Am I dead yet doc? || Feat. H01-88

Vingt-trois minutes et quinze... seize... secondes... C'est le temps que je viens de passer couché là, sur l'un des canapés de l'espace salon à fixer l'énorme écran nous surplombant constamment du temps qui passe sans que nous ne puissions rien y faire. Du temps perdu qui nous glisse entre les doigts sans que nous soyons en mesure de le retenir. Des jours, des semaines et peut-être même bientôt des mois à perdre un temps précieux, à vivre cette remise à zéro créant ce sentiment de vide, de devoir non accompli à raison de simplement pouvoir continuer un petit train de vie déjà entamé. Qu'est-ce qu'on a bien pu vivre pour en arriver là? Qu'est-ce qui peut être en mesure de nous effacer le cerveau à ce point, au point où la chose perdure durant tant de ce temps qui continue de fuir seconde par seconde devant mon regard blasé de ce merdier? Ce qui n'est que pire depuis que j'ai le bras dans cet état. Si j'ai bien essayé de continuer ma petite routine comme si de rien n'était, j'ai bien vite déchanté en sentant la douleur se faire plus présente, plus cuisante, et en n'ayant pas le luxe de posséder quoi que ce soit pour la calmer. Mon royaume pour des anti-douleurs quelconque. Mon bras que je tiens contre moi comme un petit animal blessé qui passe par toutes les couleurs alors que l'ecchymoses monstrueuse au niveau de mon biceps ne cesse de s'étendre davantage en direction de mon épaule et mon coude. Bleu, mauve, verte, jaune... Je me sens comme la chemise de ce mec que j'avais empêché de manger hors de la zone repas à expérimenté toute une game de nuance en espérant que le tout essaie tout de même de guérir un peu dessous sans arriver à en être convaincu outre-mesure. Je ne sais pas comment soigner cette chose, personne ne semble savoir comment soigner cette chose. Pour ce que j'en sais l'immobiliser comme j'ai essayé de le faire et le pire plan pour lequel j'aurais pu opter. J'en ai peut-être pour des mois coincé comme ça à rager contre mon lit que je n'arrive plus à faire au carré, mes douches où je peine à me nettoyer tout un côté et mes nuits de sommeil handicapées de 'ouille' et grimaces de douleurs permanentes. Moi qui ne m'en sortait pas trop mal au niveau du moral jusqu'à maintenant je dois avouer l'avoir difficile depuis l'incident, depuis que j'ai l'impression de ne plus pouvoir être le peu de moi que je croyais avoir retrouvé.

Je me suis donc tourné vers cette lecture tant vantée de plusieurs, ainsi installé couché sur le canapé pour voir l'heure à défaut de pouvoir lever le bras puisque forcément cette satané montre devait être installé à mon poignet gauche qui est lié à mon bras gauche complètement en bouilli. Merci la vie. La lecture du moment? Un truc de science-fiction mariant voyages dans l'espace et cowboys possédant les armes les plus basiques de l'univers alors qu'ils réalisent des missions sur des planètes étranges pour obtenir des récompenses. Ça me donne la même impression qu'une histoire d'elfe dans une grande ville tout sauf médiévale, autrement dit j'ai du mal à être convaincu par le concept. Heureusement, le livre en question n'est pas très long, mais il me permet surtout de constater que mon allemand est au point plus que je ne le pensais. Anglais, espagnol, allemand et un peu de français, c'est ce que j'ai pu constater être dans mes cordes pour le moment. D'où est-ce que je viens et qu'est-ce que j'ai bien pu faire de ma peau pour arriver à maîtriser autant de langues dans ma vie? Quelle utilité est-ce que je pouvais bien avoir à tout ceci? Ça par contre ça reste un mystère. Je me dis simplement que ce sera sans doute pratique si j'ai besoin d'écrire quelque chose sans que tout le monde soit forcément en mesure de le comprendre. Dis-je sans savoir ce que les autres savent lire. Peut-être certains n'ont-ils même pas passé suffisamment de temps à regarder les livres pour réaliser cet infime détail de leur passé oublié.

Vingt-cinq minutes... Ce que le temps peut passer lentement. Je remonte le livre devant mes yeux après cette brève pause de lecture, continuant de faire au mieux pour tourner les pages à une main en soupirant. Tirer une balle dans le prétendu genou d'un alien et le faire exploser? Mais qui a écrit cette merde?

