Broken Pieces || feat. H01-5

Le message en binaire a un peu vendu la mèche d'emblée sur le fait que quelque chose d'anormal se déroulait cette journée-là, me faisant soupirer fortement et bruyamment, mais surtout râler en anglais. Clairement en anglais. « What the hell. » Hors de question de demander à Aleksa ce qui se passe vu la tirade interminable qu'elle me sert pour me dire que je manque de X ou Y alors que je m'en fiche bien pour être franc. Prendre soin de ma personne ayant été plus que loin de mes priorités depuis... depuis que le tsunami est passé dans ma vie ici. Je me suis levé en grommelant, notant le très 'américain' de ma façon de marmonner pour moi même, mais surtout le fait que de toutes les langues que j'ai pu constater comprendre c'est celle qui m'est venu tout naturellement. Voilà qui doit au moins me donner un bon indice niveau provenance. Je me suis tout de même stoppé sur le pas de ma porte pour tester les autres, valider que chaque langue sonnait bien comme elle se devait de sonner à mon oreille. Ce qui était le cas. Est-ce que c'est terminé? Est-ce que tout déconne et bug parce que quelque chose a enfin fait exploser cet endroit et nous permettre d'en sortir? Je reprends mon avancement vers la porte d'entrée, me stoppant tout de même pour observer l'écran des règlements plus que fonctionnel et y voir s'il y a un quelconque changement à noter. On ne sait jamais ici. « Oh come on. » Et il y en a un oui. Obligation de dormir à deux si on dort dans un lit. Et puis quoi encore? On va devoir se tenir par la main quand on va se balader? Je rebrousse chemin pour trouver le petit salon et fixer les canapés... si petits canapés... Assurément ça ne va pas le faire. Surtout pas avec ma jambe qui me rappelle sa blessure dès que je la fais adopter un angle fort peu naturel ou après littéralement chaque effort trop soutenu que je fais. Dormir là sera ma mort. Quoi faire alors? Je ne peux pas simplement arrêter de dormir, ce n'est pas si simple. Percy dormira sans doute avec ce Echo qu'il a mentionné, Pat... vu la tirade que je lui ai servi il ne vaut mieux pas se lancer sur ce chemin... il reste... L'autre personne qui comme moi pourrait voir sa jambe le maudire pour l'éternité si le confort n'est pas au rendez-vous pour la nuit. « Ah goddammit. » Bon sang ce que ça faisait du bien d'avoir retrouvé mon parlé comme ça. Restait à savoir si on arriverait à ce comprendre lui et moi, mais vu la jolie palette de langues que je maîtrise ça devrait le faire.

Et ça l'a en effet fait puisqu'il parlait l'anglais tout autant que moi et qu'en ma grande absence de délicatesse, surtout parce que nous ne nous étions pas réellement reparlé depuis... nous avons tout de même été en mesure de nous entendre pour conclure d'un commun accord que c'était la meilleure solution compte tenu de la situation de partager un lit pour la nuit. Ça n'impliquait rien de toute façon et si ça nous permettait de dormir un peu c'était tout bonus sur la finalité. Ça me permettrait surtout à moi de dormir, mais ça je n'ai pas élaboré sur le sujet. J'avais déjà remarqué que je dormais mieux avec quelqu'un, le mariage expliquant visiblement pourquoi, mais les occasions ne s'étaient pas multipliées. Certes cette couverture lourde qui était arrivée aléatoirement dans ma chambre comme tant de choses avait aidé, mais les dernières semaines... Vraiment, mon esprit était déterminé à cultiver mon amnésie. Ceci conclus, je l'avais laissé à ses affaires et était allé m'occuper des miennes jusqu'à ce que l'heure de l'extinction des lumières approche.

Il était 21h20 lorsque je suis arrivé à son logement après m'être douché et avoir brossé mes dents, oreiller et livre sous le bras. En cas de doute je préférais apporter le mien. J'ai cogné, mais finalement décidé d'entrer sans réponse pour entendre l'eau couler une fois à l'intérieur. Il était sous la douche. Soupirant, je me suis dirigé vers le salon pour me poser dans l'un des canapés avec mon livre histoire de ne pas le bloquer dans sa routine en m'installant sous les draps d'emblée. Ayant bien remarqué de toute façon qu'à aucun moment, aucun, il ne m'avait exposé ce qui pouvait engendrer cette douleur à sa jambe. La dernière chose que je voulais était de le mettre mal en le coinçant nu à son insu alors que je pouvais trop bien comprendre, glissant mécaniquement la main à ma cuisse. C'était mieux maintenant, surtout depuis que Doc m'avait aidé à améliorer la forme de la cicatrice, mais ça n'avait pas toujours été ainsi...

