I hit it 'til it's hollow ft. NB03-404

La musique me vrille les tympans. Je sens chaque note vibrer, les yeux fermés, le cerveau vide. Mon corps transpirant bouge en rythme avec ceux des inconnus. Une foule en transe qui se noie dans les ténèbres fluorescentes du club. Je reprends une gorgée de ma bière tiède et je me laisse aller un peu plus. J'ai trop chaud, mais je m'en tape, l'important c'est de continuer à danser et oublier.

Quoi exactement, je sais plus. C'est que ça doit marcher.  Des tas de trucs m'ont amené ici ce soir. Les mêmes trucs merdiques qui m'ont poussés à fuir les States pour venir au UK. Trop compliqué et surtout, pas envie d'y penser. La logique de ce soir ? Je marchais dans la rue, j'ai entendu de la musique, je suis rentré. Le reste, c'est un mélange d'alcool, de groupe électro et d'idées noires. Pas certain que ce soit une bonne solution, mais encore une fois, je m'en tape.

Le mec derrière moi s'emballe d'un seul coup et me bouscule alors que je prends une autre gorgée et la moitié de mon verre finit sur le sol déjà collant. Mon expression passe de la transe alcoolisé à la colère illogique et je lui fais face avant de le pousser sèchement. Quelque part, j'ai envie qu'il réplique, mais tout ce que je gagne, c'est un rire suivi d'un hoquet et un gobelet brisé dans mon poing serré. Je jette le verre sur le sol sans ménagement et je me fraye un chemin jusqu'au bar en jouant des coudes.

Il y a du monde, là aussi, mais j'arrive pas à distinguer les têtes. Entre l'obscurité et les tatouages fluos qu'on peut se faire en entrant, mon monde ressemble à un gigantesque kaléidoscope. Ca et parce que j'ai trop bu. Ça m'empêche pas de commander une autre bière. Loin des basses et de l'euphorie de la foule, je prends conscience du bourdonnement dans mes oreilles, et je dois forcer sur ma voix déjà cassée pour que le barman m'entende.

A côté de moi, ça se pousse, ça rit, ça crie. Ca se passe des petits sachets et des billets, aussi. Même dans mon état, je les vois. Les jolies petites pilules. Je détourne le regard d'une transaction. Pas fait pour moi. J'en ai jamais pris et j'ai pas envie de commencer.

Je ferme les yeux pour que le monde arrête de tourner, mais je dois m'accouder sur le bar pour pas trébucher. Je déteste ce genre de moments en soirée. Quand tu danses plus et que t'attends un verre : c'est le meilleur moment pour penser. Et je suis pas venu ici pour ça.

Lorsque je rouvre les yeux, un mec est apparu devant moi. Même pas une once de surprise, le bar est bondé, il trouve une place où il peut. Par contre, devant moi c'est un euphémisme, il est carrément collé à moi. Je le regarde apostropher le barman, Heath donc. Un habitué, ok. Je m'apprête à refermer les yeux pour retrouver un semblant de stabilité quand il parle. Non, mieux, il me parle. C'est difficile à déterminer à cause de la musique, il pourrait s'adresser au barman, mais c'est moi qu'il fixe. Cette fois, un semblant de surprise passe sur mon visage, parce que je pensais pas me faire accoster. Et j'avais pas vraiment envie de parler à des gens, non plus.

Je suis obligé de me reconcentrer sur lui et je le fais en lâchant un soupir. Je le détaille de haut en bas, et même avec le peu de lumière, j'arrive à voir tous les détails. Parce qu'il est qu'à quelques centimètres de moi. Belle gueule, c'est évident. Beau sourire en coin, un poil provocateur comme je les aime. Mais surtout, beau style : je détaille l'oiseau sur son cou, celui sur sa main alors qu'il joue avec sa clope. Ses doigts. Il me dit vaguement quelque chose et je dois naviguer dans ma mémoire embrumée par l'alcool pour le remettre : c'est le chanteur du groupe qui jouait ce soir. Je suis entré ici sur une de leurs chansons. Donc, beau gosse et talentueux...

