Nous avons pris la très difficile décision de fermer le forum en date du 18 octobre 2020. Merci à tous pour ces beaux moments passés en votre compagnie. On vous aime tout plein! <3
La porte du logement se déverrouille après trois longs jours. Pas de mort à déplorer, et un bilan plutôt positif, tout compte fait. Mais tout de même, trois jours sans pouvoir se dégourdir les jambes ni s'occuper, c'est pas tellement facile. Mais j'ai eu le temps de réfléchir et finalement, ça m'a aidé de me retrouver isolé. C'est la pause post prison que je n'ai pas eu, entre ma discussion avec Rouky et Sixteen et tout le temps que j'ai passé avec Zero. J'aime pas trop la solitude, mais je pense que j'en avais besoin.
Je finis par quitter le logement, que je découvre être le 5-A, après avoir salué mes compagnons de confinement. Je passe déposer mes affaires là où je loge avec 0 et je le retrouve enfin. Je passe la majeure partie de la matinée avec lui à se dire qu'on s'aime de toutes les manières possibles jusqu'à ce qu'on se décide à aller manger. A la fin du repas, il part vaquer à ses occupations et je me retrouve seul au milieu de l'aire de vie pour la première fois depuis mon retour. C'est un peu désemparant, mais je me fais violence pour rester : je ne peux pas passer ma vie dans ma chambre, on dirait 5, c'est affligeant. Et puis, j'ai eu le temps de me morfondre, ça va aller, je peux recommencer à côtoyer des humains. Non ?
Je regarde les alentours, me demandant ce que je vais faire : le sport, hors de question, je suis crevé. L'espace créatif ? Trop de monde, je fais l'effort de rester là, mais j'ai pas spécialement envie de voir mille personnes. Ce qui nous laisse la bibliothèque, bon, c'est toujours mieux que remonter me coucher. Je me dirige mollement vers les étagères et feuillette quelques livres avant de choisir un nouveau roman d'Oscar G. Ridley. C'est certainement mon auteur préféré, ici, et ça fait longtemps que j'ai pas suivi les aventures de John Miller.
Je me cherche un coin tranquille pour commencer le bouquin, échouant finalement sur un canapé sans personne autour. Je commence à lire le premier paragraphe, mais une petite partie de moi ne peut s'empêcher de me dire que lire un livre isolé de tout le monde, ça défie un peu l'objectif de base. Je tapote le dos du livre, énervé, relisant les mêmes phrases sans cesse, avant de relever la tête et de soupirer. Mon regard se perd dans le vide, fixé sur rien en particulier alors que je me bats mentalement avec moi-même.
Bon, bin ça y est, je suis saoulé. Quoi, j'y peux rien, moi, si je suis pas dans mon assiette, pourquoi je peux pas me foutre la paix et me laisser lire en paix, hein ?
Il n'était pas encore dans une forme olympique. Ses mains tremblaient encore parfois, il se réveillait toujours au milieu de la nuit, bousculé pour un cauchemar qui le laissait incapable de se rendormir, et il avait toujours cet impression de poids, bien qu'allégé et moins souvent présent, qui lui pesait tant sur le corps que sur le moral, sans que celui-ci n'ai d'origine rationnelle. Pour autant, il allait globalement mieux. Les symptômes s'amenuisaient, s'écartaient dans le temps, lui laissant peu à peu de plus en plus de répit, et la sensation de lentement retourner à la normale, au moins d'un point de vue personnel. Restait à savoir si son passé finirait par le rattraper ou non, si les souvenirs revenant viendraient mettre à mal sa volonté d'aller vers le mieux. L'avenir seul le lui dirait. Pour l'heure il retrouvait un semblant de liberté après avoir été enfermé trois jours.
Rien dans la Ruche n'avait changé. Même blancheur immaculé, mêmes habitants. Et la rengaine, coincée entre les murs circulaire, qui retrouvait bien vite toute son ampleur après ce bref épisode inattendu. Même les escaliers qui étaient d'après-lui à l'origine de toute cette situation était en tout point identiques à ce qu'ils avaient toujours été. Pas de modifications de sécurité à observer, qui auraient pu venir étayer son hypothèse au sujet de leur enfermement récent.
Il avait laissé 94 et 2, profitant de leur liberté retrouvée pour s'accorder un peu de temps seul, chose qui n'avait pas été évidente à faire au cours des trois derniers jours. Petit-déjeuner, course sur l'un des tapis, retour à son logement, douche, retrouver ses affaires intactes, et écrire quelques mots et notes dans son carnet avaient occupé sa matinée. Il était ensuite ressorti, et avait déjeuné, à nouveau seul, avant de rejoindre le coin bibliothèque, pour y retrouver le plaisir de parcourir le livres qui y étaient rangés après plusieurs jours privé de lecture.
Il s'apprêtait à aller s'asseoir dans le canapé le plus proche quand son regard se posa sur celui qui lui faisait face, et plus précisément sur l'abeille qui y était installée. Un des mecs présent à la soirée boxer, livre ouvert entre les mains, le regard perdu dans le vide. Il changea légèrement sa trajectoire pour venir s'asseoir en face de lui, sa dernière trouvaille littéraire entre les mains.
- Tout va bien ? C'est Friday c'est ça ?
