C'est la fête (211) ; Terminé

Tu fais des hypothèses, parce que t'as aucune idée de ce que pourrait être la réalité. De ce qu'elle avait pu être, parce que manifestement c'était à jamais perdu. Jamais vous n'allez redevenir les gens que vous étiez avant la Ruche. Mais y songer ne semblait pas déprimer 013 et elle cherchait un peu plus...

— Oh mais j'aimerais bien te voir marcher ! N'empêche que des femmes manucurées, jolies, qui passent leur temps devant le miroir et qui marchent toute la journée, ça ressemble quand même beaucoup à des mannequins.

Tu ris de bon cœur, avant de te rétracter.

— Quoique... Tu souris beaucoup trop pour un mannequin.

C'est vrai, ces femmes-là on leur apprenait à faire la tronche, comme si ça allait changer quelque chose aux vêtements qu'elles présentaient. Tu te rends compte que tu n'aimes pas trop ce genre de femmes - pas que tu aies quelque chose contre elles, mais tu n'aimes pas ce que le système leur fait. Tu n'aimes pas voir quelqu'un se torturer pour son apparence... Et tu as l'impression que t'en as pourtant croisé beaucoup dans ta vie.

Ta vie... T'es persuadé d'être une mauvaise personne. Comment pourrait-il en être autrement, avec toutes les marques que tu avais sur toi ? 013 a beau te dire que la Ruche peut être vue comme une seconde chance, tu y crois moyen, parce que le passé avait toujours une façon tordue de vous revenir dans la face.

— J'essaie d'être quelqu'un de décent, mais ça n'efface pas ce que j'ai pu faire...

Tu as envie d'en parler, mais est-ce que c'est une bonne idée ? Tu sais pas. Tu commences déjà par ce qu'elle a déjà pu voir, les tatouages sur ton poignet et ton avant-bras.

— J'ai des tatouages partout. Ils ont l'air d'avoir un thème, et j'arrive pas à me défaire de l'idée que c'est pas juste pour décorer...

Mais qu'est-ce que tu vas faire ? Tu peux pas savoir et t'as pas envie de te souvenir. Pas pour le moment.

013 ne se laisse pas décourager. Si ce n'est pas agente de bord, c'est autre chose. C'est tout. Au moins, cela lui donne une petite piste (vers elle ne sait trop quelle direction) de trouver que hôtesse de l'air colle un peu plus, plus que mannequin ou actrice. Elle lui sourit lorsqu'il dit qu'elle est jolie, de façon détournée un peu mais ce n'est pas grave, elle prend. « Si... » Non, mauvais début (ils vont sortir de là, c'est certain, parce que sinon elle ne sait pas ce qu'elle va faire. Ce n'est plus aussi oppressant qu'au début, mais c'est toujours là, tapis, dans un coin, cette sensation d'enfermement et de peur). « Quand on va sortir d'ici, je vais te montrer. » lui propose-t-elle, se mettant à rire. « Je rattrape peut-être tout le temps où j'ai pas pu sourire comme je le voulais... » Elle ne comprend pas trop non plus pourquoi les mannequins doivent ne pas sourire, ça ne fait pas très vendeur selon elle.

211 ne semble pas persuadé par ce qu'elle a pu dire. C'est possible. Elle sait qu'elle est loin d'avoir la science infuse, elle voulait juste le réconforter. « C'est peut-être pour effacer qu'on est ici. » Elle ne sait pas trop pourquoi, pour le moment, elle voudrait effacer quelque chose de sa vie. Ce qui est aussi à découvrir et pas seulement son métier. Il parle ensuite de ses tatouages. Elle a bien remarqué qu'il y avait des dessins et traces diverses sur ses bras, mais il ne fait pas assez clair pour qu'elle ait pu les observer correctement. Puis bon, pour une fois, elle était trop occupée avec elle-même pour pouvoir s'occuper de quelqu'un d'autre. Avec un peu de recul, cela lui a même fait bizarre que l'on s'occupe d'elle.

« C'est peut-être des erreurs de jeunesse. » tente-t-elle de réconforter le jeune homme. Beaucoup de « peut-être », rien de certain, elle n'a rien de mieux à offrir. « Et... si t'es pas à l'aise avec, je pense que ça sert à rien que tu te prennes trop la tête avec ça. J'veux dire... y'a plein d'autres trucs pour ça. » Juste la Ruche en général est un assez gros sujet prise de tête. « Désolée, je parle beaucoup... j'essaie de me changer les idées... Parce qu'ils sont enfermés et que lorsque son esprit est trop libre, elle voit les murs qui se rapprochent. Et c'est même pire avec la tête qui lui tourne et cette impression de flottement qui s'est mis de la partie.