Je me sens changer de position pour le coller un peu plus et c'est à mon tour d'afficher un sourire. Ok, tu veux faire connaissance, je suis chaud. Je force encore une fois sur ma voix pour me faire entendre par dessus le morceau d'electro. "Ca va. Bonne musique. Bonne bière, si elle arrive un jour. Et toi tu..." Je sais pas si c'est très audible, en plus j'ai la voix qui part en couille.

Je secoue la tête parce que ça commence à me saouler et je l'attrape par l'épaule avant je coller mes lèvres à son oreille. "Et toi, t'es pas crevé ? T'es le chanteur, non ? Du groupe. J'aime le style." Je me décolle sans trop m'éloigner de lui en gardant consciencieusement la main sur son épaule. J'avais dit pas d'interactions ce soir. Mais fuck it, j'avais aussi dit pas plus de trois verres et j'en suis à... Euh...

Le barman revient avec mon verre et celui du chanteur et je lui tends ma carte qu'il refuse en désignant le jeune homme. Il me faut un moment pour comprendre, parce que j'ai pas le cerveau au max des capacités, mais je finis tout de même par me tourner vers lui avec un autre genre de sourire sur les lèvres. Je lui passe son verre et trinque avec lui en articulant un merci silencieux avant de prendre une gorgée de bière.

Chaude. Même à peine servie elle est dégueulasse. Mais c'est pas très grave, l'alcool est descendu en ordre de priorité ce soir.

C'est magnifique, l'esprit humain. Une machine compliquée que personne n'arrive vraiment à comprendre. Fascinant. L'instinct, par exemple. Cette force qui sait quand quelque chose cloche. Qui capte les choses invisibles pour avertir le corps. C'est exactement ce qui se passe maintenant. Mon instinct se réveille, et tout ce qu'il me crie, c'est qu'il est dangereux. Sa main dans le creux de mon dos qui m'électrise, danger. Ses paroles prometteuses d'une soirée endiablée, danger. Son clin d'oeil, lourd de sens, danger. Oui, tout ce qu'il fait déclenche une sonnette d'alarme qui me hurle que c'est le moment de faire marche arrière. D'arrêter la soirée avant d'aller trop loin. Vraiment fascinant, l'esprit humain. Et le plus beau, avec l'instinct, c'est qu'on peut toujours lui dire d'aller se faire foutre.

Je le suis lorsqu'il fait un signe de la tête avant de s'éloigner du bar, ignorant délibérément les signaux que m'envoie mon cerveau. On est pas là pour être responsable et faire attention. Le danger ? Ah, moi j'aime le danger. Je me ris du danger. En tout cas en ce moment. Je profite qu'il s'arrête allumer sa clope pour reprendre une gorgée. Ca va pas aider mon monde qui tourne, mais au point où j'en suis, ça changera pas grand chose. Et ça a l'avantage de faire taire la petite voix dans ma tête qui me traite de gamin. Parfait. Il se rapproche de nouveau pour parler à mon oreille et je ne me décolle pas tandis que j'évalue les deux options. Je sens mon corps vibrer au rythme des baffles et j'hésite pas deux secondes avant de l'entraîner vers la piste de danse, une main sur sa hanche. Hors de question de se poser, j'ai un regain d'énergie même si j'arrive pas à déterminer si ça vient de la chanson, de l'alcool ou de lui. Probablement les trois.

Je retrouve vite ma transe, bougeant en rythme avec la foule. Sauf que cette fois, je suis serré contre un beau mec, et je l'ai choisi. Je lui fais face, une main toujours sur sa hanche. Je me perds dans la musique et dans ses yeux, et je sais que j'ai une lueur joueuse dans le regard. Je bois une dernière gorgée avant de jeter mon verre au hasard derrière moi avant de me rapprocher un peu plus de lui en glissant ma jambe entre les siennes,mon bassin quasiment collé au sien. Mon sourire est passé d'amusé à carnassier et je sens la chaleur grimper d'un cran.

