(2-G) Le jour où tout a commencé. | F02-020 & H02-22

Le jour où tout a commencé

Une main heurta le mur, brusquement. La paume et le bout des cinq doigts s’encrèrent sur la paroi blanche avec tant de force que les ongles changèrent de couleur. Les phalanges tremblaient, elles, violemment. Au bout de cette main, un bras et au bout de ce bras, un corps. Ce dernier était comme recroquevillé sur lui-même. La tête était tournée vers le sol et les cheveux tombaient, empêchant de voir le visage.

Cependant on pouvait entendre un râle, un souffle grave. Ce souffle n’était pas continu. Il ressemblait plutôt au souffle de quelqu’un qui faisait une crise d’angoisse. Le corps tout entier tremblait. 22 allait vomir, il en était sûr. Il se sentait si faible physiquement qu’il ne faisait plus attention à son état mental. Il n’avait plus aucun contrôle.

Puis, peu à peu, il reprit ses esprits. Il se redressa, il n’avait pas vomi. Ses yeux rouges semi-ouverts supportaient mal la lumière omniprésente. Il regardait la porte, la seule à sa disposition. Il avait eu le temps avant que la voix ne l’interpelle d’observer la chambre. Il n’avait aucune envie de la fouiller, il ne pensait qu’à sortir d’ici.

Il se dirigea vers elle et l’ouvrit.

De l’autre côté de cette porte se trouvait un couloir, blanc, trop blanc. Et juste en face la même porte. Il jeta un œil sur la droite, de son angle de vision trois canapés habillaient une pièce sobre. Les canapés étaient en totale adéquation avec le style des meubles de sa chambre. Il s’avança dans leur direction et découvrit une petite pièce qui devait servir de salon, il n’y avait rien d’autre que des canapés.

Une porte lui faisait face, il respira un grand coup et l’ouvrit doucement, son cœur battait, ses mains tremblaient.

La pièce était une chambre, la même que la sienne quoiqu’un peu plus grande. Il fit un pas en avant, elle semblait vide, personne ne devait l’avoir habité depuis quelques temps, les draps étaient faits, propres. Cette vision ne le calma gère, il voulait voir quelqu’un, il voulait entendre quelque chose de rassurant.

Il savait qu’il n’était pas chez lui, mais où pouvait-il être ? Tout lui semblait si insipide, si aseptisé. Ce logement ne ressemblait pas à une habitation, était-ce un hôtel ? Mais à quoi ressemblait un hôtel, 22 n’en avait plus d’idée précise. Était-il fou, malade ?

Mort … ?

Il fit demi-tour et s’engagea dans le couloir, quatre portes s’offraient à lui. La première sur la gauche était la chambre où il s’était réveillé. Sur le même mûr, au fond, il y en avait une autre. Une troisième terminait le couloir.

Et la quatrième, enfin, faisait face à sa chambre.

Il était devant cette porte, il jeta un coup d’œil dans la chambre qu’il connaissait. Puis il lui fit dos.

Il avança sa main, elle allait ouvrir la quatrième porte.

La porte d’une chambre habitée.

Mais il ne le savait pas encore.

( f02-020 x h02-22 )

L'eau coule sur mon corps dans un ruissellement continu.

La douche était vite devenu le moment le plus appréciable de ma matinée, après plusieurs jours passés dans la Ruche. Ce court moment de répit me donnait presque l'impression d'être à nouveau normale, à nouveau moi-même. Dans l'espace clôt de la salle de bain, je n'avais pas à me soucier des autres, du fait que mes souvenirs étaient toujours portés disparus, ou du fait que je ne connaissais toujours pas la raison de ma présence dans cet étrange lieu.

Un soupir m'échappa alors que l'eau s'arrêtait.

Les bons moments ont tous une fin.

Attrapant la serviette que j'avais disposée près du lavabo, j’enroulai celle-ci autour de ma personne pour me sécher brièvement, avant d'enfiler mes vêtements. L'envie de brûler la maudite chemise que nous étions forcés à porter était forte, mais je me contenta de l'enfiler, retroussant les manches proprement au-dessus du coude. Mes jambes furent rapidement couvertes par le pantalon, et mes pieds se glissèrent dans mes chaussures. Ce ne fut qu'une fois que j’eus attaché mes cheveux mouillés dans une queue de cheval haute que je les entendis.

Des bruits de pas.

Me figeant sur place, je tendis l'oreille.

