[VIOLENCE] It's all in my head || feat. Doc

C'est en sueur que je me suis éveillé, une forte douleur au torse alors que je me redresse dans mon lit en essayant de calmer ma respiration effréné. Je pose une main contre mon cœur, me pliant en deux dans mon lit en laissant les larmes noyer mes joues. Ça ne peut pas, ça ne peut pas être ça. Par pitié faites que ce ne soit pas ça. L'image était claire, précise, la scène irréelle et pourtant si prenante d'une vérité que je ne veux pas accepter que je ne peux croire qu'au cauchemar. Je ne veux pas croire qu'il y a plus à cette vision d'horreur qui s'est matérialisé à mon regard, je refuse de croire que c'est ça l'explication que j'attends depuis si longtemps. Je ne veux pas de ça, de cet instant figé dans mon esprit qui place pourtant tant de morceaux que je ne peux pas nier ne pas voir la logique de la chose. Je pose ma main contre ma bouche, encaissant le coup comme je peux en laissant les larmes persistante souiller mes doigts. Cherchant désespérément comment je pourrais valider tout ceci, valider que c'est bien ça qui s'est passé, valider que j'ai... Bon sang je ne veux pas même y penser. Le simple fait d'y penser me donne un haut-le-coeur, me donne envie de rendre le contenu de mon estomac à la seconde même si j'arrive à le réprimer. Il faut que je me calme, que je respire. Il faut que je prenne sur moi un peu le temps de trouver une solution, le temps que les lumières s'allument et que je puisse faire quelque chose, n'importe quoi, pour me calmer. J'observe ma montre, notant qu'il me reste cinq mince minutes à attendre avant d'avoir envie de tuer cette fichue voix et peu importe ce qu'elle jugera bon de me dire en cette journée. Journée gâchée que je ne vois réellement pas comment rattraper. Je ne vois que cette boucle infernale dans laquelle mon esprit a sadiquement décidé de me coincer pour me torturer plus qu'il ne l'a fait jusqu'à maintenant. Cette boucle que je dois ferme, je dois voir... il faut que je vois... ah bon sang.

Je me lève d'un bond, cherchant la commode de cette chambre qui n'est pas la mienne pour y prendre une chemise et un pantalon que j'enfile rapidement pour être prêt à sortir dès que je serai en mesure de le faire. Pour sortir avant que quiconque ne puisse voir la détresse que j'imagine trop bien noyer mon visage tout autant que les larmes que je peine à stopper tant j'ai mal. J'ai mal d'avoir vu ça, mal de la véracité, mal de ce que ça va impliquer. J'ai mal et je vais décupler la douleur à n'en point douter si réellement je met en action la seule et unique chose qui me vient en tête pour valider, pour confirmer, pour arrêter mon cerveau de tourner. Mon pauvre cerveau qui tuerait pour cet alcool que j'ai bien trop vite liquidé tant il a besoin de stopper ce flot de 'non' qu'il ne cesse de se répéter.

Puis la lumière s'allume et je sors de la chambre, du logement, sans réfléchir davantage pour me diriger vers l'escalier que je déboule presque tant je le descends rapidement. Marchant d'un bon pas en m’essuyant le visage du revers de la manche alors que je me dirige vers l'infirmerie, entrant dans l'une des pièces aménagées pour farfouiller dans les armoires afin de trouver ce que je cherche. Ce que je prends d'une main tremblante avant d'aller m'assoir sur la table d'examen. Un scalpel, bien luisant, bien coupant... Je lève mon pantalon, celui dissimulant cette saloperie de cicatrice, en pinçant les lèvres, fixant le plafond, fixant n'importe quoi d'autre. Ça y est, j'ai un nervous breakdown c'est pas possible. Je ne peux pas faire ça... je ne vais tout de même pas faire ça... Et pourtant je pose la lame à la racine de la plus fine des deux cicatrices, celle parcourant ma jambe sur la longueur, juste en-dessous de celle beaucoup plus massive. Je pose la lame suffisamment fortement pour voir quelques gouttes de sang perler, essayant encore de me convaincre que je ne pourrais pas avoir plus mauvaise idée, mais est-ce que j'ai vraiment le choix? Est-ce qu'il y a vraiment quelque chose autre que le temps qui pourra me répondre? Est-ce que je vais réellement devoir attendre tout ce temps? Je n'y arriverai pas non. Il faut... il faut que je vois...

