C'est la fête (211) ; Terminé

013 se réveille. Une sensation familière la traverse, l'inquiète. Elle se lève, rapidement, se cogne, se rebaisse tout aussi rapidement. « Ouille. » qu'elle fait, se masse la tête. Elle est 013. Elle est dans une Ruche. Elle est presque agente de bord. Elle sait qui elle est. Enfin, un peu. Elle ne repart pas de zéro comme lors de son premier réveil. C'est la noirceur, l'inconnu, qui lui a fait penser à cela. Elle se sent bizarre, encore endormie malgré son état réveillé. Puis, elle se rend compte qu'elle est par terre. Cela explique pourquoi elle se sent bizarre probablement. Pas comment elle s'est retrouvée  là-dedans. Ce qu'elle aimerait bien savoir, elle ne sait pas trop depuis quand il y a une sorte de cube en verre dans la Ruche, mais pour le moment, elle n'est pas très certaine d'aimer cela. Déjà qu'elle trouve qu'il manque d'espace, là, c'est pire. Elle ne se sent pas très bien d'un seul coup. Au moins, il y a de la lumière. Pas une grosse lumière, mais au moins elle est présente. C'est déjà un début.

Elle ferme les yeux un instant, essaie de se rappeler comment elle a atterri là : rien de lui vient en tête. Par contre, ce qui lui vient en tête se sont... des heures manquantes. Elle ne sait pas trop il est quelle heure, oh, elle a toujours sa montre : 17 : 01. Presque toute une journée est passée depuis son coucher. Elle ne pense pas que ce soit un très bon signe. Elle aime de moins en moins toute cette situation. Pourtant, elle aime tout. Sauf se retrouver dans une petite boite sans sortie. Enfin, de ce qu'elle peut voir. Elle s'avance, sur ses genoux, se rapproche des formes qu'elle peut voir.  Il y a aussi... à manger. Ça sent bon dans tous les cas, cela sent épicé, c'est sous des cloches. Deux cloches. Une bouteille de vin. Une rose. Des bonbons. Puis, un bruit se fait entendre : elle n'est pas seule. « Fais attention, c'est pas haut. » qu'elle avertit l'autre personne. Deux repas, une petite lumière, une bouteille de vin... la lumière dans sa tête se fait. « Oh... » qu'elle s'exclame. « J'pense que ça doit être notre anniversaire. » C'est pour ça qu'ils ont le droit à un traitement... spécial ? Spécial, c'est sur, car il n'est pas génial.

Quand tu es parti te coucher la veille, tu ne pensais pas dormir si bien ni si longtemps. Depuis que tu étais arrivé dans cet endroit étrange, tu dormais mal, tu importunais tes voisins par tes cris, et tu étais un véritable boulet pour tout le monde. Cette fois, tu savourais cette petite victoire d'avoir juste dormi sans avoir fait chier personne. Cela sentait bon dans ta chambre, chose étrange : il n'y a jamais de nourriture dans les logements... Et ta position aussi a quelque chose d'inhabituel.

Tu te réveilles en sursaut et en voulant te lever, tu te cognes la tête contre le plafond. Qui a eu l'idée stupide de faire des pièces aussi basses...? Tes muscles te font mal : tu as dormi assis. Encore une chose incongrue dans cette Ruche qui ne semble pas comprendre comment fonctionnent les humains. Pas tout à fait, du moins. En face de toi, une jeune femme. Elle te prévient, trop tard. Tu lui rends un regard désolé.

— Pourquoi serait-on à deux si c'était ton anniversaire ? Parce que c'est quand même rare les gens avec le même anniversaire. Ou alors, dans la Ruche, on a tous le même anniversaire ?

Tu réfléchis trop. D'ailleurs, tu essaies de te souvenir de ta date d'anniversaire, mais rien n'apparaît dans ton cerveau. La page reste blanche, immaculée. Tu ne sais toujours pas qui tu es.

— 211. C'est mon numéro et... euh, disons que j'ai pas grand-chose d'autre pour le moment. Toi ?

Tu ne vas toujours pas bien, tu sens que tu n'es pas au top de ta forme, mais ça va mieux, bien mieux qu'aux premiers jours. Tu peux aligner quelques mots pour faire des phrases et ton esprit est plus clair. Enfin, clair jusqu'à ce que tu vois la bouteille de vin. Tu bloques. Tu la regardes, elle te regarde, tu sens d'ici l'odeur de l'alcool. Pas beaucoup, mais assez. Tes sentiments ne sont pas partagés : ils sont déchirés, déchiquetés, trop occupés à se faire la guerre. Opposés et indistincts. Tu déglutis, et tu arrives enfin à regarder ailleurs.

— Je te laisse le vin.

Ton instinct de survie te le dicte. Et vu ta situation actuelle, tu sais que cet instinct, c'est ton meilleur pote.  

Le jeune homme ne semble pas être d'accord avec l'idée que vient d'avoir 013, il ne pense pas que ce soit leur anniversaire. À moins qu'ils aient tous la même date d'anniversaire. « Peut-être... » Elle n'a jamais pensé à cette option. Option qui est pourtant assez simple et moins tirée par les cheveux que les idées qu'elle a pu déjà avoir. Elle ne sait pas trop quelle est sa date d'anniversaire, alors cela pourrait très bien coller. « Enchantée... moi c'est 013. Et je sais surtout des choses que je ne suis pas, mais je sais pas trop qui je suis. » qu'elle répond. Ce n'est pas très clair. Elle s'en rend compte après avoir parlé. « J'ai éliminé beaucoup d'option. » qu'elle rajoute, quelque instant plus tard, afin de clarifier ce qu'elle a dit juste avant. Elle a vite découvert qu'elle n'est pas une très grande penseuse, elle est plus du genre à parler et à agir avant de penser. Il va assez vite le comprendre. Elle lui fait un sourire, continue de s'avancer jusqu'à arriver à la table avec ces mets inconnus aux délicieuses odeurs*.

Il parle du vin. « Okay... je sais même pas si j'aime ça. » dit-elle, sur un ton songeur. Elle va le découvrir, éventuellement. Elle regarde les diverses sucreries qui ne lui disent pas grand-chose. Elle n'a pas vraiment la dent sucrée. Elle regarde le vin, les roses, la chandelle et, ça fait pop dans sa tête. « Oh ! » fait-elle. « C'est la St-Valentin ! » elle vient de le découvrir, en reliant le tout. C'est une autre sorte de fête. « Est-ce que ça veut dire qu'on est... amoureux ? » qu'elle demande, en fronçant des sourcils, ne se souvenant pas de lui. « Je me souviens pas du tout de toi par contre... » Elle se rappelle l'avoir déjà croisée dans la Ruche, c'est inévitable, lui avoir dit « bonjour » quelques fois, mais sans plus.

Elle aime bien les nouveaux arrivants, ils amènent du changement dans ce monde beaucoup trop semblable d'une journée à un autre, mais ce n'est juste pas arrivé qu'elle puisse faire plus ample connaissance avec lui. C'est le bon moment, après tout... ils n'ont nulle part d'autre où aller. « Y'a une porte ou une trappe de ton côté ? » qu'elle lui demande. On ne sait jamais. Elle se met à chercher de son côté : rien.

Je pensais un genre de cari au tempeh végétalien si tu veux !

La compagnie n’est pas désagréable, mais tu aurais quand même préféré être seul. L’endroit n’est pas confortable malgré les efforts mis en place pour le rendre ‘romantique’: cela t’évoques une machine essayant de comprendre, sans succès, comment fonctionne un être humain. Peut-être que c’était le cas, car les seuls humains que tu avais pu croiser étaient aussi perdus que toi dans la Ruche.

Tu apprends que la femme qui est en face de toi répond au chiffre 13 et cela te colle immédiatement un sourire sur le visage. Un fin sourire, un peu désabusé, mais avec une pointe de sincère amusement.