Mémoire des visage, mémoire des noms. Deux qualités qui s'étaient confirmées au fil des jours.
- Si c'est le livre qui te met dans un état pareil, il faudrait peut-être envisager d'en changer...
Un sourire réservé vint ponctuer sa phrase. Tentative de briser la glace, sans y aller trop brusquement non plus, au cas où l'autre préférerait rester à sa solitude. Il comprendrait parfaitement, étant le premier à ne pas forcément apprécier être dérangé quand il était plongé dans un livre. Sauf que son vis-à-vis n'était pas en pleine lecture. Il semblait... Suspendu. En attente de quelque chose.
Sujet: Re: Lunchbox Friend ft Moby Mer 27 Mai - 11:57
Lunchbox Friend
Moby | Friday
Franchement, ça sert à quoi de rester dans l'aire commune si je m'isole avec un livre ? A rien. C'est hyper méga stupide. Je ferais mieux de retourner dans ma chambre, attendre Zero bien au chaud sous la couette avec mon livre. Je serais tranquille et le résultat sera le même ! Mais d'un autre côté, rester ici ça me réhabitue à la Ruche et au reste des habitants, si je m'en vais je réussirais jamais à retrouver une vie sociale normale. Sauf que j'ai passé trois jours avec d'autres gens et j'étais pas enfermé dans ma chambre. On a parlé et tout et c'était cool. Du coup est-ce que ça compte comme une vie sociale normale ? Raaaaah je sais pas, ça m'éneeeeeeeeeeeerve !
Il me tire de mon monologue intérieur sans même que je l'ai vu s'asseoir. J'étais à ce point perdu ? Vraiment ? Wow. Mes yeux se posent sur lui et je le reconnais de la soirée boxer et de la réunion de Sixteen. "T'es le mec que j'ai poké dans l'oeil... Mais je t'ai fait un joli tatouage aussi !" Alors oui, j'ai zappé son nom, maintenant. Mais j'ai le droit. J'ai été torturé en prison. Ca laisse des séquelles genre amnésie partielle des noms. Scientifiquement correct et approuvé par Doc. Ou en tout cas par moi. Et puis je me rappelle des détails les plus importants c'est déjà pas mal !
"Euh oui, Friday ! Enfin je veux dire, je suis Friday !" Mais ta gueule à dire de la merde, non ? "Non c'est pas le livre, il est bien. Enfin je crois, je l'ai pas lu." Non mais stop. "Enfin j'ai commencé à le lire mais j'y arrive pas et... Mais je sais lire hein, c'est que..." Friday, ferme là. "Je suis fatigué désolé..." Je plaque mes mains contre mon visage, yeux fermés.
"Ok je reprends. Oui, je m'appelle Friday. Mais j'ai oublié ton nom par contre, désolé. Et non, c'est pas le livre qui me perturbe. J'arrive pas à me mettre dedans même si j'aime beaucoup l'auteur. C'est juste que je suis pas au top en ce moment et que ça travaille beaucoup..." Je tapote ma tempe du bout du doigt. C'est bien la première fois que je m'entends dire que je réfléchis trop.
Je secoue la tête pour m'éclaircir les idées. J'ai conscience que je dois avoir l'air soit complètement con, soit vraiment bizarre. Dans tous les cas, rien de très satisfaisant donc je décide de changer de sujet et de me concentrer sur lui. "Et toi ? Ca va ? C'est parce que j'ai l'air perdu que t'as décidé de venir me squatter ? T'aimes bien les cas désespérés ?" Je lui souris franchement, qu'il ne se froisse pas. Il ne me dérange pas du tout, au contraire ! C'est l'occasion de (ré)apprendre son nom et de me resociabiliser. Une pierre, deux coups, parfait !
Le parler un peu erratique de Friday -car il s'était bien souvenu de son nom- lui tira un nouveau sourire, un peu plus franc cette fois, plus naturel, compatissant. Le "mec qu'il avait poké dans l'oeil". C'était une manière originale de se souvenir de lui. Ca et le tatouage. Il avait apprécié le dessin d'ailleurs, d'une qualité assez surprenantes au vu du temps que son créateur avait passé à le concevoir. Le hibou l'avait accompagné quelques jours, et il avait presque regretté de voir le dessin s'estomper au fil des douches. A croire qu'il avait toujours voulu avoir un tatouage, sans jamais oser franchir le pas, et que son inconscient avait apprécié le fait d'en trouver un sur sa peau, aussi temporaire fut-il.
- Moby. Tu peux m'appeler Moby.
Mieux que H02-523. Il commençait même à véritablement s'habituer au nom qu'il s'était lui-même donné.
Quant à la partie pas en forme et cervelle qui travaille, il ne pouvait que comprendre, même s'il était aujourd'hui plutôt en forme, au regard de ce qu'il avait pu vivre auparavant.
- Je comprend, t'inquiètes pas. Cet endroit est pas toujours idéal pour ce qui est de maintenir un mental d'acier.
Il finit enfin par s'asseoir sur le canapé faisant face à celui de Friday, se posant juste au bord afin de ne pas être trop loin de ce dernier. Il était resté debout jusque là, interrompu dans son intention première de rester seul, et rester dans cette même configuration commençait à être inconfortable.
