Rules are (un)important

Fuck.... Fuck... Fuck... Je la sens déjà, la folie qui commence à s'imprégner de moi et me souille les veines. Je la sens s’immiscer dans mon crâne et me susurrer à l'oreille qu'on ne sortira jamais de cet endroit, que nous y sommes coincés à vie pour le meilleur et pour le pire. J'essaie d'être optimiste, vraiment, sincèrement, mais vers quel autre chemin puis-je vraiment tendre à me diriger dans cet environnement où je me sens comme un hamster dans sa cage? Contraint de tourner en rond dans une roue où je ne fais que toujours emprunter le même chemin pour découvrir les mêmes choses et repasser par le même point de départ avant de recommencer. C'est à rendre n'importe qui complètement cinglé malgré ma bonne volonté soumise à cette routine naturelle qui s'est imposée à moi sans que je ne m'en rende réellement compte. Tôt, trop tôt, je me réveille à tous les matins et descends avec précaution de mon lit pour faire quelques exercices basiques dans la noirceur avant de faire mon lit lorsque les lumières s'allument, attraper des vêtements et me diriger vers la douche où je me trouve en ce moment. À jurer intérieurement en laissant l'eau bouillante brûlant ma peau me convaincre que non je ne suis pas mort. Pas encore du moins, mais comme nous ne savons pas même pourquoi nous sommes ici, je ne sais pas si ça ne saurait tarder ou si justement le but est de ne pas voir ce jour arriver. Cet endroit peut exister pour tellement de raisons... Il faut que je me trouve un but, une raison d'être, n'importe quoi qui pourrait m'aider à passer le temps sans simplement constamment me maudire de vivre de façon si mécanique, ordonnée, rangée et prévisible. Il faut que je me trouve un objectif, un projet, de quoi m'empêcher de passer tout mon temps à voguer entre ma chambre, la douche et le coin sportif un peu trop simpliste à mon goût. Il faut que je me découvre une passion, de quoi me motiver le matin même si me lever n'est pas réellement un enjeu en ce moment. Autre chose que simplement faire un nouveau trait sur une feuille à chaque nouvelle journée qui passe pour ne pas perdre le fil du temps, même si la date et l'année ne sont pas des informations que j'ai en ma possession. Rien d'étonnant dans le flot phénoménale du manque d'informations où nous baignons.

Soupirant, j'observe ma montre pour constater que je suis dans la douche depuis une bonne trentaine de minutes, rien ne m'empêchant de le faire. Je devrais tout de même sortir, pour le principe et avant d'avoir une tête de homard trop cuit, et essayer de trouver ce prétendu but auquel j'ai tant envie de m'accrocher comme une âme désespérée. Je coupe donc l'eau, enfilant les vêtements tout aussi routiniers que l'environnement, avant de sortir du logement et me diriger d'abord vers les bibliothèques. Fantastique, policier, drame, suspense, science-fiction, … rien ne semble attirer mon œil outre mesure que ce soit les romans ou les livres divers se trouvant sur les tablettes. Je constate néanmoins, du moins en détaillant certaines couvertures, que les livres présents sont en plusieurs langues et que je semble être en mesure d'en comprendre plusieurs. Ce qui ne m'éclaire en rien sur ma langue natale. Surtout que j'avais cette impression que nous parlions tous la même langue comme j'ai pu comprendre le moindre mot de chaque personne ayant croisé mon chemin. Peut-être est-ce le cas, peut-être que nous provenons tous du même endroit et que cette bibliothèque multilingues n'est qu'une coïncidence parmi tant d'autres. Rien de plus toutefois pour m'aider dans ma quête comme je ne semble pas être un grand lecteur ou du moins je n'en ai pas l'impression. J'attrape tout de même un livre, un peu au hasard, avant de poursuivre mon chemin et me diriger vers le matériel créatif. Là encore, rien qui ne semble me donner envie de réellement me lancer dans quoi que ce soit. Le sport, que le sport, ça ne me sauvera pas de l'ennui et la folie. Fuck.