— Est-ce que tu vas me porter chance, ou malheur ? C’est là la question…

Elle te dit qu’elle ne sait pas qui elle est, seulement qui elle n’est pas, et tu réalises que tu ne t’es pas tant posé la question que ça. Tu n’en as pas trop eu le loisir, alors que tu étais trop occupé à être malade. En voyant la bouteille de vin et surtout l’avertissement instinctif de ce qu’il te reste de mémoire et qui te prends aux tripes, tu commences à comprendre que les deux phénomènes étaient sûrement liés. Tu lui laisses la bouteille, en espérant qu’elle ne pose pas trop de questions.

— Il n’y a qu’un seul moyen de savoir si tu aimes ou pas…

Était-ce en suivant ce genre de règles que tu avais sombré ? Tu préfères ne pas le savoir, et tu balayes cette pensée rapidement. 13 t’y aides en ayant un éclair de génie : elle avait sûrement raison en parlant de St Valentin, mais ce que ça impliquait était bien trop intime pour te mettre à l’aise. Étiez-vous amoureux ? Grande question.

— Je ne me souviens pas non plus de toi.

Ta voix est basse, hésitante. Tu essaies de braver ta soudaine timidité pour la regarder un peu plus, pour essayer de glaner sur son visage des bribes de ton passé. En vain. Pire même, tu ne la trouves pas attirante. Elle est jolie, elle semble intéressante mais pas plus que ça. Quelque chose remue soudain dans le fond de ta pensée, et tu essaies maladroitement de ne pas y faire attention. Tu cherches à faire diversion, quitte à poser des questions gênantes, que tu vas poser quand elle te demande de vérifier s’il n’y a pas une trappe derrière toi. Tu tâtes, mais le mur est lisse, alors tu secoues doucement la tête. Rien non plus. Tu essaies de te remettre bien, autant que possible, et ton esprit revient sur les questions qui s’y bousculent :

— Est-ce que tu te souviens des gens que tu aimes, toi ? Moi c’est… flou. Et, je saurais pas trop comment l’expliquer mais… C’est désagréable.

Comme si ces souvenirs là venaient avec leur lot de souffrance et que ton esprit cherchait seulement à t’en protéger.

Comparativement à 211, 013 préfère être avec quelqu'un. Elle n'aime pas la solitude, elle a beaucoup de difficulté avec elle. Le temps qu'elle a passé seul, sans colocataire, lors du couvre-feu, elle l'a trouvé très long. Pourtant, il n'était question que de présence vu tout le noir qu'il y a dans le logement après le dit couvre-feu. Elle s'est tout de même sentie soulagée lorsqu'elle a pu, elle aussi, avoir un colocataire. Après les premiers instants de panique de ce dernier. « Ça se passe plutôt bien pour moi en ce moment, j'dirais que ça va te porter chance. » Après tout, ils ne sont pas dans une situation idéale, mais cela pourrait être pire. Ils n'ont pas à se battre pour les couvertures, la nourriture... c'est ennuyant, mais ce n'est pas dangereux. Enfin, pas trop... c'est assez calme depuis le tremblement de terre.

Elle s'approche un peu, lentement, pas très certaine que de bouger soit une bonne idée au final, ça paraît encore plus petit tout compte fait et elle aime de moins en moins. Elle regarde d'un peu plus près la bouteille de vin, essaie de deviner si elle aime ou pas. « Je sais... mais c'est bizarre... et j'devrais être habituée de tester pourtant. » Après tout, elle ne fait que ça, tester, depuis qu'elle est réveillée, comme eux tous. Elle n'ose pas ouvrir la bouteille, elle préfère essayer de savoir pourquoi ils sont tous les deux dans cet endroit (trop) petit. Il ne se souvient pas d'elle non plus. Ils se regardent l'un et l'autre et après quelques secondes, tu secoues la tête, tu ne le reconnais pas non plus. Pas même un vague souvenir ou un déjà-vu. Il est mignon, mais elle est sûrement trop jeune pour lui (et elle se dit qu'elle a sûrement un problème).

Elle ne pense pas à ce problème très longtemps, elle pense surtout à une sortie éventuelle quelque part... et il y en a pas du côté de 211. D'un seul coup, elle ne se sent pas très bien, elle sent devenir très rouge et très blanche en même temps, elle chaud, puis elle a froid. « J'me souviens pas et j'aime pas du tout. » répond-elle tout de même à sa question. Elle se sent vite, incomplète. Elle a fait de chouettes et de très chouettes rencontres depuis son arrivée, mais ce n'est pas exactement la même chose, bien qu'elle ne peut pas dire exactement pourquoi elle a cette impression.

« On va manquer d'oxygène ? » qu'elle demande, d'une toute petite voix. Pas de sortie, rien, ils sont coincés là, au secours. « Je pense que je suis claustrophobe... » qu'elle s'annonce et lui annonce. Ce qui n'est pas très surprenant : elle a toujours trouvé que la Ruche était trop petite, qu'elle manquait de place... là, dans cette sorte de boite (cercueil), c'est encore pire. « Les murs rapetissent ! » rajoute-t-elle, paniquée, alors que les murs sont toujours à la même place. Finalement, elle va peut-être lui porter malheur. Elle se recroqueville sur elle-même et pose sa tête sur ses genoux.

L'endroit est exigu et cela semble affecter ta compagnonne d'infortune. Plus que toi, qui est dans un état de stress et d'anxiété permanent depuis ton réveil dans la Ruche. Tu vas mieux, mais c'est toujours pas ouf. T'en es pas à sauter de joie et tant mieux, vu les dimensions de la pièce où tu es. Tu fais une blague sur son chiffre, c'est quand même un signe que tu n'es plus la bête blessée que tu as pu être il y a deux semaines de ça.

Elle te porte peut-être chance, oui, te dis-tu en souriant et ce malgré les souvenirs que tu essaies de faire remonter à la surface, en vain. En face de toi, elle semble faire la même chose, quoique sans goûter au vin qui aurait pourtant pu l'aider à se souvenir. Le goût et l'odorat sont des sens très puissants pour la mémoire, la preuve en est la sensation de picotement dans tes narines, allumant les feux d'alerte d'une partie de ton cerveau tout en attisant l'envie d'un autre de ses recoins, sombre et caché. Tu détournes le regard de la bouteille pour revenir sur 013, qui a l'air d'aller de plus en plus mal.

Tu comprends plus vite que tu ne peux te l'expliquer. Elle est claustrophobe, et tant qu'elle ne peut pas sortir de cet endroit, elle n'ira pas mieux. Il n'y a pas grand-chose à faire et tu le sais, sûr et certain. Tu prends immédiatement une expression sérieuse et calme, tu cherches à la regarder dans les yeux :

— Non, les murs ne bougent pas. Regarde-moi, respire avec moi.

Si elle commence à hyperventiler, tu ne sais pas ce que tu pourras faire pour elle. Impossible de sortir, impossible même de lui venir en aide sans tout faire tomber tellement la pièce est étroite.

— Ou alors ferme les yeux et imagine que tu es dehors... Ça va bien se passer. Je suis là. Dis-moi si tu veux que j'arrête de parler ou au contraire, je sais que parfois ça peut aider...

C'est comme si tu avais disparu derrière ce besoin, ce réflexe d'aider la personne en face de toi. Des automatismes si enfouis en toi qu'ils se sont tissés dans le moindre de tes gestes, qui rendent une chose évidente. Tu étais soignant. Médecin peut-être, mais pas forcément. Les traces que portent ton corps ne collent pas à l'image que tu as d'un docteur, mais comment nier toute cette connaissance qui jaillit d'elle-même, nette et propre, d'une certitude absolue ?