Je n'attendais la visite de personne, alors cela ne signifiait qu'une chose ; une des autres chambres allait enfin être habitée. Un court sentiment de déception s'installa en moi, avant que la résignation ne fasse place. Je m'étais bien doutée que je n'aurais pas eu le privilège d'avoir un lieu de vie rien que pour moi-même alors que le reste des habitants de la Ruche, eux, avaient des colocataires. Mais je ne pouvais m'empêcher d'être déçue à l'idée de perdre le peu de liberté que j'avais eu ces derniers jours.

Les pas se rapprochèrent de plus en plus de là où je me trouvais. Avais-je été entendue ? Cela n'importait peu. De toute manière, je ne pourrais pas éviter cette personne, qui qu'elle soit, bien longtemps. Un nouveau soupir m'échappa alors que je m'approchais lentement de la porte de la salle de bain, me demandant comment agir. Devrais-je faire du bruit pour signaler ma présence avant de sortir afin de ne pas effrayer la personne, ou devrais-je agir en silence ? Pesant le pour et le contre quelques secondes, je finis par faire coulisser la porte lentement.

Face à moi, un homme, de dos, sur le point d'ouvrir la porte menant à ma chambre.

Bonjour, dis-je calmement et sans bouger.

( Pando )

Bonjour.

Il sursauta. Son bras gauche s’élança en arrière, lui permettant de faire face à la personne qui venait de l’interpeler. L’effroi parcourut son corps et il sentit un frisson dans la nuque mais il ne savait pas si cette émotion était trahie par ses yeux.

Elle était jeune, plus jeune que lui. Ses vêtements étaient blancs et il remarqua que c’était exactement les mêmes que les siens. Quatre bandes grises étaient présentes sur sa manche, ce qui donnait à sa chemise une allure particulière. Elle ne donnait pas l'impression d'être heureuse de le voir, comment aurait-elle pu ? Mais quelque chose de plus semblait se cacher dans son regard, de la déception peut-être ? 22 ne le savait pas. Mais il analysa ce regard un bref instant, assez bref pour que sa réponse ne soit pas attendue.

Excuse-moi, tu m’as fait peur.

Les idées se bousculèrent alors dans sa tête. Le fait qu’elle ne soit pas surprise, le fait qu’ils partagent un logement. Et s’ils se connaissaient ? Cela semblait logique pour 22, mais la potentielle nature du lien lui échappa totalement. Et puis il y avait cette histoire de vêtement, les mêmes vêtements ? Et s’ils étaient internés ensemble ?

Internés dans un hôpital.

Et s’ils étaient fous ?

Avant de la voir il s’était imaginé, sauter sur son interlocuteur, le bombarder de question, le coincer contre un mur. Mais il n’en fit rien. Était-ce parce que son interlocuteur était une jeune fille, sortant probablement de la salle de bain ? Était-ce parce qu’elle semblait vulnérable, coincé dans un couloir ? Était-ce la surprise ? Peut-être n’était-il pas son genre d’agresser un inconnu. Pour l’instant il n’en savait rien.

Puis il prit la parole, elle lui vint d’un coup. Il ne savait pas pourquoi il avait dit ça, c’est comme si ce n’était pas lui qui parlait.

On … désolé de te poser cette question qui peut … sembler étrange mais.

Il marqua un temps de pause de quelques secondes.

Je veux dire … on se connait ? Je n’ai pas l’impression de me souvenir de toi mais … dans l’état actuel des choses … je …

Puis le silence tomba. Il ne voulait pas continuer, la vérité ne lui convenait pas. Alors il garda le silence en attendant la réponse.

( f02-020 x h02-22 )

Un court sentiment de culpabilité m'envahit alors que l'inconnu sursautait.

Je n'avais pas voulu l'effrayer, encore moins en sachant personnellement à quel point il devait se sentir perdu à ce moment précis. J'étais également soulagée de ne pas avoir tenté de me rapprocher de lui ; au vu de la vitesse avec laquelle il s'était retournée, j'aurais peut-être reçu un coup involontaire de sa part.

Excuses acceptées, répondis-je avec un maigre sourire que j'espérais rassurant.

