Tout à l’heure.
Je ne sais pas trop. Quelque chose comme ça.
Je ne sais pas non plus quelle heure il est, mais ce que je sais, c’est qu’il y a encore cette voix.
J’ai l’impression qu’elle est dans ma tête. Toujours avec cette série de 0 et de 1. Je ne comprends strictement rien.
J’ai encore ce sentiment de tête lourde et que mon corps refuse d’obéir à tous les ordres qui lui sont donnés.
Il me faut un certain temps pour réaliser que je ne suis pas endormie dans un lit, mais sur le canapé du logement dans lequel je suis. Il semblerait que c’est le mien, mais je ne suis sûre d’absolument rien.
Si, il y a une chose dont je suis certaine : j’ai faim. Du genre vraiment. Du genre qui fait tellement gargouiller mon ventre que je ne peux pas faire autrement que de me redresser.
Ce qui n’est pas forcément des plus agréable tellement j’ai l’impression d’être en charpie.
Il faut que je trouve où est-ce que je suis censée me nourrir.
Si seulement cette voix voulait bien se taire, je pourrais au moins essayer de réfléchir comme il se doit.
Il me faut un certain temps pour parvenir à me mettre en position debout, et surtout pour me traîner dans la salle de bain. Il y a tout ce qu’il faut, ça à l’air neuf tout ça, mais dans ce brouillard où baigne mon cerveau, difficile de savoir.
Peut-être que je suis en train de voler les affaires de quelqu’un… Désolée, qui que vous soyez !
L’eau chaude me fait un bien fou, comme si elle rassurait mon corps, comme si elle lui ordonnait de se détendre.
En tout cas, je me suis détendue. Un peu.
Complètement nue en sortant de la douche, j’ai fais un rapide examen de mon épiderme, et de mon visage, découvrant un encombrant ensemble de bouclette sur ma tête, bon, au moins, j’aurais toujours un oreiller à disposition, mais surtout deux tatouages. Un tout petit éléphant à côté de mon sein gauche, et une envolée de plumes sur le flanc droit.
Je n’ai pas la moindre idée de ce qu’ils veulent dire, et encore moins le souvenir de les avoir faits… mais au moins, je les trouve sympa !
A nouveau, il me faut du temps pour sortir de là, et finir par trouver où aller.
En fait, j’ai surtout suivi les autres personnes qui sortaient eux aussi des logements et se dirigeaient naturellement vers une autre zone.
Quelque part, je suis rassurée de voir d’autres êtres humains, mais d’un autre côté, je crains vraiment qu’ils ne se mettent eux aussi à parler avec des 0 et des 1… et là, je n’aurais ni la patience, ni la concentration nécessaire pour le supporter.
Du coup… est-ce que ce sont vraiment d’autres êtres humains ?
Oui. La démarche de certains me le confirme, même si d’autres me font me poser la question.
Cette autre zone à tout l’air d’abriter le strict nécessaire, de là où je suis, je crois voir une salle de sport, une bibliothèque et une espèce de cantine.
Peut-être que c’est parce que mon corps réclame trop, mais je ne vois plus que ça. Et je veux croire que c’est ça. Des gens mangent. C’est forcément ça.
Là encore… il me faut du temps. Pour comprendre comment ça marche.
Parce que je ne voyais nulle part de la nourriture, à part sur les plateaux des autres personnes, il n’y avait rien d’autre.
Sauf des personnes qui se présentent devant les espèces de distributeurs. Ah… sauf que je n’ai pas le moindre argent sur moi.
En regardant de nouveau autour de moi, j’ai la sensation d’être complètement seule, malgré la présence d’autres personnes autour de moi, l’incompréhension, et surtout cette peur de ne rien comprendre. Et aussi de ne pas être comprise.
Je suis de nouveau le mouvement vers les machines, peut-être que je surprendrais un geste qui me permettra de savoir comment procéder.
Mais en attendant mon tour, mon attention se perd sur la pièce, si on peut la définir ainsi, et sur ce qui la compose.
Il y a cet écran qui défile, dans plusieurs langues on dirait, énonçant diverses règles. Il faudrait que je prenne le temps de les découvrir, même si cela veut dire fixer cet écran pendant un long moment.
Il y a aussi une très grosse feuille avec diverses écritures dessus. Ça aussi, il va falloir que je la regarde de plus près.
Les autres personnes ont l’air plus ou moins détendues et habituées à cet environnement, oserais-je… pas plus perturbées que ça ? Depuis combien de temps est-ce que ces gens étaient là ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? Des années ?
C’est mon tour devant le distributeur, mais je me retrouve complètement paumée par ce qui est en face de moi.
Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je suis censée faire ?
Prenant mon courage à deux mains, je me tourne vers la personne derrière moi, en essayant de m’armer de mon plus beau sourire, qui me donne sans doute l’air d’être crispée, et prononce mes tous premiers mots depuis mon réveil ici :
Comment est-ce que ça marche ?
Je m’attends à provoquer l’agacement chez les autres personnes qui attendent, mais tant pis. Avec un peu de chance, la personne qui me fait maintenant face est bourrée de bonnes intentions et se montrera patiente et bienveillante. Et avec encore un peu plus de chance, elle parlera une langue que je comprends. Et même si je ne comprends pas, tant que ce sont des mots qui sortent de sa bouche, j’en serais heureuse.