013 ne sait pas du tout ce qu'elle fait dans cette boite (qui rapetisse et qui rapetisse), mais elle déteste cela. Elle pensait ne pas trop aimer les journées qui se répètent et qui se ressemblent presque toutes, ne pas avoir beaucoup d'activités à faire, quelques règles qui semblent être un peu trop sévères (mais qu'elle compte respecter autant que possible, avec ce qui arrive quand on ne les respecte pas, ça ne lui donne pas envie de les défier), elle pensait ne pas aimer quelques trucs... elle les aime finalement.

Elle voudrait bien les retrouver tout de suite, le plus rapidement possible, rapido-presto, maintenant. N'importe quoi, n'importe quand, tout sauf se retrouver coincée dans cet endroit qui ne lui plaît pas du tout. La Ruche, avec tous ses défauts, lui manque beaucoup. Elle veut sortir de cet endroit. Elle le comprend assez rapidement et le partage aussi. Autant parce qu'elle ne peut pas se retenir que parce qu'elle se dit que peut-être on va la sortir de là si on voit qu'elle se sent mal à ce point. Ça ne semble pas fonctionner, elle est toujours là.

Au moins, elle n'est pas seule. 211 est là et il semble savoir quoi faire. Plus qu'elle dans tous les cas. Il essaie de la rassurer. Elle relève la tête un peu, la hoche, et essaie de respirer au même rythme que lui. Il continue de parler et elle fait son possible pour l'écouter. Elle n'a rien à perdre. « Continues de parler. » dit-elle d'une toute petite voix, la gorge serrée, les yeux fermés et elle pense à dehors. Le dehors qui est assez flou, elle voit que c'est lumineux et vert et bleu. Ça lui manque. Mauvais souvenir, mauvaises impressions. Elle sent les larmes qui montent, qui veulent se former. Elle ne veut pas qu'elles soient là. Pourtant, elle en sent une qui déborde et qui se met à descendre. Deux, trois, allez, arrêter ! Quatre, cinq, six... elle peut encore les contrôler. Sept, huit, neuf... c'est le déluge et la panique qui restent.

Elle se serre encore plus contre elle, la tête bien enfouie entre ses genoux et ses épaules tressautent légèrement, alors qu'elle balance de l'avant vers l'arrière. Elle ne fait que penser au manque d'oxygène, au manque de place, au manque d'espace, aux parois qui sont tellement proches... ça ne prendrait pas grand-chose pour qu'ils finissent écraser. Toutes ses pensées ne font qu'augmenter sa crise de larmes et de panique. Il faut qu'il parle, elle n'est pas très fan du silence. Les (trop) nombreuses nuits qu'elle a passé seule, sans colocataire, à simplement s'entendre, elle les a trouvées horribles. Sa respiration s'accélère, elle se sent de moins en moins bien.

Tu as entendu sa réponse au milieu de sa crise de panique qui prend de plus en plus de place. Sans réaliser tout de suite ce que tu fais, tu tends un bras et pose une main que tu veux rassurante sur son genou, et tu reprends ta tirade là où tu l'avais laissée.

— Imagine je sais pas, un espace ouvert...

Bravo le veau, tu vas aller loin comme ça. Tu n'avais pas de souvenirs à lui raconter, que des images qui te revenaient comme des stock shots de films de série B, les mêmes plans bateaux répétés ad nauseam, mais avec un peu de chance, ça allait peut-être l'aider. Alors tu repris avec une voix douce et lente :

— Une route, au milieu des collines. Il ne fait pas trop chaud, c'est juste agréable, il y a un peu de vent... Ce n'est pas tout à fait le désert, tu vois des maisons à quelques centaines de mètres, mais tu marches le long d'une route avec un ciel énorme et bleu au-dessus de toi, avec seulement ces nuages fins et légers qui font comme de la dentelle à l'horizon. Les collines sont vertes mais on sent que le désert n'est pas loin. C'est une frontière, en quelque sorte.

Alors que tu parles, tu réalises que ce stock shot qui te paraît étranger t'est bien trop précis pour en être un. Toi aussi tu vois cette route, ces collines, ce ciel. Tu marques une pause, essayant de pousser le souvenir, mais il ne fait que t'échapper à nouveau... Il ne servait à rien de forcer les choses, alors tu revins à 013 devant toi, qui attendait d'entendre la suite de ta description.

— La route serpente entre les collines, et tu vois les rares voitures qui parfois effraient les corbeaux sur le bord de la route.

Trop précis pour avoir été totalement inventé, à moins que tu ne sois un romancier ? Vu le corps que tu avais, le doute était permis. Tu soupiras :

— Ça va un peu mieux ? Je risque de tourner en rond si je continue, je crois bien.

Oui, parce qu'au-delà de ces images où quelque chose clochait encore, tu n'avais rien de ta vie à l'extérieur. Uniquement cette route, ces collines et ces corbeaux.

013 est dépassée par ce qui est en train de lui arriver. Elle aurait pu gérer sans problème le fait d'être enfermée dans une petite pièce comme ça, si elle n'avait pas été claustrophobe. Elle voit la Ruche comme une sorte d'aventures, et être enfermée ailleurs avec de la compagnie, de la nourriture et du vin aurait pu en être une à but inconnu (comme la Ruche en fait), mais... elle n'a pas prévu que la claustrophobie serait là. Elle ne s'en doutait pas. Elle pensait que tout le monde trouvait l'endroit oppressant. Peut-être qu'elle, ce l'était un peu plus que les autres.

Elle pose sa main sur celle qu'il vient de poser contre son genou et elle la serre, aussi fort qu'elle le peut. Quelque part en elle, elle se dit de ne pas le serrer trop, elle ne veut pas lui faire de mal, mais ailleurs, ça lui dit de serrer pour vérifier que 211 est bien là et qu'elle n'est pas seule. Il se met à parler, comme elle lui a demandé. Elle ferme les yeux, réussie à visualiser ce qu'il lui dit. Elle ne doit pas avoir exactement le même paysage que lui en tête, mais l'entendre parler lui fait du bien. Sa respiration se calme, ses larmes aussi, mais sa main reste à la même place, sans aucun changement de pression. Elle se laisse calmer par ce qu'il lui dit, visualise, essaie de ne pas penser à la boite. Elle se redresse, lui adresse un maigre sourire tout en hochant la tête. « Oui. » Elle lâche finalement sa main, et avec le tissu de sa chemise, elle s'essuie le visage.

Elle a encore peur, elle la la sent au fond d'elle, mais elle est maîtrisée, pour le moment. Elle se dit qu'elle va essayer le moins possible d'y penser. Ce qui va être assez difficile. Heureusement, elle a remarqué assez rapidement qu'elle est facilement distraite. Seule, cela aurait été difficile. Elle serait sûrement en train de paniquer par terre, ou de taper contre la vitre pour sortir... là, elle a quelqu'un avec elle. « Merci... je sais pas ce que j'aurais fait sans toi. » Elle ne le sait pas du tout.  « Et désolée... je savais pas que je réagirais comme ça. » Elle sait très bien que ça ne sert à rien de s'excuser pour quelque chose pour laquelle elle n'était pas au courant, sauf qu'elle pense que c'est la bonne chose à dire.

Elle tend la main pour regarder ce qu'il y a de caché, pour savoir ce qu'il y a comme repas. Sa main tremble toujours et elle la met sur elle, ne voulant pas faire de dégâts. Elle n'a pas si faim que cela de toute façon. Elle n'a jamais beaucoup mangé depuis qu'elle est réveillée, n'a jamais fini ses assiettes trop copieuses pour elle, alors, la faim ne la dérange pas tant que cela.  « Tu es réveillé depuis longtemps ? » demande-t-elle au jeune homme. Sujet basique, mais il faut bien commencer quelque part. Surtout quand elle est certaine d'avoir vu l'un des murs se rapprocher.

