Some peace. Finaly. || Ft. H01-7

Je ne sais plus depuis combien de temps je fixe le plafond, tenant mon bras comme un petit animal blessé, lorsque la lumière m'aveugle soudainement, me faisant grogner au passage. Une nouvelle journée qui commence, un nouveau calvaire qui s'amorce et une nouvelle baffe que je devrais me donner pour le principe avant de commencer à avoir l'air d'un cadavre davantage qu'un homme. Surtout si j'en ai pour des mois dans cet état. Ça ne peut pas continuer comme ça, ce n'est pas humain. Je me redresse, doucement, soufflant, frottant mon front en une vague tentative de chasser la migraine qui menace de m'agresser la cervelle. Il nous faut un minimum de médication c'est pas possible. « Allez lâche pas... » Que je me murmure à moi-même avant de m'expulser hors du lit pour me diriger vers la salle de bain dans l'espoir de me doucher. Une douche longue, trop longue, pour le simple principe que ça relève du défi pour le faire correctement sans empirer la situation. De la médication et un sac de plastique pour cacher cette fichue attelle et m'empêcher de de voir la retirer chaque fois, mieux encore un foutu plâtre imperméable, c'est tout ce que je demande. C'est presque rien. Je ne sais pas si je devrais prier ou simplement hurler ma demande à cette dame agressante dont je ne suis plus capable d'entendre la voix au réveil. 'Vous devriez faire attention à votre bras'. Sérieusement? Je n'avais pas remarqué. Prier, pfff... Je ne sais même pas si je suis croyant de quoi que ce soit, si je l'étais. Cette foutue cervelle vide. Une chose, je veux juste une chose à quoi m'accrocher...

Il est 6h45 lorsque je m'extirpe finalement du jet d'eau chaude, bouillante, me cuisant la chaire comme un homard, pour me diriger vers ma chambre et m'habiller au mieux. On pourrait croire que j'arrive à trouver le truc et accélérer les choses avec le temps, mais non. Je peux lire plus de quatre langues, mais je ne suis pas rapide pour assimiler de nouveaux concept visiblement. Ça ou mon cerveau est brisé plus profondément que je le croyais. Il est près de 7h05 lorsque j'arrive enfin à passer le pas de la porte du logement... et me stopper net en voyant la couleur teintant l'environnement. Sentant mon cœur s'accélérer tout naturellement en mode panique, mes muscles se tendre douloureusement, mon regard scrutant les environs. Puis, je lève la tête, apercevant le décompte de temps sur l'énorme écran nous surplombant. « Qu'est-ce qui se passe? » Que je marmonne pour moi-même, ne voyant personne pour le moment avec qui partager mes interrogations. Qu'est-ce que je fais? Ça y est? C'est le jour où nous allons tous mourir? Fuck.. Je m'avance sur le balcon, observant les environs pourtant inchangés autrement que baignés dans cette teinte que je peine à supporter. Rouge, si rouge, si... Comme si les murs et le sol c'étaient soudainement couverts de sang. Comme si mes vêtements l'étaient tout autant. Ça ne peut rien augurer de bon.

Je continue pourtant d'avancer, bien déterminé à ne pas simplement faire demi-tour pour retourner dans ma chambre. J'avance d'un pas prudent, cherchant quel élément de cet endroit pourrait dans l'immédiat me montrer si oui quelque chose a vraiment changé. Je pense alors aux machines distributrices, me disant que si elles me donnent quelque chose de douteux à manger alors là définitivement c'est la fin. Je m'y dirige donc, continuant d'observer autour de moi tout en progressant avant de finalement les atteindre. J'allais y glisser mon poignet lorsqu'une voix m'interpelle et me fait me retourner en direction d'un homme que je me souviens avoir vu à quelques reprises sans lui avoir parlé pour autant. Notamment lorsque ce cher 71 a joué les exhibitionnistes en flashant la fontaine. « Hey... » Mon regard bifurque brièvement sur sa canne, n'arrivant pas à me souvenir si je l'ai vu avec avant l'incident m'ayant gratifié de ma fracture, avant de parcourir les environs de nouveau. Pas que tout le monde soit matinal, mais l'endroit semblait en effet plus calme qu'à l'habitude. « Aucune idée. Le décompte avant l'explosion peut-être... Une dernière pensée avant de mourir? » Que je réponds avant de glisser mon poignet dans la machine et la voir me donner ce repas fort trop basique de croisant et jus d'orange. Bien... rien de nouveau de ce côté depuis que j'ai cessé le sport.