J'allais me diriger vers l'espace repas, sans réellement avoir une envie prenante de me nourrir tout comme lors des jours précédents, lorsque mon regard accroche une chemise anormalement colorée. Fronçant les sourcils, je suis l'homme du regard, le voyant se déplacer hors des machines et tables avec son plateau de nourriture. Il est suicidaire? Et je suis trop loin pour simplement lui hurler qu'il va enfreindre une règle des plus basiques de l'endroit et, qui sait, peut-être se faire lapider à mort devant tout le monde sans qu'on ne puisse rien y faire. Je les ai apprises par cœur oui, visiblement motivé à me préserver de peu importe ce qui arriverait en les transgressant. Fuck. Fuck. Fuck. Marchant rapidement, je me dirige vers lui pour essayer de le 'sauver'. De façon un peu trop expéditive même alors que j'arrive enfin à son niveau et que je donne un coup sous le plateau pour le renverser, faute de savoir si lui parler l'aurait simplement poussé à prendre une bouchée en haussant les épaules. C'est beau de voir comme j'ai foi en l'humanité. « T'es dingue? Tu peux pas manger là! »

J'ai taché ses chaussures? C'est réellement sa préoccupation première en cet instant où je l'ai 'sauvé' de je ne sais quoi parce que cet imbécile s'apprêtait à transgresser les règles sans réellement s'en soucier? Les gens ici… Je ne sais pas s'ils sont tous bêtes ou simplement suicidaires, mais ça a assurément le mérite de m'exaspérer au plus haut point. Nous devrions nous soutenir, nous entraider, pas nous hurler à la tête comme il le fait après une pause trop longue parce que bon sang qui sais de quoi je l'ai préservé. Tout ça pour quelques vulgaires flocons d'avoine, ce qui a l'odeur de jus de pamplemousse et cette chose horrible qu'il a fait avec sa chemise. Ce n'est pas comme s'il pouvait simplement retourner chercher à manger et changer de vêtements 15 fois par jour s'il le décide. Rien qu'un peu de peinture et de temps, ce dont personne ne manque ici soyons franc, ne puisse régler. À croire que c'est une bombe qui explose davantage qu'un homme que j'ai sous les yeux. Pourtant, je n'en fais pas de cas, levant simplement les yeux au ciel en glissant mes mains dans mes poches alors qu'il gesticule comme une pieuvre qui ne retrouve pas son lot de clés empêtré dans ses trop nombreuses tentacules. Souriant presque de l'image avant de sentir sa main contre mon torse et voir l'énorme tache qu'il y a laissé. Charmant. Je pourrais simplement lui répondre calmement, calme l'étant parfaitement de mon côté et en rien dérangé par ses hurlements et gesticulations tout sauf nécessaires. Peut-être est-il à cran comme tout le monde ici, mais de là á s'emporter pour si peu…

Je décide tout de même de lui répondre dans son langage histoire de m'assurer qu'il me comprendra bien, commençant à gesticuler dans tous les sens en hurlant  à mon tour. « T'AS PAS LE DROIT DE MANGER LÀ CRÉTIN! JE VIENS DE TE SAUVER LES FESSES ALORS T'EMPORTE PAS POUR DEUX TROIS GRAINS D'AVOINE ET UN JUS DE MERDE ALORS QUE TU PEUX ALLER EN CHERCHER D'AUTRE! PUIS ELLE EST MOCHE TA CHEMISE PICASSO. T'AURAS QU'À LA REFAIRE, T'AS VISIBLEMENT RIEN D'AUTRE À FOUTRE! » Terminais-je en posant mes mains contre son torse, ce qui n'était pas dissimulé sous ses bras croisés accusateurs, pour mélanger tout ce qui ne serait pas sec. « Tient, comme ça au moins tout est moche égal. » Je suis quelqu'un de patient en général, calme même, même si visiblement j'arrive à avoir du répondant devant les clowns qui se croient plus mâlins (aka le rouquin) et les… artistes en pleine crise existentielle? Je suis calme, très calme même, mais pour une raison qui m'échappe il y a des comportements que je ne peux retenir lorsqu'on m'agresse d'une façon ou une autre. Comme si j'avais l'habitude de… défendre mes intérêts ou je ne sais quoi. C'est réellement tout sauf pratique cette perte de mémoire.

