se remémore ce qu'elle a vécu. « Je sais pas ? » toute une réponse. « J'ai pas remarqué. » C'est une réponse un peu mieux. « Le sol a commencé a tremblé et ensuite tout le reste. » C'est tout ce qu'elle peut donner. Elle n'a pas fait attention à ce détail lorsque la Ruche a commencé à trembler.

« Quand je la touche... c'est mieux, au début, c'était tout le temps. » En s'habillant, elle doit faire attention, sinon, elle ne doit juste pas porter la main à son front. Ce qui est assez compliqué, elle a juste envie de poser un doigt dessus pour vérifier si elle lui fait toujours mal. Elle secoue la tête, essaie de se retenir de le faire une nouvelle fois, parce que le sujet est abordé. Elle aborde donc ce qui est arrivé et le regrette presque tout de suite. Sans grande surprise, 023 ne semble pas du tout ouverte à répondre à propos de ce qui est arrivé.

Elle pose lentement sa main dans le dos de la brune, et s'approche pour la prendre dans ses bras. Elle en a envie depuis qu'elle l'a vue, mais là, elle a besoin de la rassurer et de se rassurer aussi. Être dans l'eau dans une sorte de bulle ne semble pas être si pire que ça, mais... l'état dans lequel elle est lui indique qu'il doit y avoir autre chose qu'elle ne veut pas, ou ne peut pas, parler et cela l'inquiète encore plus. « Désolée... » qu'elle fait, quelques secondes plus tard, en se reculant.

C’était assez normal qu’elle n’ait pas remarqué l’origine du tremblement de terre. C’était une question purement théorique mais dans les faits, que la source soit intérieure ou extérieure, ils n’avaient aucun moyen de l’apprendre car dans les deux cas, leur seul univers accessible, la Ruche, allait trembler. Tout le monde avait dû avoir très peur en tout cas, 023 imaginait déjà la détresse des personnes présentes. Sachant qu’il n’y avait rien pour soigner les gens, la moindre blessure pouvait rapidement devenir grave. Elle regarda un peu attentivement la bosse, c’était encore gonflé mais cela allait rapidement se résorber. Elle avait eu de la chance, une blessure à la tête aurait pu avoir des conséquences bien plus graves.

- Y a-t-il eu d’autres blessés ? Est-ce qu’il y a eu des morts ?

023 imaginait déjà les personnes écrasées, les ventres transpercés et le sang étalé partout. Pire, certains avaient peut-être souffert le martyre pendant plusieurs jours dans leur chambre, attendant que l’infection contractée se décide à les emporter.

013 l’écoute attentivement, elle est toujours une oreille attentive et son sourire est rassurant, elle semble toujours être positive. Elle n’a pas vraiment envie de lui faire peur, de lui dire la vérité mais en même temps, elle veut la protéger, s’assurer qu’elle ne subira pas elle aussi cette punition.

La jeune femme s’approche et la prend dans ses bras. Ensuite, elle recule en s’excusant. 023, au contraire, met sa tête contre son épaule : elle a besoin de se sentir proche de quelqu’un dans cet enfer. Elle ferme un peu les yeux et retiens 013 pendant quelques secondes de plus. Elle chuchote pour se rassurer autant elle-même que la brune qui s’inquiète :

- Ne t’excuse, c’est comme ça, c’est passé, c’est terminé et ça n’arrivera plus jamais.   

Elle se redressa, la regarda droit dans les yeux et lui mit les mains sur les épaules comme elle pourrait le faire pour son enfant. Elle voulut la mettre en garde. Si elle ne parvenait pas à la convaincre simplement, elle lui expliquerait ce qu’elle avait vécu afin de la persuader. Elle ne pouvait pas risquer de la voir disparaître elle aussi. 013 était sa petite boule de joie et de lumière dans la ruche, elle avait besoin de garder au moins cela.

- Il faut absolument que tu suives les règles ici, d’accord ? C’est vraiment important. Je sais qu’il est tentant de faire des expériences, de tenter de défier la Ruche mais tu ne dois pas le faire. Qui qu’ils soient, ils ne rigolent pas et Aleksa n’est pas là pour nous soutenir ni pour nous aider. Elle ne sert qu’à nous surveiller et tu dois te méfier d’elle, aussi souriante soit-elle.