- Moi ça va, je crois. Et oui, peut-être que c'est l'air perdu qui m'a incité à venir te parler. Au pays des cas désespérés, je fais partie de la royauté, alors je viens m'inquiéter de l'état de mes sujets.
Il appuya sa tirade d'un sourire en coin, soulignant l'ironie et l'autodérision présente dans celle-ci. S'ils passaient l'un comme l'autre les minutes à venir à se moquer d'eux-même, la discussion promettait d'être intéressante.
Sujet: Re: Lunchbox Friend ft Moby Jeu 18 Juin - 16:10
Lunchbox Friend
Moby | Friday
Moby. Moby... Moby ? Moby ! Nan, ça me dit rien, c'est pas la peine de chercher, je m'en souviens pas. Peut-être que je l'ai connu sous un autre nom ? Ou alors je l'ai bien, mais alors vraaaaaaaaaaiment bien oublié, et ce serait bizarre, ça m'arrive pas tellement d'oublier les gens. Je vais mettre ça sur le compte de la fatigue, hein, on va pas s'arrêter à ça. En plus, il a pas franchement l'air très offusqué de mon oubli alors... Je choisis l'option "Faire comme si de rien n'était" et enchaîner.
Ca réflexion me fait sourire, chose totalement inattendue. "Oh, ça va, je trouve ça sympa ici. Tout ce... Blanc. Et ses livres !" Je désigne le mien puis ceux ruinés dans la bibliothèque. "Magnifiques." Je sais pas à quel moment j'ai viré dans le sarcasme, c'est pas trop mon style normalement. Peut-être qu'un Friay fatigué est un Friday sarcastique ? Faudrait pas que je sois trop souvent fatigué alors... Pour me rattraper, je lui fais un petit sourire en haussant les épaules comme pour me dédouaner de mon humeur.
Il s'installe et je le détaille. Il est toujours aussi mignon que lorsque je l'ai vu (sauf si je l'ai jamais rencontré et que c'est pour ça que je me souviens pas de son nom et que tout ça n'est que MANIPULATION DE DAHLIA QUI M'A PIÉGÉ ET QUI... Non. Stop la parano.) Toujours aussi mignon, donc, mais clairement quelque chose à changer. J'arrive pas à mettre le doigt dessus jusqu'à ce qu'il mentionne sa position de choix dans le monde des désespérés. C'est à ce moment que je note que son 'ça va' sonne parfaitement faux. Mais je fais l'impasse, réfléchissant à ce qu'il vient de dire.
"Hmm... On va dire que c'est pas une période facile. Je sais pas si t'étais là quand l'infirmerie a..." Je mimique une explosion avec mes mains, ce qui a pour effet de faire glisser mes manches, dévoilant les dernières marques meurtries sur mes poignets. Aucunement gêné, je les retrousse un peu plus pour qu'il puisse voir correctement. "Bah j'ai fini en prison pour avoir voulu aidé des amis. C'était pas si pire, finalement. Juste épuisant physiquement. Et puis, j'ai eu droit à une belle discussion avec Dahlia. Cool mais difficile à gérer. Puis je suis rentré et paf, une mémé et un gars s'explosent dans les escaliers et confinement, et trois jours après bin..." Je lève les bras pour montrer les alentours. "Me voilà. Je me force à sortir, pour pas me renfermer comme avant le confinement..."
Je ferme mon livre et le jette sur le canapé, renonçant définitivement à toute forme de lecture. "Et toi, Môsieur Roi des cas désespérés, pourquoi la couronne si tu vas bien ?" J'ai pas envie de le forcer à parler surtout s'il fait volontairement semblant d'aller bien. Mais poser la question avec un sourire gentil ne le tuera pas ! Enfin, j'espère... Je veux pas re être confiné...
Du blanc et des livres. C'était un bon résumé de la décoration, si l'on oubliait les quelques plantes et les plaids qui étaient apparus un peu partout autour de la salle. Il comprenait le sarcasme, à la longue, l'omniprésence du blanc devenait parfois oppressante.
- Il faudrait se renseigner pour savoir si la peinture de fresque murale compte comme une dégradation. Si non, ça pourrait être un moyen de mettre un peu de couleur dans tout ça.
Il haussa les épaules, vu l'absence de talents qu'il avait en dessin, ce ne serait certainement pas lui qui s'en chargerait.
- Ca n'est jamais qu'une idée comme ça, mais ça pourrait se tenter.
Son regard flotta un court instant dans le vide, alors qu'il tentait d'imaginer ce que pourrait donner ce genre de décoration, si elle jouerait vraiment sur la sensation d'enfermement qui se faisait chaque jour un peu plus présente, malgré sa volonté de l'ignorer. Ce n'était pas en se concentrant sur le négatif qu'il avancerait, qu'ils avanceraient. Il s'enfonça un peu dans le canapé, relevant les yeux vers Friday alors que celui-ci reprenait la parole, expliquant les raisons qui l'avaient mené à son état actuel.
- Hm, peut-être que je devrais te céder ma couronne finalement. Je n'ai pas assisté à... aux événement de l'infirmerie... J'étais occupé ailleurs.
Roulé en boule au fond de son lit, frissonnant et trempé de sueur, ce qu'il se garderait bien de partager...