Je ne savais pas comment procéder face à cette situation. Le fait de ne pas avoir été préparée à l'arrivée de cette nouvelle personne ne m'aidait pas non plus. Quels mots seraient en mesure de le rassurer ? En étais-je au moins capable ? Je ne m'étais pas préparée à l'éventualité de devoir être le premier visage vu au réveil de quelqu'un d'autre. Soupirant mentalement, je pris une courte inspiration, tentant de m'éclaircir l'esprit. Je m'apprêtais à prendre la parole quand l'homme me prit de court, me posant une question. Soulagée de ne pas avoir à commencer, je lui fis signe de me suivre dans le salon du logement.

Les excuses ne sont pas nécessaires, les questions sont tout à fait naturelles dans l'état actuel dans lequel tu es. Non, nous ne nous connaissons pas. Du moins, pas que je puisse m'en souvenir, dis-je, prenant place sur l'un des canapés de la pièce. Je ne sais pas non plus pourquoi nous avons été placés dans le même logement, si tu te poses la question. Je suis pratiquement sûre que c'est un choix aléatoire, mais je n'en suis pas sûre.

L'idée qu'on puisse se connaître sans se souvenir de l'un et de l'autre était assez perturbante. L'homme devait faire sans doute le double de mon âge, voir peut-être plus si il avait bien vieillit. Je ne voulais pas imaginer la possibilité que nous partagions un quelconque lien, cela serait trop difficile à accepter dans les circonstances actuelles. Mais penser à cela ne servirait à rien ; tant que nos souvenirs étaient absents, il était inutile d'inventer des scénarios de ce type. La vérité finirait bien par éclater un jour.

Quel est ton matricule ? demandais-je, faisant référence au numéro qui lui avait été attribué par la voix. Le mien est F02-020, mais tu peux m'appeler 020.

( Pando )

Il mit du temps à s’installer sur un des canapés de la pièce. Pas que je puisse m’en souvenir avait-elle dit… Pas que je puisse m’en souvenir … Ca sous-entendait … qu’il n’était pas le seul à avoir perdu la mémoire. Il se retourna et fit dos à son interlocutrice, ses yeux se froncèrent et il s’installa sur le canapé opposé.

Elle reprit la parole, mais il ne comprit pas sa question. Un matricule ? F02-020 qu’est-ce que ça voulait dire ?

Comment ça un matricule ? Tu veux dire qu’on ne t’appelle pas par ton prénom ? répondit-il. Puis ses yeux prirent un air abasourdi. Mais… Maintenant que tu le dis, la … voix qui m’a parlé à mon réveil … cette voix m’a appelé … je n’sais plus … je crois que ça commençait par H quelque chose 2 … 22 ! C’est ça, ça terminait par 22.

Les choses prenaient une tournure qu’il n’aimait pas. Il apporta ses mains à ses yeux et se frotta le visage en pressant avec ses paumes. Son cerveau semblait s’être désactivé sous le flot d’information, son souffle était profond et lent. Il contrastait avec son état d’esprit, mais son corps lui donna l’impression de maîtriser la situation, de savoir comment réagir.

Ca le rassurait.

Et puis il prit la parole. Presque sans s’en rendre compte :
Donc, si j’ai bien compris … Tu ne te souviens de rien non plus ? Tu as dit que tu ne savais pas si tu me connaissais, je crois comprendre que tu ne te souviens pas non plus de ton prénom. Et puis, tu parles de logements, il y en a d’autres ? Tu es éveillée depuis longtemps ? Je … Il prit un temps de pause puis la regarda dans les yeux. Désolé… je pose beaucoup de question, je suis un peu perdu. Je me doute que ça ne doit pas être facile pour toi de parler de ça et …

Il ne termina pas sa phrase. Ses yeux se plongèrent dans ceux de 020, au plus profond. Il chercha quelque chose, un souvenir, un regard familier, quelque chose. Mais rien ne vint. Il ne lui semblait pas la connaître. Elle était jeune, mais semblait tout de même trop âgée pour être sa fille. De toute façon, pensa-t-il, je reconnaîtrais ma fille, je crois. Elle était mignonne mais avait un aspect fragile, peut-être que cette impression lui venait du regard, peut-être avait-elle peur de lui. Il réalisa qu’il avait une barbe de plusieurs semaines, que ses cheveux partaient dans tous les sens et qu’il devait probablement avoir une sale tête, qui n’en aurait pas une après un réveil pareil. Son visage esquissa alors un sourire, qu’il espérait rassurant.