« Hum. » Exprimais-je au commentaire si froidement lancé par mon vis-à-vis. Ai-je trouvé plus grognon que moi en cet endroit? Peut-être est-ce l'effet 'blessure' tout naturel sur l'humeur des gens qui sait. Il n'a tout de même pas tord. Quitte à ne pas survivre beaucoup plus longtemps, un dernier repas ne devrait pas faire de mal outre-mesure. Si au moins il avait pu être constitué de plus qu'un stupide croissant et un verre de jus d'orange dont je ne suis pas particulièrement fanatique. C'est de calcium dont j'ai besoin pour mes os stupide machine, pas de vitamine qui ne changera rien au déroulement de ma journée. L'inconnu a davantage de chance niveau premier repas de la journée et mon ventre en proteste presque. Il faut dire que passer d'un plateau largement rempli parce que je passe ma journée à brûler de l'énergie à un plateau presque vide parce que je deviens aussi actif qu'une plante dans son pot crée un trou quelque part. Et pas uniquement dans mon estomac ayant besoin de bien moins d'énergie pour fonctionner. Dans ma routine, ma façon de vivre et surtout la fréquence à laquelle je commence à spontanément lâcher des soupirs pour exprimer comme j'en ai assez de cet endroit. Normal après plus d'un mois non?

Tenant mon plateau à une main, comme si j'avais le choix, j'affiche une mine un peu blasé à sa façon de soulever nos 'handicapes' avant de le suivre du regard tandis qu'il va s'asseoir sans l'once d'une délicatesse. Scrutant le reste des tables, vides, durant quelques secondes, je lâche finalement l'un de ces désormais trop communs soupires avant de me décider à aller prendre place face à lui. Non pas pour l'embêter d'une quelconque façon ou envahir son espace vital, même si je le fais sans doute un peu au passage, mais simplement pour le principe que si ce décompte stupide et cette ambiance morbide annoncent bien notre mort j'apprécierais ne pas passer mes dernières heures à ruminer mon malheur seul. « Ça t'ennui si je mange avec toi? » Demandais-je tout de même en m'efforçant d'esquisser un sourire. « Je promets de ne pas être dérangeant. » Ajoutais-je avant de commencer à me battre, comme d'habitude, avec mon croissant pour essayer de le couper en morceaux de mes doigts. Pas que je ne pourrais pas simplement mordre dans le truc en entier, mais ça me fait du bien d'essayer de me convaincre que je ne suis pas totalement inutile même dans cet état. « T'imagines si on avait vraiment été enfermés ici que pour mourir bam comme ça sans avis? » J'enfourne finalement une bouchée du truc entre mes lèvres en les pinçant. Ce serait réellement déplaisant tout de même comme finalité après ce gros rien dans cette prison d'un morne...

J'ai sourit, largement je l'avoue, au commentaire qui a suivit les propos que j'ai formulé avant de prendre ma bouchée de croissant. Il ne semble pas l'avoir facile du tout ce pauvre type. Comment est-ce que je pourrais le juger alors que la majorité du temps je me sens tout aussi agréable que lui? Étrangement, il aura fallut que je me trouve face à tout aussi grognon que je peux l'être pour arriver à laisser un sourire franc s'étirer sur mes lèvres. Ça me manquait ça, juste ça. Penser à autre chose que ce bordel l'espace de quelques secondes. Pourquoi lui? Pourquoi cette réaction bien particulière de sa part? Ça par contre je ne saurais le dire. Peut-être vois-je en lui quelque chose que j'ai déjà vu en quelqu'un d'autre par le passé qui sait. Peut-être que ça me fait simplement sourire comme un crétin de comprendre pourquoi je semble être si agréable à embêter à être tout aussi joviale que lui depuis quelques temps. C'est un peu comme un défi personnel d'essayer de faire sourire l'autre, au minimum le faire réagir. Un défi pour ceux qui embêtent les autres compulsivement. Simplement une observation de ma part alors que ce n'était pas réellement le but escompté. Je sentais simplement le silence pesant sous cette agressante lumière rouge qui forçait un malaise en mes tripes. Je ne l'aimais définitivement pas cette couleur, ce qu'elle pouvait signifier, ce qu'elle laissait malgré elle présager. De la douleur, de la souffrance, du sang, la mort... Sixteen penserait-elle à cette image qu'elle m'a mentionné il y a de nombreuses semaines déjà en la voyant? Si elle la voyait... Où pouvaient bien être passés les habitués de l'endroit à cette heure? La purge avait-elle déjà commencé? « Désolé. » C'est ce que j'ai marmonné doucement après avoir terminé ma bouché de croissant, laissant le temps passé et le silence s'installer. Ce serait dommage tout de même de le faire fuir pour si peu.