- J'avais cru comprendre que tu étais ami avec Rouky. C'est... Dommage que leurs actions de ce jour-là aient eu autant de conséquences.
Comme il l'avait dit, il n'avait pas assisté au désastre de l'infirmerie. Il n'avait su ce qu'il s'était passé qu'ensuite, en discutant avec d'autres abeilles et en captant les conversations des uns et des autres. Rouky et une autre des résidentes de la Ruche avaient tenté de défoncer un mur, une action qu'il jugeait assez peu réfléchie, et les conséquences avaient été désastreuses. Ca n'était pas faute d'avoir essayé de mettre le rouquin en garde quand ils avaient eu l'occasion de discuter. Mais il n'était pas du genre à aller se venter d'avoir eu raison, ni de faire la morale à qui que ce soit. Ce qui était fait était fait, et rien de ce qu'il aurait pu dire n'aurait aidé à améliorer les choses... Il regrettait juste de voir que d'autres personnes avaient été prises dans les conséquences de cette entreprise, et qu'elles y avaient visiblement laissé des plumes.
Les explications de Friday continuèrent, et il failli rater un détail, mentionné de manière presque désinvolte. Il ne s'était pas arrêté sur le nom de Dahlia, estimant que ça n'était probablement qu'une abeille qu'il ne connaissait pas personnellement, mais l’enchaînement chronologique laissait entendre autre chose, que celle-ci avait été rencontrée pendant le séjour de Friday en prison. Il fronça légèrement les sourcils, mettant la question de côté pour plus tard, attendant que son vis-à-vis ait terminé de vider son sac.
- Je comprend, et si malgré tout tu préfères que je te laisse tranquille, je me vexerai pas.
Dans tout ça, il se sentait presque idiot de s'être autoproclamé de le royauté des cas désespérés. Son syndrome n'avait certes rien d'enviable, mais il lui semblait soudainement risible en comparaison de ce que Friday avait l'air d'avoir vécu récemment. A la question que lui posa celui-ci, il étira donc un rictus sarcastique, pour minimiser ce qu'il avait dit plus tôt et se tourner un peu en auto-dérision.
- J'ai un peu exagéré, j'ai juste été vaguement malade quelque temps. Je crois que je le suis encore un peu, mais rien de bien grave. Ca n'est pas contagieux, avant que tu ne prennes la fuite.
Minimiser. Parce que l'heure n'était pas à faire un concours de qui était dans la plus mauvaise situation, et que s'il avait d'abord plaisanté sur son propre état, il se rendait soudainement compte qu'il n'avait pas forcément envie de dévoiler à un presque inconnu qu'il souffrait des conséquences d'une dépression dont il ignorait lui-même l'origine.
Leur conversation s'étirant dans le temps, il s'installa un peu plus confortablement dans le canapé, quittant le bord sur lequel il était assis presque en équilibre pour s'enfoncer dans l'assise.
- Tu as mentionné une Dahlia plus tôt... Désolé si ma curiosité est déplacée mais, j'ai cru comprendre que tu l'as rencontrée pendant ton séjour en prison ?..
Auquel cas, est-ce qu'il avait juste été enfermé avec quelqu'un d'autre ou avait-il rencontré une de ces fameuses silhouette voilées qu'il savait désormais apparaître parfois au sein de la Ruche ?
La mention de Rouky et de l'épisode de l'infirmerie me tend un peu : pas que ce ne soit pas résolu, j'ai eu une conversation avec eux, tout est bien qui finit bien, mais là tout de suite, j'ai pas spécialement envie de parler de ça. Je suppose que je ne suis pas encore totalement remis de toutes les répercussions que ça a eu, autant sur ma relation avec eux que dans ma vie. Et puis, trois jours de confinement même s'ils se sont bien passés, ça ne met pas dans de bonnes conditions pour parler de sujets épineux. Aussi, je me contente de hausser les épaules en parcourant distraitement la couverture de mon livre du bout des doigts. Pas d'autres commentaires à faire, les gens pensent ce qu'ils veulent, ça me regarde pas.
Si je n'ai pas l'air dans la conversation, il ne m'ennuie pas pour autant et quand il propose de s'en aller, je le retiens en lui souriant, en profitant pour abandonner mon livre pour signifier que je m'intéresse à lui. Peut-être que j'ai donné un air désinvolte, mais j'ai fait attention à ce qu'il a dit jusque là, et je n'ai pas oublié non plus le commentaire sur la couronne. Et puisque je me suis débarrassé de mon livre et que mon attention lui est pleinement consacrée, je note ses expressions alors qu'il minimise sa maladie. Quelque chose me dit qu'il ne s'agit pas d'une simple grippe. Mais Doc serait mieux placé pour juger. "C'est étrange, je pensais pas qu'on puisse tomber malade dans la Ruche, bizarrement." C'est vrai, l'idée ne m'avait pas traversé l'esprit, et maintenant que j'y pense, il me paraissait logique que l'endroit soit à l'abri des virus et autres bactéries. Pourquoi ? Je ne sais pas, le côté aseptisé peut-être. Ou tout ce blanc. "C'est quoi tes symptômes ? Et comment t'es sûr que c'est pas contagieux ? Ca va quand même ?"