Je ne pense pas te connaître. Tu ne me dis rien, mais en tout cas, bravo. Bravo pour le courage dont tu as fait preuve pour ne pas fuir quand tu as vu un grand homme négligé débarquer dans ton logement. Je me suis moi-même fait peur en me voyant dans la glace. Je te promets qu’à notre prochaine rencontre je serais propre comme un sous neuf et bien plus avenant, lui disait-il, un sourire sur le coin de la lèvre.

( f02-020 x h02-22 )

Plus je parlais, plus l'homme semblait perdu, me faisant une nouvelle fois regretter mon manque d'informations ; comment pouvais-je aider quelqu'un de cette manière ? A ce rythme-là, l'inconnu aurait bien plus de questions que de réponses. J'espérais juste qu'il ne serait pas sujet à une quelconque crise, je ne saurais pas comment gérer ça en plus du reste. J'espérais aussi que la dernière personne à rejoindre notre logement n'arriverait pas immédiatement ; de cette façon, j'aurais peut-être le temps de me familiariser plus avec la Ruche et avec l'homme face à moi.

Un ''H'' et un ''22'' ? Alors ton matricule doit être H02-22 dans ce cas, répondis-je, mon attention se remportant sur lui avant de préciser. Le H signifie que tu es un homme, c'est pourquoi mon matricule commence par un F, car je suis une femme. En second vient le mois de notre arrivée ; puisque nous sommes tous deux arrivés en février, notre chiffre est le 02. Pour ce qui est du dernier chiffre, je ne sais pas ce qu'il signifie..

Encore aujourd'hui, ce dernier numéro me rendait curieuse quant à sa signification. J'avais d'abord pensé au jour de notre arrivée, mais étant arrivée le 11 et portant le chiffre 020, cela n'avait tout simplement aucun sens. Sans compter que certains chiffres différaient ; certains en avait trois comme c'était mon cas, et pour d'autre, ils n'en portaient que deux. Encore un autre mystère à résoudre, comme si il n'y avait déjà pas assez de questions me trottant en permanence dans la tête.

Voyant l'homme porter ses mains à ses yeux, je ressentis le court besoin de m'excuser avant de m'abstenir. Il valait mieux qu'il apprenne tout ça de moi dans l'immédiat et dans la solitude de notre logement plutôt que d'apprendre ça dans un des espaces communs, sous les yeux de tout le monde.

C'est exact, je ne me souviens de rien. Mon nom, mon âge, d'où je viens, qui j'étais.. tout semble avoir disparu de ma mémoire, dis-je avec honnêteté. Je me suis réveillée dans ma chambre il y a un peu plus d'une semaine, dans le même état que le tient ; complètement perdue. Je n'avais personne à qui poser des questions ici, donc je suis sortie et j'ai rencontré un homme qui m'a expliqué ce qu'il se passait dans les grandes lignes.

Parler avec H01-111 avait été d'une grande aide à ce moment là, même s'il n'avait eu aucune véritable information ou explication à me fournir. Mentalement parlant, j'avais été soulagée d'apprendre que tout le monde ici avait les mêmes soucis.

Il y a plusieurs logements oui, et plusieurs personnes. Je ne saurais te dire le chiffre exact car il y a des arrivées assez fréquemment, mais je pense que notre nombre avoisine les 80, voir plus si tu n'es pas le seul à être arrivé aujourd'hui, continuais-je après une seconde de silence. Et merci, mais ce n'est pas du courage. Je sais juste exactement comment tu te sens maintenant, j'ai été à ta place. Et j'étais heureuse d'avoir eu la chance à ce moment là de rencontrer quelqu'un qui a su soulager ne serait-ce qu'une once de mes incertitudes. Je veux juste pouvoir faire de même.. même si j'ai l'impression de plus t'inquiéter depuis ces dernières minutes qu'autre chose, dis-je avec un rire embarrassé, tentant de passer la main dans mes cheveux avant de réaliser que ceux-ci étaient toujours accrochés.

( Pando )

Ses pensées se focalisèrent sur les matricules. H02-22 et F02-020. Cela semblait clocher. Il n’avait entendu que la fin de son matricule après tout, et peut-être que …
Il prit la parole :

Attends, attends, tu es une femme arrivée en février, d’accord : F02. Moi un homme arrivé le même mois, donc logiquement H02. J’ai seulement entendu la fin de mon matricule, qui correspond à 22. Et si je n’avais pas entendu le zéro qui précède ce nombre ? Je suis peut-être H02-022. Auquel cas, ce nombre peut donner notre ordre d’arrivée dans cet endroit, dit-il en se grattant la barbe. Mais quelque chose cloche si nous sommes près de 80 … à moins que … à moins que l’ordre d’arrivé ne soit réinitialisé tous les mois. Ce qui, statistiquement, semble concevable.