Suspense, drame, fantastique, policier, science-fiction, horreur... j'ai l'impression d'avoir tout essayé et pourtant rien ne semble attirer mon attention outre mesure. C'est comme si je n'avais pas la moindre passion dans a vie avant d’atterrir dans cet endroit. Comme si je me contentais de faire ma journée, rentrer, me coucher puis recommencer encore et encore en boucle sans m'octroyer le moindre loisir, la moindre méthode d'évasion. Pas étonnant qu'il ait suffit que mon bras se retrouve dans cette fâcheuse position pour que j'adopte cette attitude assurément en rien joviale lorsque je me lève le matin. Pourtant il doit bien y avoir quelque chose qui me fascine dans la vie ou du moins je l'espère grandement parce que sinon elle est d'un triste cette existence que j'ai laissé derrière-moi. Peut-être aussi que c'est simplement cette agaçante perte de mémoire qui ne me permet pas de me rappeler. Les mauvaises activités pour réussir à réactiver quoi que ce soit en moi. Il faut que je trouve le déclic, LA chose qui me fera ouvrir de grands yeux ronds sous la réalisation de l'illumination. Ce n'est pas les aliens ou les cowboys ou encore le mélange des deux, ça j'en suis assuré. C'est réellement n'importe quoi ce livre et je suis presque soulagé d'entendre des mots me semblant adressé pour me soustraire à cette pénible lecture que je terminerai tout de même bien à un moment ou un autre. Pour le principe de terminer la chose, ne me sentant pas de simplement abandonné la tâche aussi chiante puisse-t-elle être.

Je relève la tête en direction de l'inconnu se présentant comme 88, numéro que je n'ai pas entendu jusqu'à présent et visage qu'il ne me semble pas non plus avoir croisé. Il faut dire qu'avec toutes les nouvelles têtes arrivant jour après jour... on perd vite le compte. Je lève un sourcil lorsqu'il mentionne mon bras, mais surtout lorsqu'il dit peut-être pouvoir m'aider. Hum. Un médecin? Serait-on réellement chanceux à ce point? Serais-je réellement chanceux à ce point? Je me redresse, non sans mal même en ayant trouvé le truc, mais surtout non sans douleur. Arrivant finalement à m'asseoir après une légère grimace, posant mon livre inachevé à mes côté avant de poser de nouveau le regard sur mon interlocuteur. « Je suis 7. » Que j'annonce en premier lieu, histoire de faire les présentations dans les normes même s'il n'y a réellement rien de plus à dire que ça. J'ajuste ensuite distraitement mon attelle de fortune avant de poursuivre en lui expliquant ce qui s'est passé. J'imagine que c'est la base. « Je ne sais pas si vous y étiez lorsqu'il y a eu un genre de tremblement de terre il y a environ deux semaines je crois. J'ai essayé de protéger quelqu'un, mais j'ai perdu pied et je suis tombé assez fortement contre une chaise. Compte tenu du gros crack que j'ai entendu je suppose que c'est cassé, mais je ne me sens en rien l'âme d'un médecin alors... Si vous avez des notions en soin peut-être que vous serez davantage en mesure que moi de confirmer tout ça. » Dis-je en me calant dans le canapé.

Puis, soyons franc, au point où j'en suis je crois que je suis prêt à essayer presque n'importe quoi si ça a une chance d’atténuer un peu la douleur ou l'inconfort. Alors s'il dit avoir des bases en soin... j'imagine que c'est le moment de valider l'information. Ça pourrait toujours s'avérer pratique de savoir qui peut aider si d'autres situations de ce genre se présentent à nouveau. « Vous avez ma bénédiction pour analyser le tout. Je ne sais plus quoi en faire de mon côté. »

S'il faut réellement bloquer mon bras complètement s'il est cassé voilà au moins deux bonnes semaines que je viens d'ajouter à ma sentence pour ne pas avoir été capable de réaliser cet exploit surhumain. Peut-être pas en temps normal, mais ici avec le manque de matériel et la pointe d'orgueil que j'ai du mal à outrepasser... j'ai presque envie de dire que c'est un miracle si mon bras n'est pas tout simplement tombé. Il aurait pu à en juger par la couleur horriblement préoccupante qui se cache sous le tissu de ma chemise et que j'essaie de ne pas observer outre-mesure pour ne pas cultiver une inquiétude non désiré. Cet endroit est déjà si lourd sur le moral, la motivation, que si en plus je dois ajouter une crainte sans doute non fondée de devoir me couper le bras avec un couteau de l'espace bouffe... Il y a de quoi en venir à me frapper la tête sur un mur jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je me frotte distraitement le front du revers de la main alors qu'il me demande visiblement la permission d'observer plus amplement la chose, ce à quoi j'acquiesce. Pinçant un peu les lèvres lorsqu'il mentionne la douleur. On croirait pouvoir s'y accoutumer après un certain temps, arriver à l'encaisser sans broncher parce qu'on est 'de gros durs' qui sont capable de le faire, mais c'est le genre de chose beaucoup plus facile en théorie qu'en pratique. En pratique c'est autre chose. En pratique ça fait un mal de chien dès que je bouge un peu trop, en plein milieu de la nuit, dès que j'ai le moindre réflexe d'utiliser tout naturellement mon bras qui n'est assurément pas immobilisé non. « Je commence à m'y faire. » Que je mentionne tout de même, comme pour me convaincre moi-même que ça ira même si je sais que ce ne sera pas le cas. Je sens déjà les muscles de mon dos se crisper, appréhendant la douleur cuisante qui ne tarde à irradier dans mon bras tout entier lorsqu'il s'applique à défaire l'attelle. Seule chose me permettant de ne pas avoir à forcer pour tenir mon bras dans une position respectable, n'arrivant qu'à le laisser tomber contre sa main qu'il place dessous dès lors que que le tissu n'est plus en place pour aider mon biceps malmené.