Elle lui fit ensuite un sourire un peu triste, se disant que, décidément, 013 n’avait certainement rien fait pour mériter d’être ici et que si elle n’avait pu se protéger elle-même, elle voulait protéger cette jeune femme dont elle ne connaissait même pas le nom.  

Plus elle y pense, plus 013 se dit qu'elle n'a pas du tout remarqué d'où provenant le tremblement de terre. Elle sait juste qu'elle n'a pas trop paniquée et qu'elle a su tout de suite quoi faire : se cacher sous une table pour éviter que quelque chose lui tombe dessus. Bon, la flaque d'eau c'est un raté, mais elle n'a rien reçu pendant la durée de cet événement. Ne pas avoir trop paniqué peut autant être un indice sur ses origines ou sur son caractère. Survoltée, énergique, mais qui a du sang-froid, quoique cela lui semble être contradictoire. Ou bien elle provient d'un endroit où il y en a souvent. Autre détail à découvrir sur elle-même.

023 continue de l'interroger sur ce qui est arrivé pendant sa malheureuse absence. « Quelques blessures... mais pas de morts à ce que je sache... » Bras cassé, jambe cassée, nez brisé, brûlure... inconfortable, surtout pour les deux premiers, mais rien donnant une blessure mortelle. De ce qu'elle sait, comme elle a dit. Elle a été hors jeu quelques minutes, elle a pu rater quelques trucs, et ensuite, elle avait trop mal pour se balader partout comme à son habitude. Personne ne semble manquer, elle n'a entendu aucune rumeur... sauf celles suivant les départs soudains mais aucun venant de la conséquence du tremblement de terre.

Autre énigme de la Ruche qui serait à résoudre. Comme tant d'autres. Elle ne pourrait même pas faire la liste de c'est qui est découvrir avec la quantité qu'il y en a. De toute façon, elle risque de ne pas être capable de relire ses notes puisqu'elle n'est pas très douée pour la calligraphie. Ce n'est simplement pas dû à l'oubli de comment faire, elle ne devait juste pas être douée pour ça.

Puis, elle prend la femme dans ses bras, ne peut s'en empêcher, recule, s'excuse, ne sait pas comment cette dernière va le prendre. Plutôt bien, en fait, elle est ramenée vers elle. Alors, elle la serre contre elle comme elle n'a rien contre. Sans y penser, encore une fois, elle lui embrasse une de ses tempes, espérant que cela lui amène un peu plus de réconfort. « J'espère bien... » murmure-t-elle. Elles s'éloignent ensuite, elles retournent là où elles étaient assises un peu plus tôt.

Ses mains sont posées contre ses épaules, cela va être grave. Elle le sent. Ce n'est pas quelque chose d'anodin quand on pose ses mains sur les épaules de quelqu'un. Elle prend un air légèrement inquiet. Elle se fait ensuite expliquer ce qu'il faut faire. Elle opine de la tête, son air est de plus en plus inquiet : suivre les règles, ne pas faire d'expérience, ne pas défier. Elle ne rien faire de tout cela. Son idée de faire une bataille de bouffe juste pour voir ce que cela pourrait donner diminue peu à peu. Ne pas faire confiance à Aleksa ? Elle est peinée, elle aime bien Aleksa. Elle la fait souvent parler le soir jusqu'à ce qu'elle s'endorme parce qu'elle se sent seule.

« Okay... c'est... c'est épeurant. » Elle ne sait pas trop comment répondre à cela. Elle prend une des mains de 023 et la lui serre. Cela fait tout de même beaucoup à digérer. Surtout avec Aleksa.

Fort heureusement, rien de grave n’avait eu lien, en tout cas, pas de morts. Ceux qui avaient eu des fractures allaient probablement être gêner et souffrir pendant quelques semaines. Les moins chanceux d’entre eux auraient cependant des conséquences sur le long terme. Un os mal ressoudé pouvait entrainer un certain handicap. Au niveau du nez, à part être légèrement disgracieux, ce n’était pas très grave, pour ceux blessés à la jambe, ils pourraient boiter à vie. 023 était contente de ne pas garder des séquelles autre que psychologique de sa petite escapade. C’était suffisamment difficile dans la Ruche pour ne pas avoir en plus à se préoccuper de sa capacité de déplacement.