Ces paysages continuent de défiler dans ta tête alors que 013 serre ta main dans la sienne. Le contact te plaît, tu te sens toi aussi moins isolé, moins seul, et peut-être moins anesthésié aussi. Cela fait un peu mal, mais ce n'est pas grave : tu sens que 013 a besoin de toi, et ça te fait aller un peu mieux toi aussi. Tu n'es plus inutile, et si tu ne sais toujours pas qui tu es, tu sais que tu aimes aider les autres.

Elle va mieux, et elle te rend ta main. Tu lui souris, la laissant reprendre ses esprits. Elle s'excuse, elle te dit à quel point elle n'aurait pas pu s'en sortir sans toi, et tu sens ton sourire s'élargir un peu plus.

— Ne t'inquiète pas, c'est normal. Et ne t'excuses pas non plus, ce n'est pas ta faute.

Comme elle le dit, elle n'aurait pas pu savoir qu'elle réagirait ainsi. On ne choisit pas ses phobies, et vivre dans la Ruche devait être déjà bien assez éprouvant pour quelqu'un de claustrophobe. Sa main tremble encore et tu le vois alors tu retires le couvercle des assiettes pour elle. Tu n'as aucune idée de ce que ça peut être, un curry, peut-être ? En tout cas ça sent bon, et tu as hâte d'y goûter.

— Je me suis réveillé un peu avant toi je crois, mais sinon c'était en même temps... Tu crois qu'on peut manger ? C'est pas l'heure...

Les réflexes de la Ruche s'étaient vite ancrés en toi, pour que tu t'inquiètes ainsi de savoir si tu pouvais manger ou pas. Ça te désole d'être à ce point un si bon rat de laboratoire, mais tu avais encore un instinct de survie apparemment.

Tu te demandes comment vous allez sortir, mais tu n'oses pas formuler ta demande à voix haute, de peur de raviver la crise de 013. S'il n'y a aucune porte à cette pièce, c'était pas la peine de le souligner à nouveau.

— Tu crois qu'on nous observe ?

Les murs avaient l'air d'être vitrés...

013 se contente de hocher la tête à ce qu'il lui dit. Elle sait que ce n'est pas de sa faute, mais elle n'a pas pu s'empêcher de s'excuser malgré cela. Le remercier a été normal aussi. Elle serait peut-être en train de s'arracher les cheveux sans lui... elle serait dans un plus mauvais état qu'en ce moment, de cela, elle en est certaine.

Elle n'est pas certaine de sa faim non plus, mais il faut bien faire quelque chose et cela sent beaucoup trop bon pour qu'elle puisse ne pas voir ce que c'est au moins. Ou plus tard, sa main tremble trop et elle ne veut pas faire de dégâts. Il n'y a rien pour nettoyer et ils sont coincés ici pour elle ne sait trop combien de temps. Oh non, elle y repense. « Merci. » dit-elle, faiblement, à 211, lorsqu'il découvre son assiette. Une sorte de curry. Elle adore ce plat. Elle ne sait pas comment elle le sait, sauf qu'elle ne trouve pas cela très important de le savoir.

Donc, il ne sait pas non plus ce qui est arrivé, sur pourquoi ils sont ici et comment ils sont arrivée. En y repensant un peu, ce qu'elle fait toujours avec du retard, c'est exactement de le même façon qu'ils se sont tous réveillés sans mémoire : pas de souvenir, sans savoir ni comment ni pourquoi. Ils, peu importe qui ils sont, doivent être des experts. Ce qui fait un peu peur aussi.

« Je...sais pas. » C'est peut-être un test ? D'à quel point ils peuvent suivre les règles même quand ils ont très faim. « Ne pas suivre les règles... c'est déconseillé. » Elle frissonne, pense à ce que 023 a pu lui dire à ce sujet. Elle prend une gorgée d'eau, ça, il n'y a pas de limites d'heure pour pouvoir en prendre. « Ça risque d'être froid si on attend trop... » Ou c'est un test. Ou bien ils vont disparaître elle ne sait trop où avec, elle espère, plus d'espace qu'ici. Elle y revient encore ! Elle referme ses ongles, qui n'ont plus cette apparence manucurée des premiers jours, dans sa paume de main.

« J'espère pas... mais on est toujours surveillé, non ? » Sinon, comment ils pourraient savoir s'ils ne respectent pas le règlement ? Elle secoue la tête, prend une fourchette, la main toujours un peu tremblante, la plonge dans son plat, l'amène à sa bouche, ferme les yeux et elle mange. Elle les rouvre un instant plus tard, l'air satisfait. « Miam. » fait-elle. C'est vraiment bon. Épicé, mais pas trop, ça picote un peu, sans lui donner envie de pleurer. Juste parfait.

Tout comme le fait qu'elle soit toujours là, tout comme le jeune homme. « J'pense qu'on peut y aller. Bon appétit ! » et une deuxième plongée dans son repas se fait.

L'endroit ne te rassure pas, pas plus que l'assiette que tu as devant toi. Oh, ça a l'air bon, mais il n'est pas l'heure de manger, et comme toi, 013 hésite avant de prendre sa fourchette.

— Ce serait cruel de nous mettre devant de la nourriture sans qu'on ait le droit de manger...

Le fait que tu ne puisses pas manger quand tu le souhaites était déjà bien cruel selon toi. Cruel, ou simplement stupide. Le règlement semblait avoir des lacunes, des incohérences, comme s'il avait été écrit par une entité qui ne comprenait pas tout à fait comment fonctionnait un être humain... Et qui avait de sérieux problèmes de voyeurisme. 013 avait raison : vous étiez sûrement surveillés non-stop.

— Ouais. Je me demande bien pourquoi...

Tu la regardes tenter le diable avec le curry, et tu ne résistas pas à l'envie de prendre toi aussi ta fourchette. Ça avait l'air si bon en même temps, et ce serait dommage de laisser le plat refroidir. Elle mange, et rien ne se passe.

— Bon appétit oui !

Alors tu la suis, et tu manges avec plaisir. C'est très bon, ça te rappelle des impressions plus que des souvenirs, des moments que tu sais heureux et paisibles, sans pour autant pouvoir mettre des images ou des personnes dedans. Il n'y a que l'ombre du souvenir : ce dernier est encore trop lointain pour que tu puisses y accéder.

— Tu te souviens de ton plat préféré toi ?

C'était pour faire la conversation, mais aussi un peu parce que tu étais presque sûr que ce que tu mangeais là n'était pas loin d'être ton plat doudou, celui que tu manges quand ça n'allait pas. Il pique un peu, pas trop, juste assez. Tout est si bien dosé qu'il n'y a rien en moins ou en trop. Du coup, tu te demandes ce que tu aimes... Étrangement, ton cerveau n'arrive pas à se souvenir de tes goûts. C'est bizarre, mais après tout, l'endroit où tu étais l'était aussi.

013 hoche la tête, elle trouve aussi que cela cruel de ne pas pouvoir manger, surtout avec l'odeur qui est si appétissante. C'est vraiment fait exprès pour les faire flancher, car elle a rarement eu aussi faim depuis son arrivée dans la Ruche. « Étude sur le comportement humain devant l'ennui... » qu'elle suggère comme raison du pourquoi ils sont surveillés. Elle n'est pas plus mauvaise qu'une autre idée qu'elle a pu avoir.

Puis, elle se décide à tester, préférant sortir de cet endroit si cela se passe mal. Il n'y a aucun côté positif à ces choix, soit elle est torturée d'une manière ou d'une autre, soit elle reste là. Rien ne se passe. Juste ses papilles gustatives qui reçoivent plusieurs saveurs qu'elle trouve délicieuses. 211 se décide à faire de même, rien ne se passe pour lui non plus. Elle reste un moment à manger, lentement, à savourer chaque bouchées.