« Qu'est-ce qui t'as absorbé à ce point l'artiste incompris? Tu avais envie de faire de toi un test de Rorschach portatif? Une soudaine envie de poser un diagnostique sur les gens? Ou tu perds simplement la tête dans ce bordel? » Que je demande finalement, croisant les bras dans la peinture contre mon torse ne me dérangeant en rien. J'ai une tonne de ces chemises horribles et aucune raison de les nettoyer par moi-même. Calme, super calme… Pourquoi est-ce que je n'arrête pas de me répéter ça? Ça en devient presque maladif, comme si j'essayais de me convaincre bien davantage que je ne le croyais réellement… « Parce que si ce n'est que ça... il ne faut pas lâcher et surtout ne pas donner le pouvoir à peu importe la personne qui a pu nous coincer ici. Transgresser les règles ce n'est pas ça la façon de 'gagner' et montrer qu'on ne veut pas être prisonniers contre notre gré. » Que j'ajoute finalement, ne voulant pas réellement donner l'impression de n'être aussi qu'un sombre crétin moi aussi. Ça pourrait porter à confusion vu le comportement que j'ai sporadiquement adopté avec lui. « Désolé, pour ton plateau... »

Je me souviens vaguement avoir ouvert la bouche une fraction de seconde pour protester lorsqu'il a affirmé que je me devais d'aller chercher un autre repas avec lui, mais l'inconnu en a décidé autrement. J'ai senti sa main enserrer mon poignet pour m'intimer un mouvement que j'ai mécaniquement suivis. Non pas parce que je voulais lui accorder une quelconque forme de satisfaction, mais plutôt parce que je ne voulais pas qu'il me fasse mal et se fasse coincer pour quelque chose de si facile à éviter. Pas alors que j'avais engendré ce gros n'importe quoi expressément pour l'en préserver, ce serait stupide. J'allais plutôt fortement soupirer de son geste en guise de protestation lorsqu'il a formulé une nouvelle demande, l'air se coinçant dans ma gorge me faisant presque m'étouffer alors que je continuais de le suivre en marchant. Que je quoi? Que je m'excuse à sa chemise? Mais il n'est pas bien celui-là. Peut-être sommes-nous dans un asile psychiatrique. Peut-être que moi aussi je suis fou, mais je vis dans le déni. On nous a peut-être fait cette chose avec les électrodes sur le crâne assez souvent pour nous brûler les cellules du cerveau et nous faire oublier tout ce que nous avons pu savoir. À moins qu'on ne nous ait drogué, injecté une saleté dans les veines pour nous tuer l'esprit. Ça expliquerait le malaise au premier réveil et ce serait logique après tout au vu de l'environnement si blanc, de nos 'noms' semblables à des numéros de dossiers… Ah bon sang. Il ne me reste qu'à tomber sur une pièce capitonnée pour être ne serait-ce qu'un moindrement convaincu par cette hypothèse parmi tant d'autres. Des cinglés… Qu'est-ce que j'aurais bien pu faire pour me retrouver dans un endroit pareil? Parce que ça ne me semble en rien évident, pas comme pour lui et sa façon d'être qui transpire presque une folie certaine alors qu'il dépasse tout le monde et s'impose à la machine distributrice toujours sans me lâcher. Ce fou furieux. « Mais tu vas me lâcher!? » Que je fini par lancer en le voyant se balader avec son plateau d'une main et moi de l'autre comme si j'étais un clébard en laisse qui refuse d'avancer… alors que je ne faisais que ça, avancer. Avancer pour lui éviter de me blesser stupidement et avancer pour éviter qu'une résistance de ma part lui fasse échapper son plateau et qu'il me défonce le visage avec pour la peine. Quelque chose me disait qu'il en serait capable, la folie sans doute.