Trois questions et deux pièges : je suis vraiment inquiet de sa santé, et j'espère qu'il se sent bien ou que ce sera le cas rapidement. Pour le reste, en revanche, j'avoue être vicieux : après tout, qu'est ce que ça m'apporterait de savoir ses symptômes ? Je suis pas médecin, ça m'avancerait à rien. Et puis je suis pas du genre hypocondriaque phobique des germes, donc la contagion m'est égale, vraiment. Ce que je cherche à savoir, c'est s'il a inventé tout ça pour cacher autre chose. Parce que c'est ce que mon instinct me souffle depuis le début. Cela dit, je ne sais pas ce que je ferais si je découvrais que quelque chose d'autre le tracassait. Pas grand-chose, je ne le connais même pas assez pour le réconforter efficacement... Mais c'est plus fort que moi, j'imagine...
Mais je suis distrait par sa question et je remarque que je ne suis pas le seul à avoir remarqué les détails de la conversation. Je souris, content qu'il suive et surtout qu'il s'intéresse à Dahlia : je n'ai pas vraiment eu l'occasion de parler d'elle à beaucoup de gens, principalement parce que j'avais autre chose à faire, mais Doc m'a bien dit qu'en parler était une bonne chose. Et j'ai apparemment trouvé une oreille attentive. "Oui, c'est ça. Enfin, si on veut... Je sais pas si t'es au courant puisque t'étais pas présent pour l'infirmerie, mais Dahlia, c'est la femme masquée qui fait office de gérant de la Ruche. Tu sais, la dame en noir ? Bah c'est elle. Et elle s'est occupé de moi quand j'étais en prison. Pourquoi, au fait ? Intéressé par la prison ?"
Finalement, je ne regrette pas d'être resté là plutôt que dans ma chambre. Je pensais me faire un quart d'heure lecture et je me retrouve dans une conversation on ne peut plus intéressante.
Aseptisé était un mot qui définissait assez bien la Ruche, et sans son expérience personnelle, il aurait sans doute imaginé lui aussi que tomber malade ici relevait de l'impossibilité. Il était donc logique que Friday pense de la sorte, et il avait peut-être même raison, puisqu'il n'était après tout pas tombé malade dans la Ruche. Il souffrait de maux qui la précédaient. Mais expliquer ça à son interlocuteur sans trop en dire était délicat. Il ressentait parfaitement la curiosité retenue de son vis-à-vis, il ignorait juste s'il était suffisamment à l'aise pour satisfaire celle-ci.
C'était l'un des casse-tête de cet endroit, ils étaient tous amnésiques et donc proche de personne, mais comment être proche de qui que ce soit s'ils restaient tous constamment sur leur garde comme il le faisait lui-même ? Il y avait bien 2 à qui il s'était confié un peu, mais les circonstances l'y avaient en quelques sorte forcé. Cette situation précise était différente. Il était face à un choix qui le pousserait dans une direction ou une autre. Celle de l'isolement qu'il avait adoptée jusqu'alors, ou bien au contraire, celle du contact. Mais il fallait pour ça qu'il parle, qu'il s'ouvre. Et l'idée d'avoir à se mettre à nu devant qui que ce soit lui donnait un sentiment de faiblesse qui le paralysait. Comme une peur viscérale, ancrée profondément dans son instinct, de se montrer vulnérable devant qui que ce soit.
Il laissa échapper un bref soupir.
- T'inquiètes pas, c'est pas contagieux. Disons juste que... La Ruche n'est pas équipée pour me fournir ce dont j'ai besoin pour rester en bonne santé.
Pas de prise de décision. Il restait au carrefour, sans tourner dans un sens ni dans l'autre, éludant la question. Quelque part il se décevait un peu. Mais donner une réponse claire qui en dise long sur lui était au dessus de ses forces.
Friday embraya sur la question qu'il avait posé sur Dahlia, et il se senti se détendre un peu alors qu'ils se mettaient à aborder un sujet un peu moins sensible pour lui.
Dahlia. La femme en noir. Il en avait entendu parler après les événements de l'infirmerie, sans que le nom de celle-ci ne soit jamais prononcé. Sauf que Friday avait visiblement eu affaire à elle dans d'autres circonstances. Il en savait donc peut être un peu plus sur elle que le reste des abeilles.
- On peut dire que je m'intéresse à la prison oui... Je m'intéresse à peu près à tout ce qui m'apporter un tant sois peu de compréhension vis-à-vis de la Ruche... Tu as pu lui parler du coup ?
Il se sentait un peu hypocrite à poser des questions alors que lui même ne répondait pas vraiment à celles qui lui étaient posées, mais quelque part, l'enjeu était différent...
Il ne veut pas me répondre, c'est évident. Des phrases vagues et un détournement de sujet. Est-ce que je vais continuer à le titiller pour le forcer à parler ? Je pourrais. Je l'ai déjà fait, avec 5. Rien de mieux qu'une bonne session avec mon moi qui se fout des conventions sociales et qui force jusqu'à obtenir de l'attention pour sortir de son silence le plus grincheux des handicapés de cette Ruche. Mais est-ce que je réserve le même traitement à Moby ? Non, clairement pas : il reste un inconnu rencontré en boxer puis deux fois au détour d'un canapé, s'il n'a pas envie de parler, il ne parlera pas. C'est pas comme s'il était obligé de vivre dans le même appartement que moi. Lui peut fuir alors que Grumpy, pas vraiment. En y réfléchissant bien, Grumpy était un peu mon otage. Mais c'était avec amour, alors ça va.