« Ça ressemble à ça... » lui répond-elle, prenant une nouvelle bouchée. Qui confirme, elle trouve le plat très bon, elle l'adore. Elle identifie du curry, du lait de coco, du gingembre... et il y a probablement plus d'ingrédients. « J'ai déjà eu droit à un pouding au chia, au matcha et à l'avocat... ça y ressemblait aussi. » À son plat préféré : un très bon petit déjeuner. Elle a souvent droit à des bons repas selon elle. Ce qui n'est pas le cas de tous qui rechignent devant les fruits et les légumes. Les aimer doit bien aider. Elle devait avoir une alimentation assez saine avant tout cela.

Il n'y a que les quantités qui sont beaucoup trop grosses pour elle à chaque repas. Juste à voir son assiette devant elle, elle sait qu'elle ne va pas la terminer, peu importe à quel point c'est bon ou pas. Elle n'aime pas gaspiller, mais elle préfère ne pas forcer. Ce ne doit pas être conseillé. Les diverses friandises sur la table ne l'attirent pas vraiment non plus.

Elle change son assiette de place, la pousse, se déplace pour se retrouver face à elle, puis elle passe ses jambes sous la table. « C'est pas très confortable... » Ce n'est pas vraiment mieux dans cette position au final. Elle regarde derrière elle, essaie de ne pas trop regarder les murs, ne voit rien pour pouvoir rendre le tout plus agréable.

L'objectif de la Ruche t'étais obscur, et c'était le cas pour les autres aussi : en tout cas 013 avait l'air de ne pas en savoir plus que toi, puisqu'elle évoqua une étude sur l'ennui. C'est vrai qu'il n'y avait pas grand-chose à faire mis à part tourner en rond, et ce même si tu étais assez occupé avec tes problèmes de sevrage. Tu ne t'étais toujours pas vraiment remis, d'ailleurs.

— Ah bah c'est pourtant pas dur de savoir ce que font les humains quand ils s'ennuient : ils mangent, dorment, se battent et baisent. Dans le désordre.

Tu soupires, et soudain tu t'arrêtes, te rendant compte que tu avais peut-être été un peu trop vulgaire avec cette charmante demoiselle, qui sera peut-être choquée. Tu commences donc à manger en espérant faire diversion, et la discussion part l'espace d'un instant sur la nourriture. Tu ne sais pas ce qu'est ton plat préféré, mais c'était sûrement pas loin de ce que tu étais en train de manger.

— Ouais, pareil... Je me souviens que j'aimais bien les champignons aussi. J'aurais bien aimé qu'il y en ait.

Restait à savoir quel type de champignons, vu l'état dans lequel tu t'étais réveillé. Tu ne dis rien, ne voulant pas effrayer 013 alors que tu avais réussi à la distraire de sa claustrophobie. D'ailleurs, tu te demandais quand est-ce que vous alliez pouvoir sortir de ce cube...

Tu avais fini de manger. Les quantités étaient parfaites pour toi, ce qui ne semblait pas être le cas de 013 qui laissait derrière elle une assiette à moitié vidée. L'endroit était rustre, et il était clair que ce n'était pas du tout confortable. Pourquoi il n'y avait pas eu de canapés ou de fauteuils comme il pouvait y en avoir dans la Ruche ? C'était quoi le projet ?

— Je me proposerais bien en coussin, mais je doute d'être beaucoup plus confortable.

Tu souris : sans être totalement gringalet, tu ne sembles pas avoir de kilos en trop, et les seuls que tu avais, c'était du muscle. Pas franchement visibles, mais présents. Le reste ? De la peau et des os. Rien de confortable, non.

013 se met à rire avec ce que répond 211 à propos de l'ennui. « Ils ont pas compris le battre avec le règlement... » Puisque c'est interdit. Ce qui est tant mieux selon elle, elle ne voit pas trop l'attrait de la violence. Ou une raison du pourquoi elle devrait se battre. Il est vrai qu'elle ne se rappelle pas avoir été en colère depuis son réveil dans cette Ruche. Embêtée, triste, impatiente, mais pas en colère ou furieuse. Elle ne devait pas être du genre à s'emporter. Ou il lui en faut beaucoup et elle n'a pas eu assez pour le faire. Ou les sujets n'ont pas été les bons. Elle ne sait pas trop si elle veut le découvrir. La colère ne semble pas faire partie d'elle, elle n'a pas vraiment envie de le tester. Ça, et se battre.

Tu opines de la tête. Des champignons auraient été bien. M'enfin, ils peuvent manger même si ce n'est pas l'heure des repas. Il ne faut pas trop se montrer difficile selon elle. Elle se contente donc de manger, lentement, de savourer chaque bouchées, de continuer d'essayer de déterminer quelles sont les épices et les autres ingrédients qu'il y a dans ce plat. Plat qu'elle ne termine pas, cette boite n'a pas fait apparaître son appétit. Elle a le même et donc, elle ne peut pas tout manger. Elle se sent toujours coupable de laisser autant de nourriture, sauf qu'elle n'aime pas avoir cette sensation qu'elle va exploser. Elle prend mets ses ustensiles dans son assiette, sans y penser, prend une gorgée d'eau.

Elle bouge ensuite, essaie de trouver une position plus confortable. Ça ne fonctionne pas vraiment. « Ça va être encore moins confortable pour toi... mais merci. » Elle lui fait un sourire. Elle ramène ses jambes, se met en position accroupie pour changer un peu le mal de place. Le silence se fait, ce qui la ramène à penser qu'elle est enfermée et à vouloir se mettre à paniquer un peu. « Ça fait longtemps que tu es dans la Ruche ? Moi... une quarantaine de jours j'pense. J'essaie de tenir le compte, mais j'oublie parfois de faire un trait. » Elle n'a pas pris un cahier pour cela, juste une feuille pour faire des dessins. Elle sait que d'autres prennent des notes ou tiennent un journal, sauf qu'elle n'est pas très portée sur l'écriture.

La jeune femme rit et tu te dis que tu n'as peut-être pas fait une si grosse bourde que ça en t'exprimant de façon un peu plus vulgaire. Elle n'a pas l'air de t'en vouloir ou d'être choquée, et c'est le principal. Et puis, elle a raison : le règlement interdit de se battre... Mais ça ne veut pas dire que ce n'est pas ce qu'il va se passer.

— Les humains et les règlements, aussi... Il y a certainement déjà eu beaucoup d'infractions, non ?

Tu n'en sais rien, tu n'es pas là depuis longtemps et tes souvenirs de la Ruche sont très confus. Tu sais pertinemment que tu n'en as pas fini avec ton sevrage, et que tu ne sauras jamais vraiment sûr de combien de temps tu as passé ici, tant tes premiers jours ont été chaotiques.

Tu continues à manger jusqu'à finir ton assiette, bien que tu n'aies plus faim depuis un moment. Tu as de la place dans l'estomac et tu es gourmand, sûrement, alors tu finis. Ce serait dommage de gâcher de toute façon.

Quant à la position inconfortable que vous avez, vous allez devoir la tenir jusqu'à ce qu'on vous sorte de là, apparemment. Tu te remets bien, tout en t'excusant d'être un bien piètre coussin. Elle sourit tout en te remerciant. Au moins tu es coincé ici avec quelqu'un de gentil... Ça aurait pu être bien pire.

Elle te demande depuis quand tu es dans la Ruche... Tu as beau réfléchir, tu es bien en peine de décider un chiffre particulier. Tout est très flou.

— Je... je sais pas. Je tiens pas encore le compte, je devrais, c'est une bonne idée. Mes premiers jours étaient plutôt compliqués alors, j'ai pas pensé à tenir le compte.