Je continue donc de manger, boire ce jus que je n'apprécie pas particulièrement, en zieutant les environs, mon plateau, son plateau... son visage lorsqu'il décida de parler à son tour. Pas si surprenant qu'on ait pu être enfermés ici simplement pour mourir? Et en quoi est-ce que ce ne serait pas surprenant exactement? Parce que ces machines s'assuraient qu'on mangeait bien? On serait ici pour... des dons d'organes de masse? À moins que ce ne soit parce qu'on ne savait justement rien de rien de la situation. La mort était prévue depuis le début, mais personne ne voulait nous faire paniquer alors hop quelques cellules de cerveau en moins et plus de soucis de ce côté. Ça restait fort peu sympathique tout ça. « Il y a probablement une raison oui... Cet endroit est trop propre et parfait pour qu'il n'y ait pas quelque chose de louche derrière. » Dis-je en me frottant le visage. Ça en était presque épeurant cette façon si 'zen' que nous avions de parler de la mort. « Et je crois qu'il n'auront pas de mal à faire ça rapidement au vu du pourcentage d'estropiés en ce moment. » Ça fait des proies facile j'imagine.

Ceci dit... je me complais dans le jeu du silence. N'ai-je pas promis de ne pas le déranger après tout? Il m'a bien fait comprendre une fois que j'avais trahi ma promesse en trop peu de temps. Comment le supporterait-il lui, le silence? Était-ce pour cette raison qu'il ne me semblait pas l'avoir énormément croisé depuis mon arrivé ici, parce qu'il se complaisait à simplement rester seul et dans le silence? Pourquoi pas après tout. J'appréciais bien un peu de solitude moi-même, mais je crois qu'un part de moi avait toujours besoin de s'assurer qu'au dehors de ma chambre des êtres vivants se baladaient toujours dans les environs.

Les minutes passent et le silence reste, toujours aussi pesant et me faisant me caler davantage sur ma chaise comme si ça allait y changer quoi que ce soit. Mon esprit assurément tiraillé entre l'option de rentrer dans mon logement et espérer que la prochaine fois que je vais en ressortir tout sera revenu à la normale et la conviction que faire ça c'est risquer de ne pas voir le monde imploser s'il doit le faire et me maudire davantage d'avoir eu les yeux fermés pour la grande finale. Songeant aussi gravement que si la normalité est devenu cet endroit c'est que l’annihilation va bon train. Il est vrai que j'ai depuis longtemps arrêté de penser à ce qu'il pouvait y avoir dehors, à supposer, à théoriser, préférant essayer d'accumuler des indices avant de me lancer dans quoi que ce soit. Quelque chose trahirait bien la vérité à un moment ou un autre non? Il me suffisait d'être attentif, observateur, ne pas me laisser contrôler par diverses pensées sur les possibilités à envisager pour ne pas avoir une vision à sens unique et alors là peut-être que je verrai. Peut-être que je verrai au-delà de cette ambiance morbide qui nous noie et semble également rendre mon vis-à-vis inconfortable à voir comme il s'agite sur sa chaise et tape du pied. Qui ne le serais pas, inconfortable, dans ces circonstances? Probablement uniquement une personne qui sait ce qui se passe, ce qui ne semble pas être son cas plus que le mien à en juger par sa réaction semblant en tout point spontanée plus que calculée. Et notre conversation sur la mort ne doit pas aider. Peut-être est-ce la raison pour laquelle je suis quelque peut reconnaissant de l'entendre finalement briser le silence à son tour, sortant de ma transe pour le fixer. N'ayant en rien remarqué que mon regard avait simplement trouvé un point fixe à observer alors que je réfléchissais.

J'acquiesce de la tête à sa question, haussant un sourcil à son commentaire. Je semble efficace? Hum. Je souris brièvement en le laissant continuer de parler, parler de sa jambe à propos de laquelle je n'avais pas posé de question parce que je ne me sentais pas de le faire. Je suis curieux, comme tout le monde, mais je respecte un minimum la bulle des autres, me doutant que tous n'apprécient pas forcément parler de détails comme celui-là. Son éveil ainsi explique sans doute la canne, peut-être même son humeur. M'être éveillé avec un bras bousillé dès le départ... je n'aurais probablement pas fait les rencontres que j'ai fais. Je suppose aussi qu'un jour ça ira mieux même si je ne m'imagine pas retrouver le contrôle total de mon bras vu comme je n'ai pas eu d'autre choix que celui de le malmener un peu à défaut de pouvoir le soigner correctement. Lui... s'il s'était éveillé ainsi et avec un canne de surcroit, il n'y avait sans doute pas d'autres avenues devant lui. Quand on se compare on se console...