Il ferma les yeux et se mit à penser, une expérience, oui, ça ressemblait à une expérience. Quelque chose de construit autour d’eux, quelque chose qui permettrait à certaines personnes d’observer leurs réactions, leurs comportements. Cela expliquerait les matricules, utilisés afin d’établir des corrélations entre les différents sentiments qui les parcouraient. Cela expliquait aussi l’absence de mémoire, afin de traiter l’humain dans son essence même, dans ce qu’il a de plus pur. Devait-il partager ses propos avec sa colocataire ? Il ne le savait pas, elle semblait digne de confiance mais dans le doute il se ravisa.

Il ne semblait plus être bouleversé, ses idées se bousculaient et les conclusions fusaient. Il laissait son instinct le guider. Il avait une impression de déjà vu, comme s’il cette expérience ne lui était pas inconnue. Un frisson lui parcourut rapidement l’échine et il s’adressa de nouveau à sa colocataire :

C’est étrange de le tourner comme ça, mais … cette histoire de … perte de mémoire … de foule. J’ai besoin de te poser une question, il respira un grand coup et regarda 020 dans les yeux. Je vais être honnête avec toi, tu me semble digne de confiance, mais j’ai besoin d’en être sûr. Si jamais ça commence à chauffer dehors, pour je ne sais quelle raison, est-ce que je peux te considérer comme digne de confiance ?

Il marqua une pause et se rendit compte du ridicule de la situation, mais son instinct lui disait de faire attention, de se méfier des gens qu’il pouvait rencontrer. Et 020 ne semblait vraiment pas dangereuse.

Nous allons avoir besoin de quelqu’un sur qui compter, l’un comme l’autre. Est-ce possible que nous mutualisions les choses que nous observons, les gens qui nous semblent suspect, ce genre de chose ? dit-il maladroitement, en remontant sa chemise correctement sur ses épaules.

( f02-020 x h02-22 )

J’y ai cru aussi mais non, nous n’obtenons pas nos derniers numéros selon notre ordre d’arrivée, le stoppais-je immédiatement. D’autres personnes sont arrivées avant toi et ont des numéros inférieurs au mien, ou bien plus supérieurs. Certains portent des numéros dépassant le chiffre 100, alors que nous sommes beaucoup moins ici. Ces chiffres doivent avoir une signification qu’on ne réalise pas encore, peut-être en rapport à notre passé ? Ou peut-être est-ce simplement un moyen de nous différencier plus facilement, donc ces chiffres nous sont donnés aléatoirement.

Je sentais déjà mon colocataire tomber dans le gouffre profond des théories et des questions sans fin. Même après plusieurs jours dans la Ruche, j’avais encore tant de choses à apprendre et à découvrir à un point tel que j’étais très frustrée de ne pas pouvoir en découvrir d’avantage. J’avais toujours l’impression d’être la petite nouvelle arrivée aujourd’hui qui ne savait rien sur le monde qui l’entourait. Mais j’espérais qu’au fil du temps, je viendrais enfin à bout des secrets qui regorgeaient en ces lieux.

Reportant mon attention sur 22, je découvris que ces yeux s’étaient fermés. Je me demandais à quoi il pouvait bien penser, mais je ne le pressa pas pour savoir. Je savais qu’il avait besoin de temps pour réfléchir et se calmer. Cette situation était loin d’être facile à gérer et à accepter, et ce n’était pas en le brusquant que je l’aiderais. Finalement, il reprit la parole et ses mots me rendirent muette un instant.

Je pourrais te dire que je suis quelqu’un de confiance.. mais la vérité est que je ne peux pas. finis-je par dire honnêtement, avant de le regarder dans les yeux. Je ne sais pas qui j’étais avant, et comment je réagirais si je me retrouvais en situation de danger. J’aimerais te rassurer et dire que tu pourrais compter sur moi, ou sur quelqu’un d’autre ici.. Mais la vérité est que tu devrais faire attention, à moi comme aux reste des habitants. Nous sommes tous désespérés d’en savoir plus, de savoir qui on est, de sortir d’ici.. et le désespoir peut faire des ravages, surtout quand il est sujet de sauver nos propre arrières. continuais-je, me triturant les mains.