Si au début j'observais ses mouvements avec attention, je besoin de fort peu de temps pour détourner le regard et chercher quelque chose au loin à fixer pour concentrer mon attention sur autre chose en soufflant doucement et attrapant le bord du canapé de ma main libre. Définitivement il y a pire que simplement bouger le bras, appuyer dessus pour trouver l'emplacement de la blessure et le type de blessure j'imagine. « J'espère qu'un jour on sortira d'ici et qu'on aura plus besoin d'attendre le nécessaire pour se soigner. » Que je lance un peu entre mes dents avant de reporter mon attention sur lui lorsqu'il me demande ce que je ressens exactement. Levant les yeux au ciel alors qu'il trouve un point particulièrement douloureux avant de déglutir. Définitivement agréable comme moment. « De la douleur assurément, beaucoup, c'est majoritairement au niveau du biceps. Peut-être... un genre de fourmillement dans le bout des doigts, comme un engourdissement. Je ne sais pas trop comment le décrire autrement. J'ai du mal à forcer pour le tenir à l'horizontal. Sans l'attelle il tombe juste, comme si je n'arrivais plus à forcer suffisamment sans avoir trop mal pour faire quoi que ce soit. Et la couleur... je crois que j'expérimente l'arc-en-ciel en entier niveau couleur. » Dis-je avec une pointe de tremblement incontrôlé dans la voix.

Ce docteur improvisé a tout de même la présence d'esprit de ne pas sembler être de ceux qui vont simplement exploser cet endroit pour le plaisir de le faire à s'exprimer comme il le fait sur la situation. Il n'a après tout pas tord lorsqu'il mentionne que penser à une sortie n'est pas forcément l'approche à adopter dans l'immédiat sans savoir ce qui peut se cacher dehors. Chose dont moi et Sixteen avions vaguement parlé d'ailleurs, prendre le temps d'observer plutôt que simplement s'élancer dans le tas sans réfléchir. C'est une bonne chose de savoir que nous ne sommes pas les seuls à envisager prendre cette avenue dans cet endroit où il n'est pas toujours facile de cerner ceux qui nous entoure. Je soupire tout de même en l'entendant annoncer que mon bras est cassé. Le 'crack' retentissant m'avait tout de même bien aiguillé à ce sujet, mais l'entendre de la bouche d'un autre a ce petit plus démoralisant qui confirme que oui je suis coincé dans cet état pour un moment. « Hum. » C'est le seul son que j'arrive à laisser s'extirper de mes lèvres alors qu'il poursuit en parlant des nerfs coincé et ce qui peut donc en découler au niveau de cet engourdissement que j'ai au bout des doigts. Ce ne sera assurément pas une partie de plaisir tout ça, mais j'imagine que je peux me compter chanceux d'être tombé sur quelqu'un qui semble un minimum savoir ce qu'il fait dans cet endroit où tout le monde a perdu la mémoire. J'aurais pu être entouré de médecin et ne pas en avoir un seul en mesure de m'aider pour cause d'amnésie sévère. Tout ceci me fit tout de même froncer les sourcils, me demander si les réflexes revenaient d'eux-même et s'il y avait une possibilité d'ainsi engendrer une quelconque forme de souvenir en agissant auprès de tous jusqu'à ce que quelque chose s'imbrique tout naturellement dans mon crâne. « Je crois qu'au point où j'en suis je suis déjà plus qu'handicapé de toute façon. Je suis prêt à tout essayer, surtout si c'est cassé. » Je ne compte surtout pas faire abstraction de l'usage de l'un de mes bras pour une durée indéterminée sous prétexte que j'ai été con. Je ne veux pas me permettre d'être con. Je ne veux pas être de ceux qui se laissent piétiner dans cet endroit et acceptent leur fatalité sans rien dire ou faire pour changer quoi que ce soit. Je ne le laisserai pas gagner.