Elles s’assirent ensemble et 023 s’arrêta sur un mot qu’elle ne connaissait pas. Elle en comprenait le sens mais elle ne l’avait jamais entendu et trouvé cela étrange. Il pourrait être intéressant d’aller chercher dans le dictionnaire, le fait qu’elle ne connaisse pas cette expression – pourtant simple – était peut-être un indice sur elle-même. Après tout, elle parlait français mais il y avait de nombreux pays du monde où cette langue était parlée et les particularités locales pourraient peut-être l’aider à se situer plus précisément. Le traducteur ne devait pas particulièrement faire attention à cela et c’était une très bonne aide pour elle…

Perdue dans sa réflexion, elle changea brusquement de sujet :

- Tiens, ça me fait penser qu’enfant j’ai tenté de lire le dictionnaire. Je me revois, dans la cour de récréation avec le dictionnaire qu’on avait dû acheter pour l’école. J’étais assise sur un banc et j’avais mes copines autour de moi qui voulaient que je vienne jouer avec elle mais je n’en avais pas envie.

C’était le premier souvenir qui lui revenait très clairement. Ce n’était pas un souvenir utile mais il avait quelque chose de joyeux et d’agréable. En plus, cela confirmait qu’elle aussi était capable de se rappeler de son passé. Elle avait fini par désespérer en voyant d’autres arrivés peu avant ou après elle se remémorer petit à petit des éléments de leur vie tandis qu’elle n’avait absolument rien qui revenait.

- Je pense que je ne tenais pas particulièrement à lire à ce moment-là. J’avais surtout envie que les autres voient que je lisais le dictionnaire, que je faisais quelque chose de compliqué. La modestie n’a jamais été ma principale qualité…

Cela mit 023 d’excellente humeur et elle commença à attaquer son repas en souriant à 013. Il y avait encore tant de choses qu’elles pouvaient découvrir sur elle-même et elle avait probablement vécu le pire de cette Ruche, elle devait voir les choses de façon positive, comme la jeune fille en face d’elle.

- Ça m’a fait du bien de te parler. Tu me fais un peu penser à un Chaton, quelle que soit notre humeur, quand tu arrives, on te trouve adorable, on craque totalement et on retrouve notre joie de vivre.

013 est contente aussi qu'il n'y ait pas eu plus de blessures graves suite au tremblement de terre. Cela aurait pu être pire. Un séisme plus important, détruisant encore plus, faisant tomber encore plus de morceaux de la Ruche, blessant mortellement... elle ne sait pas trop comment cela pourrait être pire, elle ne veut pas trop y penser, ce n'est pas très rassurant. Elle espère que cela n'arrive plus. À moins que ce soit coutumier. Après le même nombre de jours, la Ruche se met en branle. Elle ne peut qu'attendre... et peut-être oublier aussi pour éviter de se stresser avec cela. Ce qui lui semble une bien meilleure option que de se mettre à compter les jours. Cela risque donc d'arriver.

Tiens, déjà, elle n'y pense plus. Il est vrai que de lui parler de la prison et ce qui peut lui arriver si elle enfreint les règles est une méthode assez efficace pour pouvoir oublier l'histoire du tremblement de terre et des comptes à faire pour savoir si c'est régulier ou non. Elle a la trouille à présent, elle ne s'est jamais sentie comme ça depuis qu'elle est arrivée dans cet endroit. Pas même lors de l'incident d'il y a quelques jours. Elle espère que ça va passer, c'est bizarre... et elle n'aime pas.

Elle ne se doute pas du doute qu'elle a mis dans l'esprit de 023 à propos de la langue, n'a pas eu conscience du mot singulier qu'elle a utilisé sans y penser. Elle préfère se concentrer sur ce que dit la femme, qui change complètement de sujet... ce qui n'est pas plus mal. Elle est au courant à présent, elle va faire encore plus attention, faire attention à Aleksa, même si elle va trouver cela difficile.