Je soupire à son commentaire, passant ma langue sur mes lèvres avant d'y enfoncer mes dents. Peut-être que c'était une mauvaise idée après tout à en juger comme son attitude à elle seule arrive à m'irriter au plus haut point. Pas que je sois un modèle de joie de vivre de mon côté, mais au moins je ne suis pas si snappy constamment pour tout et n'importe quoi alors qu'il semble simplement s'être levé du mauvais pied à chaque instant de sa vie. Et oh comme j'ai senti comme il a de la rage accumulé quelque part dans son corps, mais vraiment que puis-je y faire? Rien. Ce n'est pas mon job de toute façon de lui remonter le moral et je ne m'engage pas à le faire non plus. Dormir ici, avec lui, ne me fait sans doute pas davantage plaisir qu'à lui, mais entre ça et le canapé où j'aurai le cou cassé et là oui voudrai maudire l'univers entier pour la douleur que je vais me prendre dans la gueule à chaque réveil... Il doit venir de là son snappy naturel. Reste que, comme je lui ai mentionné quand je suis venu lui proposer cette 'trève' ou peu importe comment on est supposé qualifier cette relation haineuse qui nous pend au nez, ce n'est que pour dormir. Premières lueurs de cette lumière aveuglante matinale et de ce binaire à faire saigner les oreilles et je prends mes trucs pour retrouver mon environnement à moi. Aucune raison de m'éterniser. Surtout pas si c'est pour me prendre une déferlante de colère matinale de sa part. Et puisque je suis toujours éveillé avant la fin du couvre-feu ce ne sera pas un problème.

Je fixe ma montre et laisse quelques minutes passer avant d'aller le rejoindre dans la chambre, prenant place au bord du lit le temps d'enlever mes chaussures, chaussettes, ma chemise et mon pantalon pour ne garder que mon caleçon. Pas comme si ça allait changer quoi que ce soit de toute façon puis si ça le dérange il n'aura qu'à me le dire, mais autant le pantalon a empêché les draps de frotter abusivement sur ma cicatrice toute fraîche il y a quelques mois autant maintenant le frottement du pantalon m'est beaucoup plus dérangeant et me fait grincer des dents. Je crois qu'il peut comprendre cette nécessité de confort et si ce n'est pas le cas il se fera le canapé et arrêtera de me faire chier. Ceci fait, je laisse mon oreiller au sol comme visiblement il n'a pas besoin des deux présents dans son lit et me glisses sous les draps en m'appuyant à la tête de lit pour lire un peu. Il y a encore le temps et j'aurais pu simplement rester sur le canapé jusqu'au tout dernier moment, mais je crois qu'une part de moi se dit que s'habituer à la présence de l'autre ne sera pas un mal. Surtout si vraiment il y a malaise et que finalement on change les plans. Ce serait un peu brouillon de le faire une fois la lumière fermée.

Mon regard bifurque tout de même en direction du livre qu'il a et j'hésite entre ce côté 'bien élevé' qui me prend parfois de ne pas simplement rester là dans le silence et mon envie de juste rester dans le silence comme si on se boudait comme des gamins. Un nouveau soupire m'échappe avant que je ne décide qu'option un ce sera. Un minimum de politesse ne me tuera pas. Il me laisse bien profiter d'un minimum de confort après tout. « What are you reading? » Que je lance donc après un moment en gardant le nez plongé dans mon propre livre.

Difficile de rater les soupires ponctuant chaque début de nos phrases, comme une nécessité à signifier que non cette situation ne nous plait pas à l'excès même si nous n'avons en quelque sorte pas le choix de la supporter pour le bien commun de nos santés mentales respectives. Du moins, ce qu'on peut supposer avoir de santé mentale parce qu'entre mes activités nocturnes et sa façon d'expier sa rage il y a assurément quelque chose qui cloche de ce côté pour l'un comme pour l'autre. Il y a des démons qui ne sont pas dévoilés, des êtres brisés qui se trouvent coincés ensemble sans doute pour cette raison. Parce qu'il a semblé fuir les autres et que je fais semble-t-il peur. Il y a beaucoup trop de non dits et probablement que c'est mieux ainsi, mieux oui de simplement se contenter de parler livre pour couvrir le mal-être. Ma tête se tourne en direction de la couverture qu'il me montre lorsqu'il me répond, observant brièvement avant que mon regard ne retrouve les lignes que j'ai l'impression de lire en boucle dans le livre entre mes mains. Je le laisse m'expliquer ce qu'il en est de sa lecture, comme il parle davantage de ça qu'il a pu le faire de tant d'autres choses depuis que nous nous parlons sporadiquement. Visiblement passionné par la lecture ou au moins par son sujet, l'image de détective lui collant peut-être un peu à en juger par sa plus que palpable capacité d'observation. Enfin, ça ou je suis simplement stupide au point de ne pas avoir été en mesure de remarquer quoi que ce soit par mes propres moyens. Avec l'armée, dans tous les cas, je me vois de toute façon davantage comme un homme d'action qu'un homme de paroles.