Je pince les lèvres, embêté par ses conneries, lorsqu'il me fait asseoir face à lui pour engouffrer son repas semblant tout sauf appétissant en marmonnant quelque chose de totalement incompréhensible. Juste avant que mon visage ne se décompose de découragement alors qu'il continue de parler. Il est sérieux là? Il a les oreilles qui ont bouchées quand j'ai essayé de lui expliquer ou il est juste aussi con qu'une plante verte dans son pot? Ce n'est pas possible… Je rêve. Raciste des gens qui mangent autre part… Il s'écoute parler au moins parce que je n'en ai pas l'impression? Je pose mon visage au creux de mes mains en grommelant tandis qu'il reprend avec cette foutue chemise. Comment dire… Je relève la tête, mains main glissant contre mon visage pour s'arrêter sur ma bouche alors que je fixe le plafond avant de reposer mon regard sur lui. « Je ne sais pas depuis combien de temps tu es ici, mais je ne peux sérieusement pas m'empêcher de me demander comment tu as fait pour survivre aussi longtemps. » Je pose les mains sur la table en les croisant, mon regard passant de son plateau me semblant réellement tout sauf appétissant à son visage puis sa chemise. « Il y a des règles ici qui sont littéralement placardées partout sur les murs. Des règles qu'il faut respecter et qui stipules que ta petite bouffe tu ne peux pas la manger ailleurs qu'avec tes fesses posées sur cette chaise. Tu sais, ce que je t'ai déjà expliqué et qui a visiblement profité du courant d'air entre tes deux oreilles pour simplement ressortir de l'autre côté. Tout comme je me suis déjà excusé aussi d'ailleurs. Pas pour cette horreur de chemise, mais pour le dégât de bouffe. Je ne m'excuserai pas à un bout de tissu... »

Mon regard se pose sur mes mains placées ainsi devant moi sur lesquelles trônent une jolie quantité de peinture que je commence à essayer de gratter distraitement. « Mais c'est bon j'ai compris, la prochaine fois je te laisserai te faire punir de je ne sais quelle façon parce que tu aurais fait le con et ce sera bien fait c'est tout puisque visiblement tu te moques bien de tout ceci. » Dis-je avec le peut-être vain espoir de le faire réfléchir un minimum, même si je sens trop bien au fond de moi que je ne serai pas capable de simplement l'observer aller se jeter en bas d'un pont sans rien faire. Lui ou quelqu'un d'autre pour ce que ça vaut. Ça semble ancré dans ma chaire ce besoin de ne pas laisser les autres s'attirer d'ennuis, sinon je l'aurais laissé faire sa bêtise sans sourciller.

J'en suis toujours à gratter le rouge sur mes mains lorsque le silence s'installe entre nous, ma tirade terminée et lui n'ayant visiblement rien à rétorquer dans l'immédiat. Ce qui m'étonne presque à dire vrai au vu de sa façon si spontanée et impulsive de réagir la première fois que je lui ai sorti une longue tirade moralisante comme si j'étais un père face à son gamin. Heureusement que ce n'est pas le cas, que ça ne peut clairement pas l'être au vu du trop mince écart d'âge qui semble nous séparer à vue de nez. Presque inquiet, imaginant déjà la fumée lui sortant par les oreilles, j'en viens finalement à lever le regard dans sa direction, fronçant les sourcils en voyant la mine basse qu'il affiche soudainement. Oui, bon, j'admets sans peine que je n'ai pas été dans la délicatesse avec mon choix de mots, visiblement agacé par la situation, mais je ne croyais tout de même pas l'avoir blessé à ce point alors que j'essaie juste, un peu trop peut-être, de l'aider ce pauvre type. J'imagine que les contacts sociaux dans cet endroit ont de bon que je peux voir à quel point je suis socialement handicapé, en rien doué pour m'exprimer autrement que bien trop franchement pour le bien de tous et m'auto-recommander de simplement me taire la prochaine fois histoire de ne pas faire de montagne d'une bêtise avec tout le monde sans le vouloir. Parce que non ce n'est pas ce que je voulais, le blesser. Non ce n'est pas ce que je veux, me prendre la tête avec les gens. J'aimerais juste qu'on se mette d'accord sur le fait que bon sang s'il y a des règles dans un endroit comme celui-ci ce serait con de ne pas les respecter et que se tenir les coudes pour trouver une solution à tout ce bordel serait assurément plus rentable que s'utiliser les uns les uns comme punching-ball. Et qu'est-ce que je fais? Oh tout le contraire de ce que je prône à l'encourageant presque à me frapper de tant de méchanceté et en ne me faisant assurément pas de cet homme un allié. Way to go.