Quarante jours... Combien de temps alliez-vous rester dans cette prison immaculée ? Pourquoi y étiez-vous, déjà ? Et comment en sortir...? Trop de questions sans réponse que tu finissais par silencier, pour ne pas devenir fou.

013 hoche lentement la tête, il y a déjà eu des infractions, pas beaucoup, mais il y en a eues.« Hm... deux ou trois je pense... mais une seule dont je suis certaine. » dit-elle, doucement, parce qu'elle n'aime pas vraiment penser à la seule dont elle est certaine. « C'est arrivée à 023... elle a échangé son cabaret et elle a disparu avec Aleksa et une autre, je sais plus qui... elle m'a dit qu'elle avait passé du temps dans une bulle entourée d'eau. Elle avait beaucoup maigrit... je l'ai vu un peu après son retour et elle était fatiguée, épuisée. » explique-t-elle, ayant envie de pleurer juste à y penser. Elle ne l'a pas fait sur le coup, trop contente de revoir 023 et trop choquée de la revoir dans cet état.

« Faut vraiment suivre les règles... et faut pas faire confiance à Aleksa. » qu'elle rajoute. C'est un détail important à savoir, autant pour lui que pour tous les autres. « J'voulais faire une bataille de nourriture pour s'amuser... ça m'a enlevé le goût. » dit-elle, pensive. Et lui a coupé toute envie d'essayer de jouer avec le règlement. Elle le suit autant que possible, même si elle a pris un gros risque en mangeant sans que ce soit l'heure.

Elle commence à avoir mal au ventre, pas à cause de la conversation (elle n'est pas agréable, mais importante et peut la supporter, ce n'est plus aussi récent comme événement), mais parce qu'elle a pris ces bouchées en trop parce que c'était bon. Cela va passer, surtout qu'elle ne sait pas combien de temps ils vont rester là, enfermés. Elle ferme les yeux, essaie de visualiser le paysage pour la calmer et éviter toute autre crise.

« Oh... ça va mieux maintenant ? » demande-t-elle. Il donne l'impression que oui, mais c'est pas le cas. « Tu m'as aidé, je peux essayer de t'aider... » propose-t-elle. Tout va dépendre de s'il a besoin d'aide ou non en réalité. Elle joue quelque instant avec l'élastique autour de son poignet, a encore oublié d'attacher ses cheveux pour manger. « Tu as quelqu'un avec toi dans le logement ? Peut-être qu'il pourrait t'aider avec le calcul s'il était là avant toi. » propose-t-elle. À moins qu'il n'en aille pas. C'est possible. Cela a pris du temps avant qu'elle n'en aille un... et elle le voit à peine finalement.

013 ne peut pas te répondre avec précision, mais elle te cite quand même une fois où Aleksa est venue chercher quelqu'un parce qu'elle avait partagé son plateau avec quelqu'un d'autre. Tu trouves cette règle stupide, mais d'un autre côté, tu es en train de te demander si tu as des allergies alimentaires et le fait est que tu n'en sais foutre rien. Peut-être que c'est une règle pour vous protéger, comme celle interdisant les agressions physiques.

La sanction semblait avoir été terrible, et tu as bien du mal à voir l'intérêt d'une telle répression... À ce niveau-là, c'était de la torture pure et simple, du sadisme aveugle... Si tant est que le système chargé de vous punir est capable d'émotions tout court. Ce qui n'était pas dit, d'ailleurs.

Tu ne dis rien, tu sens 013 au bord des larmes rien qu'à évoquer cette scène. La jeune femme te semble à la fois si fragile et forte à la fois, tu as envie de la connaître un peu mieux... Même si tu n'as aucune idée de comment faire ça.

— D'accord, je note.

Ne pas enfreindre les règles était donc essentiel, parce que les châtiments qui vous attendaient ensuite étaient vraiment extrême. Tu te tiendrais à carreaux. Cette annonce avait jeté un tel froid que tu n'osais même pas faire la remarque qu'une bataille de bouffe t'aurais paru... déplacé. T'aimais pas trop qu'on joue avec la nourriture, sans pour autant être du genre à forcer les gens à finir leur assiette. La preuve en est que les restes de l'assiette de 013 te gênait à peine. L'idée qu'elle joue avec, par contre, ça non.

Tu dis rien, tu laisses la conversation dériver. Vous parlez du temps passé dans la Ruche, et tu dois bien avouer que tu n'as aucun compte précis. 013 est inquiète, mais tu hoches vivement la tête.

— Oui, ça va mieux maintenant, t'en fais pas.

Son idée n'est pas stupide, cela dit. Tu avais une colocataire que tu croisais souvent, qui t'avais beaucoup aidé et ton voisin aussi, avec qui tu discutais parfois. Ils avaient sûrement l'esprit plus clair sur tes premiers jours et pourraient t'aider à préciser le nombre de tes jours ici.

— J'ai une colocataire oui, 22. Elle m'a déjà beaucoup aidé et je pense qu'elle le ferait encore si je le lui demandais.

En vérité, tu n'y avais pas pensé parce que tenir le compte précis des jours t'intéressait moyennement. Tu le faisais, pour ne pas trop perdre la notion du temps, mais tu voyais difficilement en quoi ça pourrait t'aider.

013 est très contente d'être tombée sur 211. Elle ne sait pas ce qui va arriver prochainement, il faut qu'ils sortent de là (il le faut !), mais une fois sorti, elle va le revoir (par choix et non par parce que c'est obligé). Autant pour le re(re)mercier de ce qu'il a fait lors de sa découverte de sa claustrophobie que parce qu'il semble être assez sympa, alors pourquoi pas ? Elle a toujours aimé rencontrer de nouvelle personne, les connaître aussi. L'endroit n'est pas parfait pour cela, mais au moins elle n'est pas seule et il semble être ouvert à la communication.

« Tant mieux. » dit-elle, souriant au jeune homme. Ils parlent ensuite du nombre de jours depuis qu'ils sont là, il ne s'en souvient pas très bien. Elle secoue la tête, elle ne reconnaît pas 22 comme matricule, mais elle doit savoir qui c'est visuellement parlant. Cette 22 n'a aucune raison de ne pas l'aider  « Tu as eu le temps de lire ? Ça m'a aidé pour savoir ce que j'aimais ou pas. J'ai essayé le dessin aussi, mais je suis pas douée. Je pense que l'option la plus valable, pour le moment, c'est agente de bord... mais pas complètement. » Elle hausse les épaules, elle va bien finir par trouver !

Elle bouge une nouvelle fois, s'installe les jambes croisées sur le sol, elle recherche en vain une position confortable, mais ça semble être de moins en moins possible. Si au moins ils pouvaient se lever (Ne. Pas. Y. Penser. Trop.), cela aiderait un peu. Elle n'aime pas être aussi peu capable de bouger. Puis, sans trop savoir pourquoi, ça commence à tourner autour d'elle. Elle serre ses paupières, ça tourne toujours un instant plus tard. Elle secoue la tête pour essayer de faire passer, mais ça n'aide pas, cela empire en réalité.

« J'ai la tête qui tourne... » dit-elle. Elle ferme les yeux, ça ne passe pas. C'est la première fois qu'elle se sent comme ça, sauf depuis son premier réveil où tout le monde ne se sent juste pas bien. Elle a aussi une autre drôle d'impression, elle n'arrive pas à mettre les doigts dessus sur ce que c'est. Elle décide de se coucher, même si c'est pas confortable, voir si ça ne peut pas faire une différence. Les yeux toujours fermés, elle le fait. Ce qui empire son état, sans trop savoir si c'est parce que c'est pire couché ou parce qu'elle a bougé.