« Well, that seems entertaining. I guess I could give it a try. Not sure I'll be able to guess who've done it but I can live with that. » Puis un frisson me traverse l'échine en réalisant la suite de mes pensées. Doué avec les détails, capable de cerner rapidement les méfaits dans les livres... Sans doute devrais-je avoir une discussion avec une certaine personne avant qu'une malencontreuse suite d'événements se produise. « Anyway, thanks for sharing. » Continuais-je brièvement avant de fermer mon livre et le déposer sur la table de chevet près de moi pour me caler sous les draps en expiant un nouveau soupire, toujours. Fermant les yeux en pinçant les lèvres et espérant surtout que cette nuit serait aussi paisible que celles que j'ai pu passer lorsque je n'ai pas dormi seul et non ponctuer de ces cauchemars m'éveillant en sueur en plein milieu de la nuit. J'en doutais, maintenant que je savais pour Pat. Maintenant que je savais que je n'avais sans doute pas dormi seul durant un très long moment avant cet endroit. Je ne pouvais pas dire précisément combien de temps, mais longtemps me semblait être le terme approprié. Surtout s'il y avait un enfant combiné à tout ceci. « Good night. » Et demain serait un autre jour et une nouvelle nuit...

Ça ne promettait pas d'être facile cette période de sommeil en duo, rien n'avait promis de l'être dans cet endroit de toute façon. Et si j'avais oui remarqué que ces nuits passées en compagnie d'une autre personne arrivaient à calmer un peu mon esprit parfois, chose qui s'expliquait désormais que je savais pour Pat, je ne savais pas comment allait se passer les nuits avec lui. Je ne savais pas s'il aurait cet effet apaisant que d'autres ont eu ou si au contraire cela ne serait qu'une nouvelle nuit dans le large spectre de mes tourments et je ne pourrais pas non plus le savoir avant d'avoir testé la chose. La première nuit, sujet teste, se passa donc dans la seconde sphère des possibilités, me tirant d'un sommeil agité où je m'étais éveillé en sueur sans un mot. Fixant le gouffre sans fond de la noirceur nous englobant avant de me recoucher. Je n'aimais pas parler de tout ceci à la base et me trouver avec quelqu'un n'y changerait assurément rien non plus, surtout pas avec lui. Il y avait une seule personne qui avait tous les détails, trop de détails, et c'était plus que suffisant pour mon esprit que je malmenais sans peine seul de toute façon. Il n'avait rien dit dans tous les cas, rien demandé, et il aurait pu parce que je me doutais bien que je devais l'avoir éveillé s'il dormait. J'avais bien éveillé mon autre compagnon de sommeil plus d'une fois.

Les nuits suivantes ne furent guère différentes malheureusement et à chaque nouveau réveil je me disais qu'il finirait par simplement mettre fin à cette entente de principe pour qu'on retrouve chacun notre canapé respectif afin de ne plus avoir à supporter mes nuits mouvementées, mais non. Il ne le fit pas, ne disant absolument rien à chaque nouvelle nuit qui se terminait ou se débutait. Le sujet semblant simplement être tombé dans cette même zone de non évocation que cette rencontre plutôt musclée que nous avions eu et dont nous n'avions jamais reparlé. J'aurais probablement pu demander si ça le dérangeait, plus que conscient de la situation, mais je ne l'avais pas fait. Peut-être trouvions-nous simplement un genre de paix dans le fait de ne pas parler de trop de ce qui nous concerne respectivement. De ne pas questionner l'autres sur des détails qu'on se doutait ne pas le vouloir livrer.

Nous nous contentions donc de discussions sur les livres, puisque c'était facile et juste sous notre nez, souvent près de l'heure de l'extinction des lumières pour ne pas avoir besoin de s'attarder plus que nécessaire sur le sujet. Comme ce fût le cas au terme de cette première semaine tout autant qu'en sa toute première journée. J'avais terminer deux romans avant de finalement me décider à essayer ce qui semblait être son champ d'intérêt premier niveau livre, les enquêtes. Essayer étant le terme bien davantage qu'adopter, mais ça je m'en doutais déjà avant même de laisser mes yeux glisser sur les propos. « I don't think it's for me honestly. I mean, this place is already so heavy on the brain, I feel like this is way too much even if yes you can easily see who did it. I just like something more light on the brain. So I'll probably finish it just because I started it, but that'll be it for me. I'll let them to you, brainy. Feels like a perfect match for you. »