Puis on revient sur le point de la mort et je sens un frisson me traverser l'échine cette fois, me redressant sur ma chaise avant de m'employer à lui répondre. Me disant que s'il a parlé je devrais pouvoir me le permettre aussi non? « Rien ne dit que les autres ne sont pas déjà mort tout comme rien ne dit qu'il va se passer quelque chose. J'image qu'outre attendre et voir nous n'avons pas beaucoup d'options de toute façon. » Je termine mon verre de jus d'orange pour le principe plus que par envie avant de continuer. « Puis les blessures c'est une supposition comme une autre. De ce que j'ai pu voir jusqu'à maintenant nous sommes plusieurs à être arrivés blessés ou avoir été blessés avant notre arrivé ici. Tu l'as plus difficile que d'autres, mais de grandes cicatrices laissant présager de bien vilaines blessures j'en ai vu plus d'une. Si ça se trouve il n'y a pas le moindre lien avec quoi que ce soit, mais peut-être que oui. Difficile à dire sans avoir admiré le corps de tout le monde nu pour juger de chaque peau présente ici parce que tout n'est pas forcément apparent. » Je soupire. « Puis efficace je ne sais pas si je le suis, mais visiblement j'ai une propension à faire passer la sécurité des autres avant la mienne. J'imagine que ce n'est pas un mal en soit. »

J'acquiesce de la tête à son commentaire sur ceux n'ayant assurément pas le soucis d'en dévoiler plus que nécessaire aux yeux de tous, me rappelant sans peine avoir croisé son regard lorsque cet imbécile de rouquin a jugé bon de se la coller contre la fontaine. Une autre de ses bonnes idées qui me rappelle d'ailleurs que je n'ai toujours pas donné suite aux comptes rendus promis à Sixteen qui se trouvait avec lui et a peut-être bien davantage à ajouter au 'pourquoi tout ceci s'est passé exactement'. Situation à laquelle je devrai remédier prochainement si on s'en sort vivant, la situation n'étant toujours pas très claire sur ce point. De mon côté, très franchement je ne saurais dire. Je ne me sens pas particulièrement pudique, visiblement pas perturbé par la nudité entre les fesses de 71 et mon colocataire nu dans la douche dès la première rencontre à lui parler comme si de rien n'était, mais je ne crois pas que je me baladerais à poils dans les environs pour autant. Je ne me sens pas de nature exhibitionniste, mais pas non plus prude à l'excès. L'un des nombreux points qui devra trouver une clarification plus tard lorsque la situation s'y prêtera. « Devant tout le monde je ne dis pas, mais devant quelques personnes... De la peau reste de la peau, aussi abîmée puisse-t-elle être. Je ne vois rien de choquant là-dedans. » Ça ou j'étais nudiste dans une autre vie et je ne m'en souviens pas, en rien gêné par les diverses marques couvrant mon corps. Par toutes ces cicatrices pour lesquelles je n'ai toujours pas d'explication et n'en aurais peut-être pas même si tout se déroulait sous mon nez. Parfois quand l'évidence est trop grande on ne la remarque simplement pas. « Je note tout de même qu'un verre ou six devrait t'aider si jamais ça devient une nécessité. » Que je lance à la blague.

Il poursuit en soulevant de nouveau ma prétendue efficacité, me faisant froncer les sourcils à ses commentaires. Pas des tonnes de situations où il faut avoir une bonne forme physique c'est vite dit. Certains métiers le nécessitent certes dont tout ce qui peut toucher les domaines de l'ordre et la protection, mais une personne tout ce qu'il y a de plus basique pourrait également simplement se complaire à faire du sport pour sa propre personne. Visiblement j'avais du temps à perdre pour parler toutes les langues que je semble maîtriser à en juger par tous les livres que je comprends dans la bibliothèque. J'aurais très bien pu être un gosse de riche adepte des sports extrêmes et érudit au possible, mais il me trouve vif, alerte, attentif... Des détails que je n'avais pas même l'impression de dégager en ces instants. Sauf s'il... m'observe depuis un moment? Et là encore, disons que les situations ne se sont pas multipliées pour faire valoir ces points bien précis. Qu'est-ce qu'il voit que je ne vois visiblement pas? Il faut dire que j'espérais tellement mettre le doigt sur un souvenir que je n'ai pas réellement prêté attention à tout le reste. J'ai juste agis à plus d'une reprise sans réfléchir, laissant mes tripes me dire quoi faire comme lors de ce séisme.