Et puis, pas la peine de mentir : dans mon état, je n'ai ni la force ni l'envie d'endosser le rôle du joyeux Friday casse-bonbons. Je ne comprends que trop bien cette envie qu'on me fiche la paix et de garder mon malheur pour moi. En fait, si je me croisais à l'heure actuelle, je pense que j'aurais envie de me tuer... Est-ce que c'est ce que Grumpy a ressenti ? Suis-je un monstre social ? Meh, pas mon problème. Et heureusement pour lui, pas le problème de Moby non plus. Pas aujourd'hui, en tout cas. Ca reviendra plus tard. Certainement. Probablement. Peut-être. J'espère...
Alors je lui fais grâce de mes remarques et je me focalise sur le sujet qui l'intéresse : la prison. "Oui, on a parlé. Bien parlé même. En fait, elle ne m'a frappé que deux fois et comme je coopérais, elle s'est détendue et moi aussi. Rien à voir avec l'idée que je me faisais de la prison." Je repense à ma conversation avec Doc. Quand il m'a soigné et qu'il m'a dit de partager mon expérience pour essayer d'ouvrir l'esprit des gens à une possibilité autre que le carnage total de cette endroit. Je n'ai pas encore eu le temps de mettre ça en pratique mais je pourrais commencer maintenant. Moby a l'air assez ouvert et puis, c'est le moment idéal. Si je n'en parle pas à lui maintenant, quand est-ce que je vais le faire ?
"Tu sais, aussi fou que ça puisse paraître, ils sont pas aussi mauvais qu'on le dit. Ceux qui gèrent cet endroit, je veux dire. Toutes les rumeurs de la prison comme d'un endroit atroce, je me demande si c'est pas simplement parce que les gens ne savent pas se comporter." Je marque un temps de pause, essayant de calculer ce que je dis pour ne pas avoir l'air trop naïf ou timbré. "Je veux dire, j'ai enfreint un règlement. Mes raisons étaient discutables, mais la faute reste la même. Et une fois en prison, j'ai pas cherché à me débattre ni à nier ce que j'ai fait. J'étais le premier surpris de la discussion que j'ai eu avec Dahlia, mais avec du recul, elle n'avait pas de raison de me maltraiter. Parce que je ne lui en ai pas donné, tout simplement."
Je regarde le jeune homme mais je ne prends pas le temps de réfléchir et j'enchaîne, porté par mon élan : "Je vais pas te refaire la discussion en détail, mais ce que j'ai retenu, c'est qu'ils ne sont pas là pour s'amuser de nous. Ils ne punissent que lorsque c'est nécessaire. On pourrait débattre du bien fondé des règles et des punitions, mais il n'empêche qu'ils n'en abusent pas. Je me demande même s'ils ne veillent pas sur nous, à leur manière... Pourquoi est-ce que la Ruche devrait forcément être l'expérience d'un fou furieux ?" La dernière partie est plus marmonnée pour moi que pour lui, mais s'il est concentré, il peut l'entendre.
Je sondes sa réaction, maintenant anxieux de voir ce qu'il en pense. Je me suis peut-être laissé emporté dans mon flot de paroles et je suis pas sûr que ce soit très intelligible, mais c'est trop tard maintenant pour revenir dessus. Alors je croise les bras sur mon torse en m’enfonçant dans mon siège. "Enfin... Voilà." Conclusion brillante. Bravo moi...
Le sujet s'éloigna des sujets trop personnels qu'il préférait éviter, ne souhaitant pas se montrer une nouvelle fois trop vulnérable face au premier venu, même s'il avait l'air sympathique, et il retint presque un soupir de soulagement alors que Friday se mettait à parler de son expérience en prison.
Il l'écouta avec attention, et senti ses sourcils se froncer légèrement à mesure qu'il assimilait les informations. Quelque chose le dérangeait franchement dans la manière dont Friday percevait Dahlia. La femme en noir. Une de ceux qui les avaient enfermés ici sans qu'ils sachent pourquoi.
Elle n'avait frappé l'autre homme "que" deux fois. C'était déjà deux fois de trop à son sens. Qu'il y ai des règles à respecter, il pouvait l'admettre. Que ceux qui avaient créé cet endroit souhaitaient le voir préservé, il pouvait le comprendre. Mais le recours à la violence pour faire passer un message ? Il pouvait tenter de son mieux de rester ouvert d'esprit, de prendre en compte tous les points de vue et de comprendre, l'idée ne passait pas. Et elle ne passerait sans doute jamais, quels que soient les arguments.
Il laissa Friday terminer son récit avant de se décider à intervenir.
- Tu dis qu'elle n'avait pas de raison de te maltraiter... Personne n'a jamais de bonne raison de maltraiter qui que ce soit. Frapper quelqu'un pour faire passer un message... Même si le message est louable, important, capital même... Ca reste immoral.