Je prends mon bras dans ma main valide, soupirant de nouveau avant d'amorcer un mouvement pour me lever... et reprenant place assise le temps de prendre le livre précédemment déposé sur le canapé pour le glisser entre mon dos et mon pantalon. Il est mauvais, mais je le terminerai. Si je veux prétendre arriver à aller au bout des choses il faut bien débuter quelque part. Ceci fait, je réamorce le mouvement une seconde fois pour finalement me lever. « Et bien je vous suis dans ce cas. » Dis-je simplement, prêt à le suivre en direction de son logement en trimbalant mon petit animal mort dans ma main. Puisque c'est ce qu'il me semble être ce bras inutile et encombrant. « C'est la première fois que vous avez des notions de médecine qui vous revienne depuis que vous êtes ici? Enfin, ce que je présume être des notions de médecine. Un souvenir ou un simple réflexe? » Demandais-je afin d'être au moins fixé sur ce point et s'il acceptait de m'en parler un peu. Peut-être me trouverait-il trop curieux.

Je le suis en direction de l'ascenseur, l'écoutant parler avec attention et une certaine fascination je l'avoue. Comme si ses propos apportaient avec eux une nouvelle évidence à ne pas négliger sur le fonctionnement de notre esprit des suites de cette amnésie dont j'espère réellement arriver à me débarrasser à un moment ou un autre. Ainsi donc je note quelque part dans mon esprit vide que les réflexes semblent rester la meilleure façon de se souvenir pour le moment, jusqu'à preuve du contraire du moins. Ceux qui s'imposeront tout naturellement lorsque la situation le nécessitera, que les événements si prêteront et que le corps prendra le pas sur l'esprit en effectuant ce qu'il a simplement toujours fait. Comme j'ai pu le tester avec Sixteen lors de notre première rencontre en minant de lui donner un coup qu'elle a plus qu'aisément stoppé sans réfléchir plus que nécessaire. Ces choses innés que nous réalisons sans y penser, sans doute devrais-je y être plus attentif si je veux arriver à en soutirer quelque chose de potable même si je doute y arriver. Je suis observateur oui, mais davantage de mon environnement que de ma propre personne il faut l'admettre. Agissant un peu trop mécaniquement pour réellement porter attention à quoi que ce soit en ce qui concerne mon attitude et ce qu'elle pourrait signifier. « Je comprends oui. J'imagine qu'en un sens c'est logique aussi que notre esprit se souvienne, mais pas forcément nous. Les mystères du cerveau. » J'esquisse un fin sourire pour répondre au sien tout en continuant de le suivre jusqu'à ce que je suppose être son logement même s'il prend le temps de cogner avant d'y entrer. Politesse que tous ne semblent pas avoir et peut-être à tord puisque les portes ne nous donnent pas le bonheur de se verrouiller selon nos envies et besoin. Si seulement...

Je me dirige vers le salon à son indication pour aller m'asseoir sur le canapé, sortant le livre de mon pantalon pour le poser à nouveau à côté de moi histoire d'avoir un minimum de confort malgré mon bras que je laisse tomber à nouveau mollement contre ma cuisse en me frottant le visage. Je vais réellement avoir besoin de faire davantage attention la prochaine fois qu'il va se passer un truc dans cet endroit si je ne veux pas enchaîner les blessures stupides. Ce serait assurément encombrant sur le long terme, surtout que je semble avoir de bons réflexes. Le problème n'a pas même été ça. Le problème n'a pas été le réflexe de l'action que j'ai posée, mais plutôt le contre coup que je n'ai pas été en mesure d'éviter. La prochaine fois, corps, si tu pouvais avoir le réflexe d'éviter le contre coup également ce serait merveilleux, puisque prochaine fois je ne doute pas du tout qu'il y aura.

En attendant j'attends patiemment que le docteur improvisé revienne, exprimant comme en quelque sorte il a de la chance que les compétences dont il est doté soient utiles. Ça c'est évident qu'à côté un enseignant doit avoir beaucoup plus de difficulté à avoir un semblant de souvenir ou réflexe dans cet endroit. Enfin... sauf s'il croise quelqu'un qui prétend être illettré puisqu'il semblerait que ce soit a thing dans les environs. « Vous avez de la chance oui, mais j'ai surtout de la chance d'être tombé sur vous. Merci encore pour le coup de main. » Dis-je avant de froncer un peu les sourcils. De mon côté toujours rien à signaler. Enfin rien de plus que les quelques points que Sixteen a soulevé et... cette mélodie qui n'a toujours pas trouvé son explication. « Non rien pour moi. Il faut croire que je n'ai pas encore croisé les bonnes situations pour arriver à me remémorer quoi que ce soit. Ça viendra sans doute avec le temps et j'ai l'impression que nous en auront. Nous ne semblons pas près de sortir d'ici pour le moment... »