Elle sourit doucement en l'entendant parler. Cela ne la surprend pas d'elle. Pour être intelligente et cultivée comme elle l'est aujourd'hui, elle a dû commencer bien jeune à se renseigner, à apprendre sur un peu tout. Le dictionnaire, n'est qu'une étape comme une autre. Elle se met à rire ensuite, aimant bien la fin. « C'est un chouette souvenir. » lui dit-elle. Elle, elle n'a eu que des impressions, du déjà-vu parfois. Rien de très net. C'est toujours mieux que rien.

Elle laisse manger 023, elle a monopolisé toute son attention, alors qu'elle aurait dû manger à la place. Surtout dans l'état dans lequel elle est. Elle regrette un peu, même si elle est soulagée et ravie de la revoir. Elle ne dit donc rien, hésite entre lui dire au revoir pour la laisser tranquille ou attendre qu'elle lui dise de partir car elle veut rester seule. Au final, c'est une option à laquelle elle n'aurait jamais pensé qui arrive.

Elle la regarde, cligne des yeux, alors qu'un grand sourire prend peu à peu sa place sur son visage. Elle rougit un peu, tout en se mettant à rire. « Oh ! » Elle est surprise. Elle ne s'attendait pas du tout à entendre ceci. « Je suis contente que tu ailles mieux... et merci. » Elle ne sait pas trop quoi dire, alors elle se contente de prendre dans ses bras une nouvelle fois 023.

Oui, c’était clairement un chouette souvenir, pas forcément utile mais rigolo. Il lui avait fait du bien aussi, elle aimerait en avoir d’autres comme cela. Des jeux dans un parc, une famille réunie autour d’une brioche fumante à Noël, des amis autour d’un verre, Avait-elle seulement une famille ? Certains dans la Ruche avait une alliance, on pouvait donc supposer un époux. Elle n’avait pas cette chance. Sur ses mains, aucune trace de bague au réveil et elle n’avait pas non plus de marque pouvant laisser supposer la présence de l’une d’entre elle pendant une longue période mais qui aurait été enlevée. Elle ne savait pas non plus si elle avait des enfants ou même des amis. Bref, quand bien même, elle pourrait quitter cet endroit – et c’était ce qu’elle souhaitait -, y aurait-il seulement des gens pour la retrouver ? Elle avait la crainte stagnante qu’en retrouvant la mémoire, elle se rende compte que son existence était totalement solitaire et que personne ne l’aimait vraiment.

Il lui restait quelques bouchées à prendre et elle termina son repas, elle avait eu une bouffée de bonne humeur mais celle-ci était déjà retombée et, sans se sentir triste, elle avait l’impression d’être à nouveau dans un état amorphe, dans lequel elle ne ressentait pas grande chose. Elle était en attente, souhaitant que le temps passe pour que des émotions reviennent et qu’elle se sente à nouveau mieux. Elle savait que cela viendrait, elle attendait juste que ce soit effectif.

013 lui dit qu’elle était contente de la voir aller mieux, elle n’eut pas le cœur de la décevoir et essaya de sourire aussi sincèrement que possible. Ce n’était pas difficile de faire cet effort pour 013 qui était un vrai petit rayon de soleil et avec qui on pouvait se sentir mieux rien qu’en la voyant :

- C’est gentil, Chaton. Je suis contente aussi, d’ici quelques temps, toute cette période ne sera plus qu’un mauvais souvenir.

Elle se leva pour débarrasser sa table, se disant qu’elle allait retourner dans sa chambre où elle serait plus à l’aise pour se poser un peu par rapport à ce qu’elle vivait. Elle avait besoin de longs moments de solitudes régulièrement.

- Eh bien, je vais y aller, passe une bonne journée et à bientôt j’espère, petit Chaton.

Après ces salutations, elle fit un dernier signe en arrière et quitta le réfectoire en évitant de croiser le regard de qui que ce soit : elle ne voulait pas se relancer dans une conversation à ce moment-là.