Et inacceptable pour lui, quelle que soit la motivation derrière le geste. La violence à son sens était injustifiée, quelle que soit la situation. Mais elle l'était d'autant plus quand elle était réfléchie, préméditée et instrumentalisée comme c'était ici le cas, de ce qu'il comprenait...
- Je crois que je comprend où tu veux en venir, mais je ne peux pas être d'accord avec toi.
Et voir la manière dont Friday acceptait un concept tel que celui-ci fit naître une étincelle de colère dans ses entrailles. Il prit une grande inspiration. S'il y avait bien une émotion qu'il avait réussi à garder sous contrôle jusque là, c'était bien la colère, et il n'était pas prêt de laisser celle-ci lui échapper.
Il reprit.
- Peut-être qu'ils veillent sur nous comme tu dis. J'en sais pas assez sur la Ruche pour m'avancer, mais c'est une théorie comme une autre, et qui se tient pas si mal quand on y réfléchi...
L'espace sportif, le temps de sommeil régulé, les repas adapté à leurs besoin quand les machines fonctionnaient correctement. Tout concordait à laisser entendre qu'on voulait prendre soin d'eux... Et pourtant...
- Ca ne leur donne pas le droit de nous blesser pour faire passer un message. Il y a d'autres moyens de le faire. Et cet endroit peut déjà être suffisamment éprouvant, sans qu'on ai besoin d'avoir la menace permanente d'une punition physique au dessus de nos têtes... Parce qu'on sait jamais quand est-ce qu'on sera amenés à briser une règle. Je suis vraiment pas du genre à vouloir les enfreindre sciemment. Je me suis efforcé de toutes les suivre parce que je pense aussi qu'elles sont là pour une raison. Mais si je devais en enfreindre une pour des raisons morales ?.. Tu peux dire tout ce que tu veux, aucune punition derrière ne serait vraiment justifiée... Encore moins si elle consistait à me frapper ou autre chose dans le même style.
Colère maîtrisée. Il avait réussi à la canaliser, à la calmer même parfaitement, et à parler d'un ton calme, en exposant juste clairement son point de vue sur la question. Il s'étonnerait toujours à pouvoir être autant en maitrise de lui même lorsqu'il s'y appliquait, à pouvoir ainsi dissimuler ses émotions au profit d'une façade calme et diplomate, comme s'il y avait passé sa vie...
Sujet: Re: Lunchbox Friend ft Moby Mer 2 Sep - 19:36
Lunchbox Friend
Moby | Friday
J'avais raison d'être anxieux. Il n'est pas de mon avis et c'est évident. Mais le point positif, c'est qu'il a pas l'air à être du genre à s'énerver. En fait, ses arguments sont réfléchis et ordonnés. De la même catégorie que Doc, qui réfléchis avant d'agir. Qui pense avant de foncé dans le tas. Enfin, de la même catégorie que Doc avec l'air plus déprimé et l'assurance naturelle en moins. Je m'enfonce un peu plus dans le siège à mesure qu'il parle juste être presque couché dedans et lorsqu'il finit, je marque une pause pour réfléchir à mon tour à tout ce qu'il dit.
Dans le fond, je suis d'accord : enfreindre les règles pour une raison morale valable ne devrait pas être puni. Je l'ai fait, et si je devais le refaire, je le referai sans la moindre hésitation même en sachant ce qui m'attend. Mais, parce qu'il y a toujours un mais, qui peut juger de la morale ? Je secoue la tête en y pensant, beaucoup trop philosophique pour moi. On dirait un... Je lève les yeux vers lui, réalisant soudain à qui il me fait penser. "Tu parles comme un avocat." Maintenant que j'ai fait le lien, impossible de m'en défaire. J'ai sûrement tort, mais son calme, sa verve... Je suis certainement pas assez habitué à avoir des discussions de ce genre, faudrait peut-être que je songe à fréquenter des gens matures, parfois...
"Je suis d'accord avec toi, je ne me serais pas puni pour ce que j'ai fait et maltraiter les gens, c'est mal." Allez Friday, c'est le moment de sortir ce que tu penses depuis un bout de temps déjà. "Mais tu fais assez confiance aux gens pour ne pas les sanctionner ?" Voilà ça y est. Je marque un temps de pause pour lui laisser le temps de réfléchir sérieusement et de me permettre d'organiser mes idées. "Regarde l'état de la Ruche. Depuis qu'on est arrivé, plein de gens ont enfreint les règles, la fontaine a été vandalisée, puis l'infirmerie, et il y a sûrement d'autres choses dont je ne suis pas au courant. Tu te dis jamais qu'on est juste incapables de vivre en harmonie sans avoir de limites ? Si ça se trouve, ces mesures drastiques sont là parce qu'elles sont le dernier recours pour tenter de nous sauver et regarde ce qu'on en fait. Si on commence à faire des exceptions pour cause de morale, combien de temps on a avant de provoquer un truc grave ?"
Ah oui, voilà pourquoi je traîne pas avec les intelligents : c'est bien trop prise de tête. Et comme je peux pas non plus rester sérieux éternellement et que l'humour est très clairement chez moi un copping mechanism, je peux pas m'arrêter là. "Ou peut-être que je me trompe et qu'on est à Secret Story version extrême. Ou que je suis un agent infiltré pour être sûr que tu restes dans les clous..." Le petit sourire énigmatique qui va bien parce que c'est celui que je sais faire le mieux. Que je perds rapidement. Même moi, je ne peux pas prétendre que tout va bien en permanence. Et toute cette discussion avec Moby ne fait que m'embrouiller sur ce que je pense de cet endroit et ce à quoi je sers.