Elle devrait trembler, cette main tenant si fermement la lame posée contre ma peau. Elle devrait trembler de la douleur qui me vrille le cœur et l'âme, qui compresse mon torse et tend le moindre muscle de mon corps alors que je tente de calmer ma respiration toute aussi douloureusement saccadée. Mon cœur pulse d'un rythme effréné dans mon torse, mes yeux brulant de toutes ces larmes dans lesquelles ils ont baigné, mes joues toujours marquées des sillons qui s'y sont creusé. Qu'est-ce que je fais? Qu'est-ce que je vais faire? Qu'est-ce que je veux faire? Je veux une preuve, une simple preuve que ce cauchemar ne pouvait pas être une lointaine réalité oubliée. Juste une preuve que tout est dans ma tête et que ce n'est que pure fiction, pure invention de mon esprit que je supplie depuis si longtemps de me donner un peu de contenu. Pourtant je l'ai bien vu qu'il aime me torturer ce crétin de cerveau, qu'il aime m'agiter sous le nez le pire de ce que j'ai pu expérimenter dans cette vie que j'ai oublié. D'abord la chambre, la lumière tamisée, cette chanson qui berçait cet instant où j'ai vidé le dernier verre d'une longue lignée avant de l'éclater contre le mur totalement enragé. Une scène qui s'est précisée dans mon sommeil là où une simple gorgée d'alcool avait suffit à l'éveiller. Une scène qui n'augurait rien de bon ça je le savais, mais ça... Ça c'est simplement trop, trop à encaisser et à me remémorer. Trop pour que je me dise que c'est la raison pour laquelle j'ai pu enchaîner les verres jusqu'à oublier. Trop pour pouvoir expliquer cet endroit que je commence à imaginer comme une bénédiction à force de voir ces merdes se profiler en guise de passé oublié. Peut-être que j'aurais dû arrêter d'espérer, peut-être que j'aurais dû me contenter du néant et simplement me créer une adorable petite vie pour la faire mien en me foutant bien de la réalité dissimulée sous l'amnésie, mais non...

Je suis plutôt coincé avec cette chose qui fait perler de nouvelles larmes au coin de mes yeux alors que je déglutis et fixe ma main toujours si horriblement stable. Alors que je lève à peine les yeux pour les lever sur la personne que j'entends entrer et avancer dans la pièce. Fermant plutôt les yeux une fraction de seconde en entendant la voix du prétendu médecin croisé auparavant. C'est une bonne chose j'imagine de me trouver avec lui vu ce que je projète de faire puisque ce n'est pas dit que j'arrive à tenir debout après coup. Ce n'est pas dit que je ne vais pas simplement stupidement m'achever en essayer de trouver la vérité. Sans bouger le scalpel, le laissant toujours bien appuyée contre ma chaire de laquelle s'échappe ce sillon sanglant glissant contre ma cuise, j'essuie mes yeux avant de lever mes yeux rougis vers lui. « Je... J'ai... » Comment expliquer ça sans sembler avoir complètement perdu la tête même si c'est précisément l'impression que j'ai de moi-même en cet instant? L'impression que cet endroit a finalement eu raison de ma santé mentale à un tel point que l'action la plus irrationnelle me semble être la seule et unique solution même si non ça ne l'est pas. Comment ne pas lui donner envie de m'enfermer dans une chambre le temps que je me calme et que je réfléchisse à tout ce bordel plus que le cinq secondes qui m'a été nécessaire avant de prendre cette stupide décision?

J'enfonce davantage la lame dans ma peau, comme si ça allait suffire à me convaincre de continuer, mon regard passant de ma chaire au Doc. « Je vais sembler complètement fou... » Mes dents s'enfoncent brièvement dans ma lèvre avant que je ne continue, la douleur de la coupure étant encore assurément coincée dans la boucle de l'adrénaline me coulant dans les veines. La douleur à venir ne pouvant qu'assurément m'en sortir parce que douleur il y aurait et pas qu'un peu. « J'ai... cru rêver de mon passer, cauchemarder serait probablement un meilleur terme, et... il faut que je sache si ce que j'ai vu est réel... Il faut... que je creuse... » Il faut... que je sache si j'ai tué tous ces gens...