J'arrête finalement de gratter ma main, admirant cette onde de tristesse passant dans son regard avant qu'il ne se décide enfin à parler de nouveau... Et je n'arrive qu'à penser encore une fois 'mais comment a-t-il fait pour survivre jusqu'à maintenant?'. Il y a tant de ces règles qui sont si simples à transgresser si on ne porte pas un moindrement attention à la situation et l'environnement. Oh et le voilà qui en viendrait presque à pleurer. Soit celui-là était acteur dans une autre vie et il me ment en plein visage comme jamais, soit il... ne peut définitivement pas survivre dans cet endroit. Et pas seulement en raison de cette prétendue incapacité à lire, mais également parce que s'il n'est pas foutu d'écouter quand on essaie de lui expliquer il ne s'en sortira simplement pas. Ce petit... Je soupire, levant de nouveau les yeux au ciel parce que franchement je ne sais pas réellement comment réagir face à sa tirade désespérée. Surtout que c'est bien joli de dire qu'il ne sait pas lire, avait honte de demander et blablabla et espérait user des symboles pour se rendre utile, mais ça n'explique en rien cette demande totalement saugrenu d'excuses à sa chemise.

Je pourrais lui dire n'importe quoi, inventer des règles bidons face à sa demande de lui expliquer ce qu'il en est des dites règles qu'il ne sait pas lire, mais qu'il me dise n'importe quoi ou non je sais que je ne suis pas méchant à ce point. Puis, avouons-le, j'aurais bien trop peur que des règles bidons lui fassent faire n'importe quoi. Dans le pire, il rira bien de moi si je me fais prendre au jeu et que tout ça n'est qu'un flot de bêtises. Dans le meilleur des cas, il n'aura plus cette excuse bidon pour prétendre à faire n'importe quoi. Alors je soupire, encore, avant de recommencer à gratter la peinture sur mes mains. Aucune empathie à pleurer avec lui non. « Tu sais, il va vraiment falloir que tu passes outre certaines choses si tu veux avoir une chance de t'en sortir. Quand quelque chose est littéralement placardé partout en général c'est que c'est important et sans savoir de quoi cet endroit est capable... vaut mieux être prudent. » Que je commence avant d'enchaîner avec le basique des règles, n'en laissant aucun de côté puisque je ne le connais pas cet homme et pour ce que j'en sais ce pourrait bien être un nudiste qui ne s'avoue pas encore. « Et niveau règles, ce n'est pas très compliqué. Frappe personne, ne brise pas les murs ou les meubles, faut être dans ton logement de 22h à 6h et uniquement dans ton logement, tu ne peux pas sortir de ton logement nu, mais... j'imagine que tu peux tout enlever une fois dehors si c'est ce qui te plais... Il faut que tu gardes ta montre, tu ne peux pas partager ta nourriture et tu ne peux pas manger ailleurs que sur les tables ici présentes de 7h à 9h, 11h à 13h et 19h à 21h. Ça fait le tour. » Que je lance tout d'un souffle. Oh oui, j'ai tout appris par cœur. S'il y a bien une chose qui a été facile c'est ça pour être franc. « Tu penses arriver à faire tout ça? »

