Anthem of the lonely || Feat. H04-236

Il est devenu angoissant, le silence. Celui berçant mes éveils en sueur en plein milieu de la nuit et n'accentuant que davantage ces images imprimées en mon esprit qui me tourmentent depuis des semaines. Celui ponctuant chacune de mes inspirations paniquées que je tente de calmer, chaque mouvement de mes doigts cherchant à me pincer pour m'assurer que je suis bel et bien éveillé parce que j'espère encore toujours sans doute un peu trop que tout ceci ne soit qu'un autre cauchemar auquel je n'arrive pas à échapper. On croirait s'y accoutumer, mais non. Jamais réellement tout compte fait. Pas à cet endroit et pas davantage à cet épisode de mon passé qui ne cesse de me hanter et que je n'en peux simplement plus de voir en boucle encore et encore nuit après nuit parce que je ne sais pas comment m'en débarrasser. Je ne sais pas comment l'accepter, comment... comment je suis supposé croire que la seule option qu'on m'a proposé pour aider tout ceci est réellement ce qui en bout de ligne pourra m’apaiser. Tout ça me semble si... irréel et horriblement... Peut-être que c'est pour cette raison que j'ai fini coincé ici, comme lui, comme nous tous qui sait. Peut-être que oui nous avons réellement fait des choses horribles par le passé. Peut-être sommes-nous ici pour retrouver petit à petit ce qui nous a conduit en ces lieux pour ajouter à la torture, numérotés comme des prisonniers, contraint de nous remémorer le pire avant une quelconque forme de 'meilleur'. Cet endroit nous conduira à notre mort et nous ne pourrons rien faire pour y échapper.

J'inspire profondément, un moindrement calmé, fixant le plafond que je ne vois pas en massant doucement les plaies désormais refermées à ma jambe au terme de ces trois semaines. Ressentant encore quelques légers pincements, mais rien qui ne m'empêche d'être fonctionnel. Pour une fois. Après le bras cassé et la jambe découpée je crois que j'ai eu ma dose pour un moment et il y a de quoi essayer de réapprendre à vivre un peu de nouveau. Je fixe ma montre, encore quelques minutes avant l'heure du réveil. Enfin, ce qui aurait dû être mon réveil, mais j'ai toujours été de ceux debout bien avant le levé du couvre-feu à cette heure si aberrante pour tout le monde. Ce n'est... que pire maintenant avec le cauchemar. Rien qu'une bonne heure de sport ne pourra pas sortir de ma tête au moins temporairement.

Lumière finalement allumée, mon envie toujours grandissante de balancer un oreiller à cette voix qui m'agresse au possible, je m'assis au bord du lit en cherchant ma chemise du regard... sans la trouver. L'ai-je laissé dans la salle de bain la veille et je ne m'en souviens pas? Je hausse les épaules pour moi-même, me contentant du pantalon que j'ai pris l'habitude de garder pour minimiser les contacts avec mes cicatrices le temps que tout se soit amélioré et trouvant la porte de la chambre pour l'ouvrir. J'allais me diriger vers la salle de bain lorsque mon regard capte... un plateau repas devant la porte. Qu'est-ce que ça fait là? Je m'approche, septique, cherchant à ouvrir la porte pour voir qui peut bien avoir posé ça là si tôt le matin... mais elle ne s'ouvre pas. « Ok... » Mon regard trouve l'écran où s'affiches normalement les règlements et où un simple 'C'est pour votre bien' est affiché. « C'est quoi cette merde encore... » J'espère qu'ils ne comptent tout de même pas nous enfermés dans un logement à perpétuité simplement à cause de ce qui s'est passé la veille, à cause des deux... morts dans l'escalier. Je suis ici depuis des mois et c'est la première fois qu'une bêtise de la sorte se produit. Ce serait un peu excessif comme solution, mais avec cet endroit j'ai envie de dire qu'on devrait peut-être s'attendre à n'importe quoi. « Super... »