Je ne dirai rien non. Je ne dirai pas ce qu'il en est de lui, de moi, de nous. Je n'extrapolerai pas sur ce qui s'est passé ce matin en cet endroit parce que ça ne servirait personne, n'apporterait rien de bon à cette situation. J'ai besoin de penser plus que parler, me reposer plus que hurler. J'ai besoin de laisser ma tête absorber ces minutes interminables et ce qui m'a secoué de trop en ce début de journée marquant assurément un tournant de mon existence sur un chemin que j'aurais voulu ne pas avoir à emprunter. De la torture, c'est réellement ce qu'est cette perte de mémoire qui arrive à trouver une finalité en imposant à nos esprits des parcelles de souvenirs que nous ne pouvons pas contrôler. Visiblement davantage enclins à nous imposer ce qui nous a blessé, ce qui nous a secoué, que nous permettre la moindre once de sourire de par un souvenir franchement heureux. Non. Ce serait trop simple, trop beau, trop agréable de voir ce moment où on aurait pu être assis dans un jardin verdoyant à manger une glace avec des amis, laissant la nostalgie et l'espoir que tous ces gens se portent bien nous envahir. Il était visiblement plus simple de laisser les cauchemars à venir nous malmener encore et encore jusqu'à ce que nous n'en pouvions plus de cet endroit et tout ce qui va en découler. Nous devions être forts, essayer, mais quelle était réellement la limite de l'esprit dans une situation de ce genre? Quelle était la limite du corps humain et ce qu'il était en mesure d'encaisser? Quelle était la limite que moi j'allais arriver à supporter malgré toute ma volonté de tenir debout et ne pas laisser ce bordel tournoyant en mon esprit gagner?

Je ne réponds pas lorsqu'il dit qu'il va me laisser réfléchir, lorsqu'il mentionne l'évidence même en mentionnant recoudre la plaie nouvellement réalisée de ma main. Celle-là même marquant ce changement qui s'est déjà engendré en moi de par ce choix que j'ai fait de me débarrasser de cette vilaine cicatrice et tout le bagage qu'elle portait au profit de quelque chose de plus propre, plus lisse, plus... discret. L'aiguille mord ma chaire et je ferme les yeux, agrippant sporadiquement le bord de la table à chaque nouveau pincement de douleur irradiant dans ma jambe. La tête qui tourne, le souffle court, le cœur en panique et pourtant je tiens le coup...pour toi... C'est tout ce que j'arrive à réellement penser même si je ne sais pas à qui mon esprit peut faire référence. Je ne sais pas s'il veut que je tienne le coup pour moi-même, face à Doc simplement par orgueil ou s'il y a un détail qui m'échappe encore comme tant de chose que je ne suis plus certain de vouloir me remémorer. Ce cauchemar, cette réalité, n'étant assurément qu'une infime partie de ma vie à en juger par l'apparente vieillesse de ma défunte cicatrice. Il y a eu un après, il y a eu un avant, il y avait plus à ma vie que... ça.

J'ouvre les yeux lorsqu'il recommence à parler, fixant le plafond en soupirant. « Je crois que mes choix sont limités de toute façon. » Répondis-je lorsqu'il m'expliqua son plan de match pour la suite, qu'il pointa l'évidence que marcher me serait assurément difficile voire impossible. Non pas juste en raison de la plaie démesurée désormais refermée, mais aussi de ma totale incapacité à ne serait-ce que me redresser malgré mon envie de le faire. Mon corps avait atteint une limite, un pallier, et passer mes bras autour de son cou faisait parti de ces choix limités auxquels je devrais me plier pour arriver à voir cette journée avancer. Je le fis donc, le laissant me porter comme un animal blessé en plaçant toute forme de fierté mal placée de côté lorsqu'il me porta jusqu'à l'ascenseur. Appréciant tout de même l'heure matinale et l'endroit qui ne devait pas être encore bondée. « Dans le 5B. »