Ce sale petit con. Je sens mon ongle s'enfoncer dans la peau de ma main lorsqu'il se redresse soudainement et que les larmes perlant dans son regard se transforment en ce je ne sais quoi qui me donne simplement envie de lui en coller une suite aux propos qu'il lance pour me confirmer qu'il essayait bien de se jouer de moi. Super, un autre clown à croiser mon sillage. C'est que je les collectionne ces gamins insupportables qui trouvent visiblement amusant de me faire chier à la limite de l'acceptable. Je reste tout de même calme, j'essaie bien fortement du moins malgré le fait que visiblement ces gens-là éveillent en moi une rage et une pointe de violence oui que je vais refouler pour le bien commun. Peut-être que c'est ça que Sixteen avait vu dans mon regard lorsqu'elle a mentionné croire que oui je serais en mesure de blesser des gens même si je ne le ferai pas. Elle a vu que je ne supporte pas les petits connards qui agissent comme des enfants et que malgré mon envie de leur dévisser la tête pour la jeter dans les toilettes j'arrive oui à me contenir un minimum... pour le moment. Enfin... j'y arrivais jusqu'à ce qu'il use de sa fourchette comme une catapulte pour m'envoyer ce truc franchement dégoûtant sur le front. Alors là ça c'est de trop. Ça, ça a le don de m'énerver et oui me donne une envie pressante de le frapper, le mordre, le tabasser à coups de pinceaux, n'importe quoi. Ça me donne envie de lui faire ravaler ses petits propos lancé comme quelqu'un qui se fiche bien de s'attirer des ennuis parce que sa 'coolitude' va le sauver. Crétin. Imbécile. Tout autre dérivé de synonyme traduisant ce qui me fait me lever d'un bond de ma chaise, la renversant presque au passage alors que je pose les mains sur la table en me penchant en direction de cette plaie qui me met hors de moi plus que quiconque n'a été en mesure de le faire pour le moment. « Gros con hein. » Je n'ai pas eu besoin de plus pour plonger la main dans son bol sans la moindre retenu pour prendre de cette si précieux oatmeal et le lui étaler partout sur le visage, sur sa chemise, n'importe où étant accessible et pouvant assurément le faire chier au possible. « Tiens tu vois, ça non plus ce n'est pas une agression. Tu vas faire quoi en retour hein dit-moi? » J'attrape son verre de jus et je le lui balance dessus pour couronner le tout. « C'est vrai que ça aurait été dommage de ne pas avoir récupéré toute cette nourriture après le premier accident. »

Et je ne souris pas non. Je ne suis pas satisfait par la situation ou par mes actions. Je m'en veux presque même d'agir de la sorte alors que peut-être que cet énergumène agressant agit peut-être simplement de la sorte parce que c'est sa façon à lui de vivre avec la situation et cet endroit. Je suis tout aussi con que lui, tout aussi désagréable que lui, mais j'ai surtout visiblement une limite beaucoup moins prononcé que je le croyais et je ne sais pas comment arriver à gérer ça. Je ne sais pas ce que ça dit sur moi outre tout le contraire de ce que j'espérais être. Est-ce que je suis un colérique de nature? Est-ce que je perds réellement mon sang froid si facilement alors que j'avais plutôt l'impression d'avoir une maîtrise presque inhumaine de mes émotions vu la situation et l'absence totale de panique à vriller mes veines? Comment est-ce que je peux être à la fois si calme, posé et patient et l'instant d'après devenir ce monstre d'impulsivité qui n'arrive pas à retenir des gestes que je regrette déjà. Pourtant je ne m'excuse pas, je n'y arrive pas. J'ai débuté cette rencontre pavé de bonnes intentions pour l'aider ce type à ne pas simplement se faire bouffer par cet endroit et tout ce qu'il a trouvé à faire c'est se foutre de ma gueule pour une putain de chemise qu'il peut refaire n'importe quand. Ce n'est pas comme si on manquait de temps. Ahhhh j'ai envie de hurler, envie de détruire quelque chose, mais il faut que je me calme. Il faut que je respire avant de moi-même transgresser l'une de ces stupides règles par inadvertance. Ce serait tout aussi con avec tous les efforts que je fais, mais il faut vraiment que j'arrive à travailler sur moi-même. Parce que peu importe ce que j'ai pu être par le passé, peu importe qui j'ai pu être par le passé, ma seule chance de corriger les défauts qui peuvent émerger est là. Elle est ici et maintenant alors que je réalise ce qu'il en est et que je peux encore les empêcher d'émerger davantage. Je ne veux pas que tout ça ce soit moi...