Je fixe le plateau repas à mes pieds, constatant la grande quantité de nourriture qui s'y trouve et fronçant les sourcils. Il y a de quoi nourrir une personne pendant plusieurs jours ou au moins deux pendant une journée à vue de nez. Entre ça et la porte verrouillée il y a assurément de quoi se poser des questions. Entendant un bruit de pas derrière-moi, je me retourne pour observer l'homme me saluant et qu'il ne me semble pas avoir croisé auparavant. Chose qui ne m'étonne plus réellement, surtout compte tenu des rares sorties que j'ai fait au cours des dernières semaines à peiner à marcher comme il se doit. Je trottine encore un peu le matin le temps que la cicatrice bouge un peu, mais au moins j'arrive à me déplacer sans jurer contre toutes les entités vivantes de ce monde. « Je sens que ce ne sera pas un bon matin malheureusement. » Que je réponds alors qu'il me demande si ce plateau est une mauvaise blague. Oh si seulement quelque chose ici était une mauvaise blague, mais non ce serait bien trop simple pour cet enfer qui essaie de se faire passer pour un paradis. On voit bien ce que ça donne lorsqu'on tente de faire bouger d'un peu trop d'intensité l'équilibre que ces entités mystérieuses essaient de maintenir. « Écoute... comment dire. La porte est verrouillée, l'écran des règlements affiche 'C'est pour votre bien' et... » J'observe le logement, divisé comme le mien et donc composé de deux chambres. « … et il a de quoi tenir une journée pour nous deux dans ce plateau alors je crois que c'est loin d'être une blague. Il semblerait qu'on soit coincés ensemble pour la journée toi et moi. » De là à savoir si ce serait une bonne ou une mauvaise chose j'imagine qu'on le saurait dans les heures à venir. Je ne pense pas être trop difficile à vivre, plutôt... pas la personne la plus bavarde et relativement calme, mais on ne sait jamais. Et de son côté... j'aurais probablement pu tomber pire que lui si déjà il m'aborde d'un bon matin et pas de bêtises comme d'autres l'ont fait. Ça devrait aller.

« Moi c'est... Sleven. Et toi? On ne se connait pas il me semble. » Et ça me déchire presque la gorge de le dire comme je n'ai pas encore habitude de le faire depuis... depuis que j'ai compris la signification du tatouage à mon bras, mais c'est moi... alors j'imagine qu'il faudra que je m'y fasse à un moment ou un autre. Ça reste plus intéressant qu'un matricule. Je soupire, observant encore le plateau au sol avant de finalement le prendre et me diriger vers le petit salon pour poser le tout sur la table basse. « Ils nous auraient pas donné à manger s'ils comptaient se débarrasser de nous comme ça. Ça a probablement juste un lien avec ce qui s'est passé hier. Si ça se trouve ils réaménagent peut-être des choses pour éviter que ce genre d'accident se produise à nouveau. » Je me laisse tomber dans un des canapés en me frottant les tempes. Je ne suis pas totalement certain de ce que j'avance je l'avoue, mais j'imagine que ça se défend compte tenu de ce que j'ai expérimenté pour le moment. Rien ne semble arriver sans raison et nous tuer ne semble assurément pas être dans leurs priorités sinon ils ne seraient probablement pas intervenus lors de l'épisode de l'infirmerie. Je n'y étais pas, mais les rumeurs ont fait le tour plus que rapidement puis Doc lui y était... « J'espère que tu n'es pas claustrophobe. » On ne sait jamais. Ça n'était assurément pas mon cas, mais on ne sait jamais. Dans le logement à proprement parler ça peut aller, mais peut-être que la perspective de l'enfermement pour une durée indéterminée ce sera autre chose en ce qui le concerne. De mon côté ça me donnera surtout le temps de... réfléchir. Parce que j'en ai besoin de cette réflexion.