Tu ris avec elle, et tu te surprend à vraiment avoir hâte de la voir en dehors de ce cube. Et ce malgré ta peur de ses réactions. Après tout, une partie de ton passé est gravé dans ta peau, et pourrait faire fuir la plupart des gens. Même si les souvenirs sont effacés, le sang ne se lave pas aussi facilement et les réflexes sont peut-être toujours là. Tu te sens dangereux, sous tes airs d'agneau innocent et fragile. Tu sais que ce n'est pas antinomique d'être à la fois une bombe à retardement et une sculpture de verre délicate.

Tu ris aussi de savoir qu'elle rattrapait un temps où elle ne pouvait pas sourire comme elle le voulait. Un temps où peut-être, elle ne pouvait pas non plus manger comme elle le voulait. Tu l'as remarqué mais tu ne dis rien : elle n'avait pas mangé beaucoup... Et elle n'est pas bien épaisse. Peut-être que son ancienne elle était anorexique. Tu gardes le silence, tout comme quand elle te dit que la Ruche est peut-être un endroit pour s'effacer et s'autorisation une rédemption. Tu n'y crois pas du tout, mais tu ne veux pas non plus la désespérer avec ton pessimisme.

— Ma jeunesse hein ? Certaines cicatrices sont pas si vieilles...

Et les tatouages étaient bien conservés. Pas assez vieux pour remonter à une éventuelle jeunesse, même s'ils n'étaient pas non plus bien récents. Enfin, tu soupires, et tu la laisses parler tout en la rassurant :

— T'en fais pas... Tu ne parles pas tant que ça, je trouve.

Et puis c'était pas désagréable de l'entendre, te dis-tu. Tu te tais, et tu finis par te concentrer sur cette impression de flottement qui t'envahit jusqu'à finalement te faire dormir. Tu ne t'en es même pas rendu compte, à vrai dire.

Il se met à rire, et 013 se joint à lui tout simplement parce qu'il rit qu'elle n'est pas très douée pour ne pas rire quand quelqu'un rit. Elle ne parvient pas à ne pas rire en général, alors elle n'a aucune chance lorsque quelqu'un le fait. Puis bon, elle trouve que c'est bon signe qu'il se mette à rire plutôt que de secouer la tête en se demande sur qui il est tombé. Elle sait que parfois ses réflexions peuvent être assez peu réfléchies, mais elle n'arrive pas à se retenir. Elle ne dit rien de mal, c'est déjà ça. Elle se doute bien que parfois se taire serait mieux, elle essaie, sauf que c'est assez difficile. Au moins, elle ne coupe pas la parole, écoute attentivement lorsque quelqu'un d'autre lui parle. Elle parle beaucoup, mais ne fait pas de monologue ou n'oriente pas la conversation que sur elle. Enfin, elle l'espère.

La conversation amenée sur le passé de 211 le prouve, même si elle n'y pense pas sur le coup, et pas plus après. Il est juste naturel pour elle d'essayer de lui remonter le moral. Elle le fait une nouvelle fois avec ce qu'il dit à propos de sa jeunesse. « T'es pas si vieux que ça non plus... » rajoute-t-elle, essaie de se rattraper question qu'il ne pense pas qu'elle pensait qu'il était super plus vieux qu'elle. Il a l'air un peu plus âgé qu'elle, mais pas de beaucoup. Il est vrai qu'avec le peu de lumière qu'il y a dans cet endroit, bien voir est assez compliqué.

« Tant mieux... » dit-elle, contente qu'il ne trouve pas qu'elle parle trop. Elle aurait continué de parler encore, sur elle ne sait pas trop quoi, mais elle sent qu'elle est de plus en plus fatiguée. Ce qui ne lui arrive pas très souvent. Elle prend un long moment avant de s'endormir le soir et peut être réveillée avant 6 heures. Elle dort bien par contre, c'est déjà ça. Elle ferme les yeux, ses paupières sont devenues trop lourdes pour qu'elle soit capable de les refermer. Elle bouge un peu, se tourne sur le côté. Sa tête qui était l'épaule du jeune homme pour descendre un peu. Elle se place ensuite en position du fœtus, une main posée contre son front. Ainsi, elle ne tarde pas avant de s'endormir.