"Je vais pas essayer de te convaincre, tu sais... Doc pense que je dois partager ma vision avec les autres pour faire avancer les choses et aider comme je peux mais la vérité, c'est que je ne suis pas vraiment certain de ce que je dois faire ni de si j'en suis capable... Tout ce que je peux t'offrir en ce moment comme discussion, c'est un aperçu de mon cerveau en vrac en espérant que ce soit distrayant et pas trop mauvais pour ton Q.I."
Un avocat… C’aurait pu expliquer beaucoup de chose en effet. Sa capacité à garder son calme, le fait qu’il refuse de se laisser voir en position de faiblesse, et sa propension à tenter d’argumenter et de raisonner avec les autres abeilles pour tenter de faire de cet endroit un lieu un peu moins chaotique. Mais ses souvenirs commençant enfin à revenir, il savait désormais que ça n’était pas la profession qu’il avait exercé avant la Ruche. Friday n’était pas si loin, en un sens, les deux professions pouvaient avoir des similitudes. En un sens, les deux consistaient à savoir captiver et convaincre une audience.
Ce qui l’amenait à la question suivante soulevée par son interlocuteur, à savoir celle des sanctions et de la confiance qu’il accordait ou non aux autres. Se souvenir de sa profession avait comme fait sauter un verrou dans son esprit, lui donnant accès à des souvenirs qu’il n’avait pas su trouver jusque-là.
- Non. Je ne fais pas confiance aveuglément, et on a pu voir comme tu dis que tout le monde n’est pas forcément dans l’optique de respecter les règles qu’on nous impose. Mais justement, les punitions n’y ont rien changé. Est-ce que Rouky s’est arrêté de vouloir se rebeller même après ses emprisonnements à répétition ?..
Un soupir franchit ses lèvres. Il prit sur lui de ne pas enchainer, de tenter de ne pas poser de jugement moral sur ce comportement précis, ça ne mènerait nulle part.
- En pédagogie, on parle de sanction réparatrice, d’amener la personne qui commet une erreur à la réparer si c’est possible. La punition comme elle est pratiquée ici n’a qu’un intérêt très limité. Au mieux la personne prend peur et ne recommence pas, oui. Mais ça peut aussi créer une frustration, un sentiment d’injustice, surtout si la conséquence d’une action est disproportionnée, et ça ne mène qu’à plus de rébellion et on rentre dans un cercle vicieux.
Ce qu’il avait pensé être une discussion légère à l’origine prenait de plus en plus un tournant sérieux. Il n’était pas certain que c’était exactement ce que Friday avait besoin d’entendre, ni que lui-même ai vraiment envie de continuer à argumenter là-dessus. La vérité, c’est qu’il défendait un point de vue qu’il avait instinctivement, mais qu’il n’avait dans les fait aucune réelle certitude sur la Ruche. Après des mois passés entre ces murs, il se sentait toujours aussi perdu. Et là où il avait pensé que retrouver ses souvenir l’aiderait à faire un peu le point sur tout ça, les fragments de son passé qu’il avait retrouvé n’apportait en fait aucun éclairage nouveau sur la situation dans son ensemble.
L’intervention de Friday sur la possibilité que la Ruche ne soit en fait qu’une gigantesque télé-réalité lui arracha un demi-sourire pensif. Il l’avait envisagé dans ses premiers jours, juste un peu, mais avait vite mis l’hypothèse de côté. C’était trop gros à tous les niveaux. L’amnésie, les salles changeantes, les conséquences de leurs actions… Le tout était un peu trop extrême pour être crédible à ses yeux.
- Je vais pas essayer de te convaincre non plus. Je pense pas détenir la vérité absolu. Et honnêtement, c’est intéressant d’avoir ton point de vue, alors mon QI ne devrait pas trop en souffrir.
Il quitta le point flou qu’il fixait quelque part au niveau du sol, tout plongé qu’il avait été dans ses réflexions, pour venir reposer son regard sur l’homme en face de lui, lui offrant un léger sourire qu’il espérait sympathique.
- Je pense que tu te sous-estime, c’est pas parce que tes arguments ne sont pas parfaitement ordonnés qu’ils sont fondamentalement mauvais. Les bonnes idées, ça nait aussi des différences d’opinion, et ça n’est effectivement pas en restant chacun dans nos coins à ruminer en pensant avoir raison qu’on avance… C’est une bonne chose qu’on ai des avis différents et qu’on en discute. Ca m’amène à réfléchir aussi à ma manière de voir les choses et peut-être de la revoir. C’est peut-être comme ça qu’on arrivera à créer un tant soit peu de cohésion entre nous…
Il finit par s’interrompre et laisser planner un temps de silence, conscient qu’il avait un peu monologué.
- Désolé, je parle beaucoup. A croire que l’enfermement de ces derniers jours m’a donné à réfléchir… Tout ça pour dire que si je ne suis pas cent-pour-cent d’accord avec toi, ton avis n’est pas mauvais pour autant.