Assurément ce n'est pas une lecture pour tous non, mais de là est né le principe de goûts après tout. Nous avons tous, dans chaque sphère de l'existence, nos préférences pour une chose ou une autre et visiblement les miennes ne se trouvent pas dans ce type de livres travaillant un peu trop l'esprit qui essaie désespérément de se convaincre qu'il sera en mesure de résoudre le crime au rythme du personnage principal. Ce qui me file une bonne migraine de mon côté. Non pas parce que je ne trouve pas, mais simplement parce que là où mon esprit est déjà bien empli de mille et une choses en cet endroit, ça ne fait qu'ajouter une pierre à la montagne déjà bien énorme et je n'ai pas besoin de ça. Je n'aime pas lire, de base, et si vraiment je dois m'en contenter à titre de l'un des rares passe-temps que cet endroit a à offrir, je préfère largement me verser les neurones dans quelque chose de fantaisiste et relaxant qu'en une tension palpable d'une page à l'autre. Ce qui visiblement lui apporte un certain confort de son côté à en juger par ses propos, mais ça ne m'étonne pas réellement. Ce n'est pas parce que je ne suis pas si 'brainy' dans ma lecture que je suis stupide pour autant. Cet homme a un don certain pour l'analyse et je l'ai remarqué plus d'une fois et en combinant le tout à ce genre de lecture qui le relaxe j'ai envie de dire que peut-être est-ce parce qu'il est dans son élément avec ce type de chose. Ce qui devrait largement m'inquiéter...

Et ce dont je ne fais pas de cas en continuant simplement ma lecture au fil de ses propos pour terminer ce livre et passer au suivant. « Yeah, I guess the win feel kinda hard to catch here. » Si seulement il y a une possibilité de victoire en bout de ligne à cet endroit, pour nous et non pas pour ceux qui nous ont enfermés dans cet enfer. « I'll tell you, but I really don't think so. Just reading this gives me a headache. I'm not really excited by the fact to discover more like it seems to be your case. » Je me fou bien de savoir pourquoi son sang est de l'encre même, c'est dire comme je n'y mets absolument pas du mien pour essayer d'apprécier le moment, mais je ne vais tout de même pas me verser dans les faux-semblants que pour ses beaux yeux, colocataire de lit pour la nuit ou non. « And I thought you haven't read this one? Are you really so much in this kind of things that you can just solve it all without even reading the book? Isn't it sad? I mean how can you enjoy it if you only need to read the backcover to know what will happen? Are you really just that good or was it like your job or something? » Parce que j'imagine que la question se pose en bout de ligne là où l'évidence se dessine presque dans cette attitude qu'il me sert depuis des mois.

Il les a écrit? Et bien, voilà qui expliquerait sans doute pourquoi il semble toujours arriver à résoudre la moindre enquête qui se fait agiter sous son nez. Enfin, avec ces livres-là. Voilà qui explique peut-être également son comportement, sa façon d'analyser les gens. Une habitude pouvant avoir été prise pour faciliter l'écriture et ajouter une touche de réalisme si ça lui vient plus naturellement. Ça pourrait expliquer le côté solitaire, mais cette rage qu'il a en lui... Alors ça je ne sais pas du tout d'où elle peut lui prendre outre la douleur à sa jambe. Je l'observe en silence, attendant de voir s'il y aura plus à son illumination soudaine et cherche la page qu'il mentionne pour constater qu'en effet ça semble parler du sang noir et tout ça. « Seems like you're right. Page 247 is where it's talking about the black blood more precisely. So... » Je ferme le livre pour en observer la couverture. « I guess that if you haven't recognize the name on the cover it's because it's kind of a writer name? Some people do that right? Use another name to write on the book. » Parce que sinon il me semblerait simplement logique qu'il ait reconnu le nom d'emblée dès qu'il aurait eu le livre dans les mains. « Do you think you wrote just this one or all the others that's you've read too? Maybe your brain was just... attracted to them for that reason. » Comme un artiste aurait pu se sentir attiré par l'espace créatif ou un grand sportif par le coin sport comme ça a été mon cas en partie. C'était la façon qu'avait son esprit depuis tout ce temps d'essayer de lui passer un message qu'il a visiblement eu besoin de beaucoup de temps pour réaliser, à moins que ce ne soit le fait d'en avoir parlé avec quelqu'un qui a aidé. Les façons de retrouver nos esprits ici semblaient aussi variées que nous alors c'était assurément difficile de cerner un pattern unique pour chaque être à errer dans cet endroit. « How do you feel about that? » Je me risque à essayer de le faire parler oui, me disant qu'avec de la chance pour lui ça continuera d'aider sa petite tête à s'activer pour le mieux pour lui permettre de mieux préciser son idée.