Tu te disais qu'en sortant de là tu irais voir 22, mais rien ne te disait que t'allais un jour sorti de ce cube. Tu préférais ne pas y penser, mais ça restait une possibilité. Ça ne servait à rien de t'acharner sur des choses sur lesquelles t'avais pas prise, alors tu mangeais jusqu'à finir ton assiette, et tu regardais 013. Elle était mignonne, et pas que physiquement. Il y avait une sincère gentillesse qui émanait d'elle et qui t'apaisait. Ou alors c'était peut-être parce que tu avais vu des grands espaces qui te manquaient étrangement quand tu avais essayé de la calmer ? Ou tout simplement, c'était le seul autre être humain bloqué ici avec toi. Dans ta situation, personne ne fait le difficile.

Elle te demande si t'as eu le temps de lire, mais tu secoues la tête... qui tourne. Peut-être que t'es fatigué, ou peut-être que c'était autre chose, mais tu ignores ce détail et tu lui réponds de façon évasive :

— Agente de bord ? Ouais nan j'ai pas eu le temps. Pas le loisir... J'ai été malade.

Il valait mieux pour toi que tu t'attardes pas en détail si tu voulais pas qu'elle se barre en courant, et ce même si elle n'avait littéralement nulle part où aller. T'avais pas envie de lui faire peur dans un endroit clos alors qu'elle était claustrophobe. Il ne manquerait plus qu'elle fasse une seconde crise d'angoisse, tiens.

Elle aussi a la tête qui tourne, et tu commences à te demander si y avait pas quelque chose dans l'air, ou dans la bouffe. T'essaies de lutter, mais puisque tu sais pas contre quoi tu te bats, c'est plus compliqué tout de suite. Et puis tu décides que l'idée de 013 n'était pas si mal, et tu t'allonges aussi. À d'elle, en t'arrangeant pour que vous ayiez la tête du même côté. T'es pas loin, mais vous vous touchez pas : t'oserais pas. Vous vous connaissez même pas, déjà...

— Tu crois que si on dort, on va se réveiller dans notre chambre ?

Tu dis ça en espérant vraiment que ce soit le cas, parce que tu vois pas comment vous pourriez vous en sortir autrement. Et maintenant que tu es allongé sur le dos, tu vois le plafond, et t'as pas plus de réponses.

— Ça va mieux ta tête ?

013 ne sait pas trop si ce qu'elle dit est intéressant ou pas, elle y pense rarement. Là, elle y pense encore moins. Elle essaie de s'occuper de n'importe quelle façon et parler, discuter, semble être la seule méthode disponible ici*. Elle opine de la tête. « Mais comme un plan b... mais j'ai aucune idée du plan a. » Ce qui n'est pas très pratique. Qui démontre un intérêt pour les voyages, le service et les langues. Ça ne t'aide pas vraiment, c'est très large comme intérêts.

« Tu viens de le dire... » Elle tape légèrement sa tête. « J'pensais pas que tu l'avais été aussi longtemps. » Elle ne peut pas connaître son état juste comme ça en le regardant. Elle n'est pas Aleksa. Elle lui fait un sourire d'excuse. Elle aurait bien quelques questions à lui poser, mais il se contente de répondre la même chose. Il ne doit pas avoir envie d'en parler, elle ne va donc pas le déranger avec ça. Surtout qu'ils ne se connaissent pas depuis très longtemps.

Et ensuite, elle a quelque chose qui change complètement son esprit, qui l'accapare complètement... elle n'en est pas très contente par contre. Elle aurait préféré continuer de parler sans but. La tête lui tourne, elle ne sent pas très bien, elle se sent bizarre : ça ne va pas. 211 s'allonge lui aussi. « Tu vas pas bien ? » qu'elle demande, tournant lentement sa tête en sa direction. « Il aurait pas fallu manger j'imagine... on est puni pareil. » fait-elle, d'une petite voix. « Désolée. » Elle ne va plus jamais, mais plus jamais, ne pas respecter les règlements.

« J'espère... par magie... » Par technologie serait le vrai terme, mais ça sonne moins bien. Elle ne peut pas dire comment tout cela fonctionne, et elle ne va pas commencer tout de suite, en ce moment, alors que sa tête est encore plus occupée que d'habitude. Occupée à tourner, cela ne lui donne pas du tout envie de penser, de tenter de réfléchir à tout ce qui arrive. Elle subit en ce moment et cela est assez pour elle.

« Un peu... mais je dois pas trop la bouger... toi ? » répond-elle. Pas une grande différence, mais c'est mieux que rien. Elle reste un moment sans parler. « Ton offre de coussin tiens toujours ? » demande-t-elle. Elle ne sait pas trop si ça va faire une différence, elle ne se sent pas bien et veut juste être contre quelqu'un. « Juste ma tête. » précise-t-elle. Afin qu'il ne se sent pas obligé de se rasseoir, pour se remettre dans la position dans laquelle il était lorsqu'il lui a offert cela, un peu plus tôt, lorsque la boite ne s'était pas transformée en carrousel. Et il n'est pas non plus obligé d'accepter puisque c'est de sa faute s'ils sont tous les deux dans cet état. « T'es pas obligé. » rajoute-t-elle.

*(a)

Tu te sens inutile, parce que tu sais pas comment aider 013 à explorer ses souvenirs. Elle est pas comme toi, avec un CV inscrit à même le corps : le reste doit être sûrement des plus flous. Après une pause, tu lui demandes quand même, pour pas rester sans rien dire comme un con :

— Mais qu'est-ce qui t'as amené à penser que t'étais agente de bord exactement ? C'est quand même vachement spécifique.

Tu te fais pensif, et puis ça repart un peu sur ton cas à toi. Apparemment, tu te répètes, et tu peux pas t'empêcher de rougir de honte parce que t'as l'impression de lui faire perdre son temps. Et ouais, ça avait duré longtemps, et tu savais pourquoi, et ça ne faisait qu'augmenter la honte terrible que tu ressentais. Qui que tu aies pu être en dehors de la Ruche, tu ne voulais pas le redevenir.

— Ouais, c'était... compliqué.

Pas la peine d'entrer dans les détails tant qu'elle en demandait pas. Déjà que c'était facile de voir les tatouages sur tes bras, avec le lot de cicatrices dégueu qu'ils avaient, t'avais pas en plus envie de lui préciser que t'étais un junkie.

Cette expérience d'ailleurs te dit qu'il y avait forcément un truc pas net dans ton organisme. 013 aussi, parce qu'elle avait la tête qui tournait, tout comme toi. Merde, elle le disait mais ouais, vous aviez peut-être été punis tous les deux.

— Merde... T'excuse pas. Tu pouvais pas savoir, c'est pas ta faute.

C'était vrai : 013 avait été aussi honnête qu'elle avait pu l'être, et elle se retrouvait dans le même pétrin que toi. Alors il ne vous reste plus que l'espoir de vous endormir pour vous réveiller ailleurs. Tu trouves même pas ça incongru en fait.

— C'est pas comme si c'était pas déjà arrivé... Je veux dire, comment on a atterri ici ?

Tu lui demandes aussi comment elle se sent, parce que tu voudrais pas qu'elle reparte en crise d'angoisse ou qu'elle ait besoin d'eau fraiche dans un endroit pareil. Apparemment ça va pas trop mal... Comme toi en fait.

— Pareil.

Tiens, elle veut bien de toi en coussin, malgré tes os encombrants et ton absence manifeste de graisse moelleuse et confortable. Ça te fait sourire, rire même un peu, et tu laisses tomber tes bras en lui disant :

— Bien sûr ! J'espère juste que tu vas pas te couper sur mes côtes.

Parce qu'avec ton arrivée, t'avais quand même l'impression d'avoir perdu du poids... Déjà que tu devais pas peser lourd dehors.

