Experience is the beginning of wisdom || ft. NB03-88

Experience is the beginning of wisdom

✣ NB03-88 & F03-012 ✣

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L'aire commune avait repris un semblant de vie et d'activité depuis les sombres instants qui l'avaient dévasté quelques jours plus tôt. Certains dommages étaient cependant toujours visibles, comme des stigmates volontairement laissés sur place afin de nous rappeler les limites à ne plus franchir. A commencer par la large faille qui remontait à la verticale jusque dans les logements supérieurs et qui prenait sa base à l’intérieur de l'infirmerie. Celle-ci était quant à elle, devenue inutilisable et irrémédiablement vide. Il ne restait plus qu'à espérer que personne ne doive y avoir recours en urgence à l'avenir. Le souvenir de l'opération pratiquée à-même le sol me restait encore en mémoire et j'appréhendais que cela puisse se reproduire à nouveau sous mes yeux.
Comme à l'accoutumée, je m'étais réveillée dès le premier néon allumé, ne prenant plus la peine d'écouter Aleksa commenter mon métabolisme. Bien qu'elle ne soit qu'un futile hologramme programmé, je n'avais pas encore accepté le fait qu'elle m'ait ignoré, alors qu'elle aurait été en mesure d'apporter son aide lors de la destruction de l'espace santé. J'étais rancunière certes, mais j'avais aussi par la même occasion, perdu toute foi en ses conseils et ses services. Après tout, j'étais une grande fille, tout à fait apte à me gérer moi-même.

J'avais vite compris que le petit-déjeuner n'était pas un repas que j'appréciais particulièrement, c'est pourquoi je me détournais du groupe qui se rassemblait devant les plateaux-repas pour m'asseoir à l'écart, dans le coin salon. Loin des regards inquisiteurs, je sortis alors l'unique feuille de papier qui était à ma disposition. Je n'avais pas besoin de plus, du moins pas pour l'utilisation que je lui réservais. Je la posais sur la table basse devant moi, soigneusement pliée en quatre parts égales. Aujourd'hui, le cœur n'y était pas. J'observais cet innocent billet, et fermais les yeux quelques instants en laissant échapper un profond soupir. Et finalement, je l'ouvris et apposais mon crayon pour y tracer un fin trait. Un seul trait, parfaitement similaire aux autres qui s'alignaient rigoureusement sans qu'aucun ne soit inégal. Le trente-et-unième trait. Voilà qui faisait très exactement un mois, jour pour jour que je vivais cette folie.

Ce n'était pas tant cette période passée ici qui avait un goût si amer, non. Mais plutôt l'absence de résultats de mes introspections successives. Rien n'était revenu, aucune bride de souvenir, aucun détail qui aurait pu m'aiguiller sur celle que j'avais pu être. Je restais une simple identité-fantôme, vide de sens.
Aider les autres avait réussi à me faire oublier ce poids, un temps. Certains avaient d'ailleurs réussi à recouvrer quelques fragments d'eux-même paraît-il, et je les enviais au plus profond de moi-même. En étaient-ils plus heureux ? Je n'osais aborder le sujet, de peur que leurs réponses ne me tourmentent plus encore. Le fait est que malgré cela, leur situation n'avait pas évolué et qu'ils se tenaient toujours parmi nous. Alors, il était nécessaire de se demander, quelle avenir serait le nôtre : nous qui étions toutes et tous piégés là, sans espoir de sortie ?

Toujours assise, j'avais maintenant posé mes coudes sur mes cuisses et mes mains jointes venaient soutenir mon menton. Les épaules affaissées, je laissais le flot de ces réflexions moroses m'envahir. Un point fixe avait accueilli mon regard absent et ce, depuis un moment si bien que peu à peu, je m'abandonnais à cette bulle solitaire...

(c) oxymort

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Je me remémorais la conversation que j'avais eu avec Doc, lors de notre rencontre. Il semblait persuadé que les habitudes, ou du moins les réflexes que nous avions eu par le passé pouvaient être un facteur important dans la reconquête de nos souvenirs et de notre identité. C'est d'ailleurs ce qui lui était arrivé.
Pour ma part, aucun de mes gestes quotidiens ici n'avaient révélé quoique ce soit de ma vie d'avant. Bien-sûr, je ne m'étais pas attendue à ce qu'un livre ou un coup de fourchette le midi me serve de carte d'identité à proprement parlé, mais j'avais tout de même espéré que les saveurs de mon assiette puissent éveiller quelque chose. Savais-je au moins cuisiner ? J'imagine que certains avaient plus de chance que d'autres...ou alors, peut-être que je m'y prenais de la mauvaise façon.

Perdue, je n'avais pas entendu que l'on s'était approché. Je tournais lentement la tête et vis une silhouette colorée qui ne m'était pas inconnue. ❝Oh ! Bonjour, 88.❞ fis-je avec un sourire. Parce que c'était l'une de ses capacités secrètes, de redonner le sourire à ceux qui l'avaient perdu. Il sembla se raviser et je ne sus jamais de quoi je pouvais bien avoir l'air. Dans cet uniforme sans forme et triste, cela ne devait pas être bien glorieux. Peut-être que c'était mieux ainsi. Alors, je n'insista pas, afin de ne pas créer inutilement de malaise ou d'entendre quelque chose d'embarrassant.

Il se laissa tomber sur le fauteuil voisin du mien, pour se joindre à moi. C'était une gentille attention de sa part et bien que nous n'ayons encore jamais eu d'occasion de parler calmement tous les deux, je devinais qu'il était de bonne compagnie. Je repliais mon calendrier d'infortune pour le soustraire à son regard, et me redressais un peu plus en croisant les mains devant moi. Mais visiblement, cela n'avait pas suffit car il avait enchaîné en usant de légèreté, mais mon air morose ne lui avait pas échappé. ❝Rassurez-vous, le matelas n'y est pour rien. D'ailleurs, je ne vous remercierai jamais assez pour ce prêt et j'espère que ça s'est solutionné de votre côté.❞ J'eus alors une moue contrariée : ❝A vrai dire, je souhaitais vous le restituer assez vite mais je crains que le mien n'aura jamais été aussi utile que maintenant...❞ avouais-je en tournant le regard un bref instant en direction de l'infirmerie. J'imagine que au vu des circonstances, on pourrait aussi parler de bonne action ou même de "service rendu à la communauté" bien que je n'avais en réalité pas fait grand chose d'héroïque. Je l'observais un instant avant de demander calmement :
❝Est-ce que vous souhaitez en parler ? De ce qu'il s'est passé l'autre jour ?❞ Si j'avais toujours éprouvé des difficultés à me confier sur moi-même et sur mes inquiétudes, j'étais en revanche plus à l'aise pour ce qui était d'écouter ceux des autres. Et si je pouvais de cette façon, l'aider en retour alors j'étais plus ravie de le faire. ❝Apocalypse Later...voilà qui est très approprié.❞ fis-je pour l'encourager, en référence au verso de sa chemise que j'avais eu le temps d'apercevoir lorsqu'il s'était installé.

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