Mains posées contre la table, je le fixe d'un regard noir que j'imagine trop bien à la limite de l'assassin. Un regard qui exprime à quel point je lui enfoncerais la tête dans cette saloperie de petit déjeuner simplement pour ne plus voir ce petit sourire agressant s'étirer sur ses traits puisque forcément ça le fait sourire tout ça. Ça le fait sourire de me voir réagir, de me pousser à bout, sans doute de m'imaginer à la limite de transgresser l'une de ces foutues règles dont j'essayais simplement de le préserver. Ça le fait sourire de jouer avec ma tête et d'être le spawn de Satan répandant chaos et destruction sur son sillage, car c'est assurément ainsi que je le vois, que je l'imagine. Rouge du vice que ses petites cornes et sa queue pointue ne font qu'accentuer. Chiant au possible, méchant de sur-quoi, et ne semblant en rien regretter sa façon d'agir totalement gamine et puéril en continuant plutôt de toujours faire pire. Ce type est la vermine qui nous mènera à notre perte, qui fera exploser cet endroit et tout ceux qui se trouvent dedans avec. Ce que je peux avoir hâte au jour où il va frapper son mur et réaliser que son attitude de merde est la pire réaction qu'il peut avoir en ce moment et s'il veut se faire coincer par je ne sais quoi parce qu'il n'a pas respecté les règles et bien qu'il le fasse ce con! J'expire, levant une main pour essuyer ce truc immonde qui commence à me couler dans le front, alors qu'il mentionne vouloir jouer. Forcément, ça joue la vierge effarouché quand on critique sa chemise, mais là il est couvert de nourriture et il s'en fiche bien.

Je l'observe lever le bras de ma glorieuse absence de sourire, haussant un sourcil lorsqu'il attrape le bracelet de sa montre pour tirer dessus. C'est ça son nouveau plan machiavélique? Retirer sa montre pour voir si je vais réagir. Il veut jouer, très bien on va jouer. Moi aussi je suis capable de mentir et faire preuve d'une sérieux désarmant en le faisant. On verra bien à quel point il a réellement envie de l'enlever sa montre après ça et s'il le fait quand même j'imagine que ça fera un problème de moins dont j'aurai besoin de me préoccuper. « Tu as envie de voir hein? Tu n'as visiblement pas entendu ce qu'on raconte. J'espérais t'en préserver parce que tu sais au fond tu me semblais pas être une vilaine personne, mais puisque c'est visiblement tout le contraire tu arriveras à encaisser sans mal j'imagine. » Je prends une grande inspiration avant de m'asseoir de nouveau sur ma chaise, continuer de retirer les restes de nourriture de mon front tout en parlant. « La dernière personne qui a transgressé les règles s'est fait aspirer par un trou dans le plancher. On croyait tous que c'était la fin tu vois, qu'on ne la reverrait plus jamais. Oh comme on a été cons. » Je secoue la tête en pinçant les lèvres. « Ça a pris deux, trois jours peut-être, avant qu'on le voit revenir. Il est sorti par l'ascenseur en sang, balafré de partout. C'est à peine s'il a eu le temps de parler avant de s'effondrer raide mort. T'as déjà entendu le plancher qui craque pas très loin? C'est là qu'on a caché les reste moi et les autres qui étions là à ce moment-là. On avait pas le choix. On ne pouvait pas simplement le laisser là... Et tu sais quoi... il reste de la place sous cette trappe là... » Je mens d'un bout à l'autre, mais ça il ne le sait pas forcément. S'il me croit tant mieux, sinon tant pi j'imagine. Dans tous les cas j'aurai essayé autrement qu'en lui gueulant à la tête de ne pas le faire. Après tout, il ne sait pas depuis combien de temps je suis là tout comme je ne sais pas non plus depuis combien de temps il est là.