Je continue de danser, je vibre, je saute, j'ondule, en rythme tout autant avec la musique qu'avec lui. Je ne vois plus rien qu'une masse humaine autour de nous et le bout de sa cigarette qui brille d'une lueur orangée. De ma main libre, je viens la lui enlever d'entre ses lèvres. J'ai comme un temps de pause avant de rapprocher mon visage du sien, en gardant le rythme de la musique. Je rapproche mes lèvres des siennes. Nous savons tous les deux qu'on en a envie, ça sert à rien d'attendre même si, comme il l'a si bien dit, la soirée ne fait que commencer.

Je suis à quelques millimètres de lui quand je me recule d'un coup avant de porter la cigarette à mes lèvres et de tirer dessus, l'air malicieux. Je laisse la fumée bloquée dans ma gorge puis j'expire par le nez en souriant. Je lui tends la cigarette en me rapprochant à nouveau de son oreille. "Alors ? Je suis assez bon danseur pour toi ?" Je m'éloigne pour pouvoir le regarder d'un air innocent.

Oui, la soirée ne fait que commencer.

Je vois dans son sourire que ma feinte a eu son petit effet. Parfait. Je le vois aussi me mater sans discrétion et ça me gêne absolument pas. Au contraire, ça m'excite d'être l'objet de son désir. Je frissonne d'anticipation quand il s'approche de nouveau pour me parler à l'oreille : on a dépassé le stade des échanges innocents, je sais très bien que chaque parole est calculée pour enflammer l'autre, désormais. Et je ne me trompe pas, il est plus dans la subtilité. Tant mieux, on passe à la vitesse supérieure.

Je vais lui répondre quelque chose de provocateur et excitant quand il me surprend une nouvelle fois en me mordant le cou. La réaction est immédiate, je me tends en me le plaquant contre moi : il a trouvé un de mes points faibles. Un de ceux qui m'électrisent et me font perdre le contrôle. Je lâche un grognement de plaisir qui est noyé par le bruit ambiant. Je pose ma main libre sur sa fesse tandis que celle qui était sur sa hanche remonte sous son t-shirt dans son dos. Le contact de sa peau bouillante contre mes doigts m'excite un peu plus et je remonte ma main jusqu'à la base de sa nuque. De dos, il doit avoir l'air complètement débraillé, mais qui ici peut le juger ? C'est une soirée électro dans une boîte de nuit. La moitié des gens sont torse nus. Et pas pour les mêmes raisons que lui.

Dans cette position, j'ai plus à me pencher vers lui pour me faire entendre, on est déjà bien collés et j'ai ma tête dans le creux de son cou. "Bien joué." Parce qu'il faut admettre qu'il a tapé dans le mille. "Je sais faire beaucoup de choses, j'ai plein de talents cachés." A ces mots, je descends ma main en griffant son dos. Ca plait pas à tout le monde, c'est un risque à prendre. Mais, comme je l'ai dit, il fait ressortir un côté de moi que je ne contrôle pas. Il en subira les conséquences.

Sans lui donner le temps de se remettre, je le force à bouger en enchaînant les pas de danses tout en le gardant contre moi. On ne bouge plus au rythme de la foule, maintenant. C'est notre rythme à nous. Ou plutôt, celui que j'impose. Il voulait savoir si je pouvais tout danser ? Une action est plus efficace que mille mots. Ca permet aussi de faire redescendre la pression entre nous, histoire qu'on ne s'enflamme pas trop vite en plein milieu de la piste.

Mais pas pour longtemps, parce qu'à force de déhanchés et de pas, je l'emmène où je voulais précisément : je le plaque contre un des pilier en béton de la salle qui est à la limite de la piste. Je suis contre lui, la foule dans dos, et il ne peut plus reculé, comme pris au piège.

Je garde fermement mes mains sur ses hanches, mon bassin contre le sien. Les lumières flashy dansent sur son visage, déformant ses traits comme elles doivent déformer mon sourire et mes yeux étincelants.

"Satisfait ?"