Je savais que ces paroles ne le rassurerait pas le moindre du monde et qu’il en viendrait peut-être à se méfier de moi. Je ne l’en blâmerais pas si c’était le cas. Mais je préférais faire immédiatement preuve d’honnêteté plutôt que de le prendre en traître un jour. Après un moment d’hésitation, je décida aussi de lui partager une théorie que j’avais eu peu de temps après mon arrivée.

Pour tout te dire..je pense que certaines personnes parmi nous font semblant et nous surveillent peut-être. Je ne peux pas croire que nous serions tous mis dans ce lieu étrange sans raison, et encore moins sans surveillance. Et en me promenant dans les lieux, je n’ai pas pu apercevoir une seule caméra.. dis-je dans un soupir. Je ne peux pas te confirmer que j’ai raison, mais je préfère que tu saches que tu ne trouveras peut-être pas que des amis ici. Je peux en être une ; après tout, on va vivre ensemble pendant je ne sais combien de temps. Mais je ne pourrais jamais t’assurer que je pourrais toujours avoir tes arrières, surtout si je suis moi-même en danger.

( Pando )

Spoiler:

Il laissa 020 parler, il ne voulait pas lui couper la parole. Son regard se baladait dans la pièce et passait sur le visage de la jeune femme de temps en temps. Cet endroit était étrange. Comme dans la chambre, les meubles ne semblaient pas en adéquation avec l’architecture. Il s’était déjà fait la réflexion mais cet incohérence le dérangeait vraiment. Quand elle eut terminé, il lui répondit :

Bien entendu que nous ne savons pas si nous étions dangereux ou pas. Je ne te demande pas de me couvrir quoi qu’il advienne, ça serait insensé et absurde de ma part. Juste … l’union fait la force. Soit nous restons seuls et nous laissons les autres, peut-être mal intentionnés, prendre l’ascendant. Soit nous essayons de nous serrez les coudes, de nous aider mutuellement, tant que cela est possible.

Il prit sa respiration un grand coup et continua sur ses propos :

Je te demande ça parce que nous vivons ensemble. On va souvent avoir l’occasion de se côtoyer et je préfèrerai mutualiser les informations, les remarques, les dangers que nous repérons. Plutôt que de m’enfermer dans ma chambre sans savoir si je peux dormir sur mes deux oreilles. Que nous soyons de bonnes personnes ou de bons gros salopards, ça ne changera rien, nous en aurons besoin.

Quand il eut terminé, il se sentit anxieux. Il parlait de se protéger, de dangers. Il ne savait même pas ce qu’il y avait de l’autre côté de cette porte. Était-il parano, fou ? Cette explication ne lui semblait pas exclue. Il se rendit également compte que sa voix était forte. Il n’était pas en colère, il voulait honnêtement proposer à sa colocataire une aide mutuelle et pas la manipuler ou lui faire peur. Mais chose est de constater que sa voix était puissante et son volume sonore important.

Ses idées se brouillèrent et il sentit une violente envie de sortir de cet endroit, de regarder les autres. Il réfléchit un court instant et le bon sens lui disait de se préparer, de s’apprêter. Après tout il était sale, transpirant, ses cheveux avaient besoin d’un bon lavage. Ce sentiment le rassura. Si je tiens vraiment à être présentable, c’est surement que je ne suis pas dérangé, pensa-t-il sans vraiment savoir s’il était honnête ou s’il cherchait juste à se rassurer.

Il se leva.

Je crois que j’ai grand besoin d’une douche froide, pour me remettre les esprits en place. Après ça je vais sortir, j’ai besoin de sortir. Sa voix était plus calme, posée. J’ai besoin de voir cet endroit. Après un temps de réflexion, il regarda de nouveau 020 dans les yeux. Désolé si je t’ai brusqué, mais je pense vraiment que l’entraide ne peut que nous profiter. Et puis … je ne sais pas … tu n’as pas l’air dangereuse, tu me fais bonne impression. Tu as voulu être rassurante, je suis certain que tu n’es pas quelqu’un de foncièrement mauvais.

Il tendit sa main vers 020.

Ma proposition te va ? Elle est sans condition et annulable à tout moment par l’une des parties concernées. Elle n’engage à rien, et ne te conduira pas à l’embarrassante situation dans laquelle un vieux gaillard mal coiffé te suivra partout, je te le promets.

Et il lui sourit.

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