Plus il parle et plus un large sourire s'étire sur mes lèvres. Non pas parce que je dois admettre qu'il n'est peut-être pas non aussi con qu'il en a l'air et que visiblement il m'écoutait en effet un minimum, mais plutôt parce que je sais trop bien comment clore cette discussion qui commence à sérieusement atteindre mes nerfs. Ce sera pour le mieux de mon côté, pour le pire du sien s'il continue d'agir comme un imbécile à vouloir retirer son bracelet et se faire coincer comme le pauvre con qu'il continuera d'être à mon regard. Je sais trop bien comment déjouer tout ce qu'il vient de dire même s'il croit si fortement avoir réussi à trouver la faille dans mon blabla. Là encore il pourra croire que je mens, mais au point où nous en sommes je m'en moque sérieusement. Tout comme je commence à sérieusement me moquer de le voir tirer sur son bracelet à nouveau dans l'espoir de je ne sais quoi. Qu'est-ce qu'il veut exactement? C'est un maso refoulé qui a une envie folle de se faire frapper et voit en moi le sauveur qui pourra lui donner la racler qu'il aspire tant avoir pour combler son esprit perverti de je ne sais quoi? Il espère avoir trouvé la porte de sortie, qu'enfreindre une règle le fera expulser de cette prétendue prison et qu'il pourra tous nous envoyer balader de l'extérieur par la suite? Oh je doute que ce soit si simple. Je doute réellement qu'il suffisent de faire tout le contraire de ce que demande cet endroit pour arriver à sentir l'air frais sur notre visage à nouveau, si vraiment l'air extérieur l'est frais. Du peu que j'en sais, il pourrait bien se faire balancer dans un nuage toxique et plus personne ne le verrait jamais. Ça me ferait une nouvelle victime à ajouter sur la liste de mes mensonges pour essayer de dissuader les gens de faire des bêtises jusqu'à ce qu'on sache ce qui se passe réellement ici.

J'expire un petit rire découragé lorsqu'il termine son parcourt de la mort juste devant mes mains en me demandant de choisir pour lui. « Choisir pour toi? Alors c'est vraiment ça que tu comptes faire pour passer le temps? Tu vas placer une question de vie ou de mort entre les mains d'un parfait inconnu simplement pour la petite poussée d'adrénaline que ça va te donner? C'est tellement pathétique. » Je roule des yeux en me levant de nouveau, m'appuyant sur la table pour mettre mon regard au niveau du sien. « Qui te dit que je l'ai bousillé le plancher hum? Je te rappelle que tu observais un panneau avec des symboles quand je t'ai empêché de te faire coincer stupidement. Un panneau qui se trouvait à côté d'une porte sans poignée. Tu crois que c'est les seuls trucs étranges et dissimulés qui se trouvent ici? Le plancher ne grince pas sans raison et au cas où tu ne l'aurais pas remarquer il n'y a rien ici qui permet de réparer un plancher. On est plutôt limité de ce côté. Alors tu crois vraiment qu'on aurait bousillé le plancher et qu'on aurait réussi à le réparer en obtenant rien de plus qu'un craquement? » Je souris encore un peu, espérant que ma logique bien que toujours totalement mensongère arrivera à le faire réfléchir deux secondes avant de réellement retirer ce stupide bracelet avec lequel nous sommes coincés. « Un plancher réparé ne craque pas comme ça. Ce n'est pas parce que tu ne sais pas comment ouvrir la trappe qu'elle n'existe pas. À toi de voir si tu veux respirer encore un peu ou si tu veux que ta présence ici ne soit que le souvenir du con qui s'est fait envoyer son petit déjeuner à la gueule. » Je me redresse en retirant mes mains de la table, lui jetant un dernier regard avant d'amorcer un mouvement pour partir. J'ai assez perdu de temps avec celui-là et même si je n'ai pas réellement mieux à faire je ne doute pas que je vais trouver sans peine. « À la prochaine le suicidaire. »