En forme, sans le bras cassé, vif, alerte, attentif... ce que Sixteen avait noté elle aussi dès les premiers jours... à plier mon lit au carré... Non... ce n'est tout de même pas si évident. Je reste silencieux un moment, visiblement pensif, mes yeux balayant distraitement la table. Le lit au carré aurait tellement dû me vendre le truc dès le départ, bon sang... Le respect religieux des règles, la rigidité à sortir de l'horaire que je me suis moi-même fixé... Je fini par déglutir avant de reporter mon regard sur lui. « On croirait presque que tu m'observes à soulever tout ces points. Parce qu'assurément je n'ai pas été vif, alerte et attentif depuis les dernières minutes. Tout le contraire même je dirais. Alors sur quoi tu te bases pour dire ça? C'est pour ça que tu te fais discret? Fin observateur? Autre chose à pointer du doigt peut-être? »

Ce n'est pas si simple, ça ne peut pas être si simple. Ça ne peut pas être sous mon nez depuis le début et ne pas m'avoir sauté aux yeux plus rapidement alors que si, visiblement, ça l'est et je n'en avais pas même conscience. Les faits sont là, les comportements sont logiques, les marques diverses s'expliquent. Tant de choses s'expliquent et pourtant je peine à vouloir accepter cette évidence qui m'a fait porter la main à mon cou comme si j'y cherchais quelque chose après lui avoir renvoyé ses questions pour éviter d'admettre que oui il a peut-être raison. Oui il a peut-être posé le doigt sur quelque chose que personne d'autre que lui n'a été en mesure de me présenter comme une évidence avant ce moment. Parce qu'ils ne sont pas tous aussi fins observateurs que lui ou parce que je n'ai pas passé assez de temps avec ceux qui le sont, ça je ne saurais toutefois pas le dire. Je sais juste qu'en ce moment, en cet instant, j'ai l'impression d'avoir senti une claque de réalité étreindre douloureusement ma joue et malmener mon cerveau ou tout tourne pour se placer un morceau à la fois. Pourquoi je ne veux pas l'admettre? Pourquoi je ne veux pas me l'admettre? Pourquoi je n'arrive pas, même en pensée, à admettre que je sais ce qu'il en est? Qu'est-ce qui me bloque à ce point avec cette réalité, cette semble-t-il vérité qui me perturbe plus que je ne le pensais? Qu'est-ce que ma tête essaie encore de me dissimuler? Parce que ça ne peut être que ça, il doit forcément y avoir quelque chose d'autre que je n'ai pas pour expliquer comme je me sens soudainement bloqué à l'intérieur de moi-même. Il faut... J'ai besoin d'air, besoin de sortir de cet endroit. Il me faut...

Je prends une grande inspiration avant de lever les yeux dans sa direction lorsqu'il mentionne vouloir me retourner la question. Ah oui? Encore à essayer de creuser celui-là? En si fin observateur qu'il est il a sans doute déjà remarqué que l'expression sur mon visage à changée, que quelque chose s'est illuminé, qu'une pièce du puzzle s'est placée pour me confirmer que non nos esprits ne sont pas des causes perdues. Nous pouvons nous rappeler, nous pouvons retrouver ce que nous avons perdu, mais pourquoi nous en avoir privé d'emblée dans ce cas? « Ce que j'ai réalisé? Ce que j'ai accumulé. » Un rire pincé s'extirpe hors de mes lèvres alors que je me lève de ma chaise, posant ma bonne main sur la table pour me pencher un peu vers lui et le fixer dans les yeux. « J'ai réalisé que visiblement l'un comme l'autre on est pas très bavards en ce qui nous concerne. Good talk. » Puis je repousse ma chaise pour me dégager et je pars sans un mot de plus. Je n'ai pas envie de creuser non, pas avec lui. Pas alors qu'il observant tant, trop. Je n'ai pas envie qu'on m'analyse et me psychanalyse. J'aurais pu lui dire merci pour l'illumination oui, mais je ne suis pas certain que j'en ai envie. Pas alors que le flot de ce qui s'impose soudainement à mon esprit me donne une nausée que je peine à retenir et n'avait pas imaginé en venir à me secouer. Il faut que je me couche un moment, que je m'assois au moins, seul avec moi-même et ma tête. Il faut que je fasse le point sur tout ça. Ça ira. Ça ne peut qu'aller. Il faut que ça aille.