013 ne pense pas du tout que 211 est nul. C'est complètement le contraire. Il l'a aidé à se calmer et ne lui dit pas de se taire. Elle ne peut que le trouver génial. Elle ne s'attend pas non plus à ce qu'il soit capable de l'aider à savoir qui elle était. Elle est loin de penser qu'il se sent inutile. « J'ai découvert que je lisais l'espagnol, et un peu le français aussi, et c'est le métier qui m'est venue en tête tout de suite... je l'ai dit à 023, à notre première rencontre, et elle a pensé que c'était une bonne idée, elle a parlé de ma démarche assurée et que l'uniforme m'irait bien... et au début, j'avais les ongles manucurés, ça enlève des métiers manuels j'imagine. Et ça colle plus que d'autres métiers dans lesquels j'me suis imaginée. » Elle a dit tout cela de façon relativement assez rapide, énergique, ses mains bougeant, elle a même montré ses ongles à 211 même s'ils sont aussi normaux que peuvent l'être des ongles dans cet endroit quand on s'en occupe un peu avec les moyens du bord.

Elle hoche ensuite doucement la tête. C'était compliqué. Probablement. Elle ne sait pas trop ce qu'il avait, mais ici il n'y a pas de médicaments pour que aider à ce que tout aille mieux. S'il s'en est sorti aujourd'hui, c'est le plus important. Enfin, jusqu'à ce que cette boite s'en mêle et la nourriture droguée. « Je sais... » Elle hausse les épaules. « Mais j'devais bien dire quelque chose... » Elle ne voit pas trop ce qu'elle aurait pu dire d'autre. Au final, elle n'aurait pas plus su ce que cela aurait amené. « Une question à demander si on les rencontre... » Elle ne sait pas qui, ni quand, ni comment, ni si c'est possible. Juste une question de plus dans les tonnes de questions que tout le monde doit déjà vouloir leur poser.

Il se sent un peu mieux couché. Elle ne pense pas que ce soit la meilleure des options, mais dans cet endroit, il n'y a pas grand-chose de plus à faire. Enfin, elle trouve quelque chose, mais elle ne pense pas que ça puisse jouer sur comment elle se sent physiquement parlant. Il s'agit plutôt d'un réconfort moral. Il commence par rire, accepte et prévient que le confort ne va pas être optimal. « J'suis habituée avec les miennes, ça devrait aller. » Parce qu'elle n'a pas beaucoup de graisse non plus. Elle trouve qu'elle est plutôt une planche à ce niveau, assez égale de partout. Elle s'approche donc, lentement, pose sa tête proche de son épaule. Cela tourne un peu plus car elle a bougé, mais sinon elle retrouve vite l'état dans lequel elle était un peu plus tout : ça tourne de façon normale. Ce qui n'est pas normal à dire.

« Merci. » lui dit-elle. Elle continue de fermer les yeux pour arrêter de voir le plafond qui ne fait que descendre. « T'as pas une autre sensation ? J'ai l'impression de flotter aussi un peu. » Elle ressent cela aussi, elle a pris du temps pour trouver c'était quoi. « C'est peut-être le manque d'oxygène... » On ne sait jamais. Ça fonctionne comment l'aération dans cet endroit ?  Il n'y a pas de trace visible nulle part de trou. Il fait assez noir, mais de ce que leur petite bougie électrique éclaire, rien ne l'est.

013 essaie de savoir ce qu'elle faisait avant d'arriver dans la Ruche, et tu la laisses parler. Ce serait une énigme intéressante si seulement elle ne les concernait pas directement. Et si seulement t'avais déjà pas eu à faire les frais de ce que ton ancien toi, qui t'es inconnu, avait fait. Mais l'idée de réfléchir à ça, de recouper les indices est plaisante.

— J'aurais pas pensé à agente de bord en premier, peut-être mannequin ? Ou même actrice, on n'en sait rien.

Toi, t'es plutôt sûr de ce que tu faisais avant : rien de bon. T'hésites à en parler, mais tu te sens bien avec 013, plutôt en confiance... tu te demandes si c'est une bonne chose, si ça va pas la faire fuir, mais l'idée trotte dans ta tête. Parler de tes cicatrices, de ce que te disaient tes connaissances médicales... Tout ça te fait peur pour le moment, alors tu gardes la bouche fermée.

Vous pensez à toutes les questions à poser aux gens... entités ? qui vous torturaient ainsi. Tu hoches la tête, perdu dans tes pensées. Tu leur demanderais bien pourquoi effacer la mémoire, et surtout pourquoi toi. Tu pouvais servir de médic alors t'étais pas totalement inutile, mais il y avait sûrement meilleur que toi. T'es pas sûr du genre de médecin que t'avais pu être, après tout.

Beaucoup trop de questions, et trop peu de réponses : tu laisses tout ça de côté, et tu acceptes que 013 vienne appuyer sa tête contre toi.

— Ouais, comme si j'étais sur de l'eau.

Tu ris doucement quand elle parle de manque d'oxygène, il ne manquerait plus que ça tiens. Ça devrait te paniquer, mais tu souris bêtement, et tu lui dis presque dans le même élan :

— Tu penses que t'étais quelqu'un de bien ? Parce que je suis quasiment sûr que je l'étais pas.

Et ça te bouffe. Ça te ronge de pas savoir comment t'aurais pu aussi mal tourner, alors que t'es pas spécialement méchant...? Enfin, tu penses que tu l'es pas. Finalement, t'as zéro preuves.

211 la laisse parler sans l'interrompre ou sans lui dire d'arrêter. Il a peut-être pas écouté complètement non plus, cela aurait pu arriver. Ce qui ne l'empêche pas de commenter et elle de continuer de parler. « J'y ai pensé aussi... je passe trop de temps devant le miroir à me regarder ça doit pas être sain... mais je sais pas... ça clique pas autant qu'agente de bord. C'est peut-être parce que tu m'as pas vu marcher ! » Et elle se met à rire. Dans cet endroit, c'est plutôt compliqué (ne pas y penser).

Ensuite, tout le devient. Même regarde devant elle. Ils sont par terre, elle a posé sa tête contre l'épaule du jeune homme, elle n'a pas l'impression que ça a changé son état, mais elle est contente de le sentir proche comme ça. Et de savoir qu'il a l'impression de flotter aussi. Ça n'aide pas plus non plus, mais au moins elle ne s'imagine pas une nouvelle réaction.

Il se met ensuite à rire lorsqu'elle parle qu'ils manquent peut-être d'oxygène. Il ne prend pas cela au sérieux, elle s'inquiète probablement un peu trop. Elle est assez douée pour cela, ce qui est assez étrange avec le côté insouciant qu'elle a. Il parle ensuite de quelque chose qui ne lui a jamais traversé la tête. Elle prend quelques secondes pour y penser un peu. « J'pense que oui... j'me force pas à être comme je suis. » Elle n'a pas l'impression de jouer un rôle pour aider, faire plaisir aux autres. C'est naturel.

« Je pense pas...  si t'étais pas quelqu'un de bien tu m'aurais pas aidé à me calmer au début. Ou tu aurais dit de me taire ensuite. Ou tu te poserais pas la question en ce moment. C'est pas parce que tu as fait quelques erreurs avant que t'es quelqu'un de pas bien. Des erreurs ça arrivent à tout le monde... ou t'as juste eu une mauvaise période avant. » Elle ne sait pas si elle raison ou si elle a tort, mais c'est ce qu'elle pense. Elle ne sait pas quoi vraiment dire d'autre.

« Peut-être que la Ruche c'est une sorte étrange de deuxième chance. » Elle n'y avait jamais pensé avant. Ça vient de lui traverser l'esprit. Elle ne sait pas trop pourquoi elle aurait besoin d'une deuxième chance, mais elle est loin de se connaître encore. Pourquoi 211 pose cette question ? Peut-être parce qu'il se connait un peu plus. Elle sait que les souvenirs ne reviennent pas à la même vitesse pour tout le monde. Il a peut-être eu plus de déclencheurs qu'elle.